Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne Robert Chesley by Robert Giard… 1980s - Antoine Vigne
Comme un fantôme qui vous hante.
Mais bienveillant. Et accueillant. Et magnifique dans son austère indifférence. Il n’y avait pas à lutter contre lui, juste apprendre à le connaître, et réaliser que c’était lui qui changeait, doucement, tranquillement, à un rythme qu’il était parfois impossible de percevoir mais dont le glissement rendait souvent flagrante la permanence de l’être.
Le Vent des plaines, 2018 (extrait)
peut-être as-tu raison de t’en aller
sans rien me dire
Luisance, (extrait)
Le bus partit et Juan le regarda s’éloigner vers l’autoroute dans un brouillard de poussière sèche. Il ouvrit le paquet, y trouvant une petite toile brodée où il reconnut immédiatement le mur frontière, les courbes de niveaux, les routes qui remontaient depuis Nogales et un écrou fracturé qui surplombait le tout et qui pouvait représenter à la fois la libération et la séparation. Ou peut-être les rêves brisés qui constituaient un nouveau départ à partir du moment où on le choisissait. Et, au-dessous de l’ensemble, Carmen avait placé quelques mots tout simples mais où il reconnut une phrase qu’il avait prononcée devant elle : « Les chauves-souris s’envolent vers les étoiles. » Et il se mit à pleurer.
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
la plage devant moi, la fin du territoire, la fin du continent, la terre qui devient sable, se fragmente, 
s’effrite, se désagrège puis disparaît sous l’eau, les vagues, l’écume, le mouvement perpétuel
j’ai toujours imaginé le début du monde ainsi :
des vagues qui s’abandonnent, la plage à perte de vue, le lien, le lieu de rencontre entre le liquide 
et le solide, l’échange et le reflux, l’union et la séparation, le soleil, l’astre, le silence, la lumière,
la non-conscience
l’être qui nait ne sait rien, il est attente, contemplation
désagrège, (extrait)
– J’ai dû changer, Abuelo.
– On ne change jamais tant que ça.
– Ça fait vingt ans. J’étais un enfant.
– Vingt ans, déjà ?
– Je suis désolé, Abuelo. »
Le grand-père posa sa main sur celle de son petit-fils.
« Je sais que tu vis loin. »
Il s’arrêta encore.
« Mais tu as eu raison de revenir. »
L’un et l’autre se turent pendant quelques instants.
« Tu veux un verre de mezcal ?
– À cette heure-ci ?
– On a bien le droit, une fois tous les vingt ans… »
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
« Cette histoire n’est rien. Un moment volé au temps. Quelques heures entre l’Atlantique et Détroit, suspendues dans la chaleur de l’été au-dessus de l’asphalte désagrégé des rues. Le rêve d’une ville en décadence, la vitrine de nos échecs et de nos faillites, le fossé dans lequel on ne cesse de jeter les corps dépecés des exclus et des abandonnés. Le monde tel qu’il est. Un chaos perpétuellement renouvelé que nous cherchons sans cesse à rationaliser pour lui donner un sens et satisfaire notre fantasme d’équilibre. Et au creux duquel nous inventons nos vies. »
Tout s’écoule, Éditions Bartillat, 2023 (extrait)
une photo sur Instagram,
ton fil qui s’évapore dans les montagnes fumeuses de Caroline du Nord
pourquoi l’as-tu postée au monde plutôt que de me la transmettre, à moi ?
quel égoïsme dans l’amour, quel égocentrisme (le mien)…
j’annule la possibilité de ton existence aux autres


te laisser reprendre ton souffle,
ne pas t’effrayer,
peut-être es-tu déjà mort à notre amour – quel droit ai-je de prononcer ce mot dans le doute –, à ce désir que tu inventes pour moi, je me laisse porter par le mirage
Luisance, (extrait)
Guibert Pudeur et Impudeur - Antoine Vigne
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Hier soir, je regarde enfin La pudeur ou l’impudeur que je trouve magnifique évidemment, notamment ce que Christophe Honoré dont je visionne après le film un entretien appelle la violence, mais, dans les scènes où Guibert demande à ses tantes âgées ce qu’elles pensent du suicide, je trouve aussi une intimité folle, il leur parle comme à des êtres sensibles, il les interroge sur leur rapport au corps, notamment sa tante Suzanne qui peine lorsqu’elle est nourrie à la cuiller devant la caméra et qui, d’un souffle lorsqu’il lui demande ce qu’elle souhaiterait pour son anniversaire à venir, murmure un « un peu plus de temps à vivre » qui trahit à la fois la crainte de la fin et l’attachement à ce qui reste d’existence. Il nous défie aussi de le regarder, de vivre comme il vit, comme il a vécu, ne pas se laisser berner par les illusions que sont les convenances, on chie tous donc pourquoi se cacher, pourquoi ne pas parler de la maladie, pourquoi ne pas se montrer dans les diarrhées qui sont l’apanage de son angoisse, de la déliquescence du corps, pourquoi avoir peur de dire les choses, de les filmer, il sait que son entreprise est une philosophie, que les limites que nous posons à l’énoncé de ce qui peut se dire ou ne pas se dire agit comme une hache qu’on planterait dans un tronc, elle prépare la séparation, la dis-jonction, on ne peut vivre l’intimité qu’en disant tout, en montrant tout.
Et, pourtant, nous savons que nous ne montrons jamais tout. Non pas par duplicité mais par incapacité. On rejoint là l’un des grands enjeux de la littérature : comment mimer le réel, comment faire coller le récit à l’existence, comment détacher la narration de sa gangue à voie trop étroite comme un train qui passerait dans un tunnel, et l’épanouir dans une réalité où le chevauchement des perceptions ajuste en permanence la focale, la prise de vue, le panorama, comment aller au-delà des outils que nous, humanité, avons conçu et qui nous enferment. Comment sinon en commençant par montrer et regarder.

#film #hervéguibert #homosexualité #littérature
29 mai 2025
Au détour de recherches - Antoine Vigne

Au détour de recherches, je lis sur Mauriac, puis sur Jouhandeau.
Je reconnais chez eux les tortures de la sensualité qui ne peut pas se libérer du carcan où elle a été enfermée, soumise à une vérité dominatrice, totalitaire, aux préceptes, à l’idée de Dieu, engoncée dans le vocabulaire de la faute, de la pureté, et qui s’invente, dans le mysticisme, une voie de salut. De survie serait sans doute plus juste. Elle cherche l’incarnation dans les entre-deux, le soleil perçant aveuglément dans les nuages, c’est un vol qui ne trouve jamais le grand bleu mais des éblouissements rassurants, réconfortants après les nuits d’orage, après les grêles intenses, le désir et l’amour ne les lâchent jamais.

Cette citation de Jouhandeau :

“Je ne devrais plus penser qu’à Dieu et quelqu’un me dispute à Lui, comme si l’Océan sortait de son lit pour l’amour d’un rocher contre lequel il ne saurait que se briser ou comme si mon regard oubliait le Ciel pour suivre un nuage”.

C’est déchirant.

et puis cette phrase aussi:

“On ne peut adorer l’Éternel sans laisser d’être sensible aux idoles qu’il est permis de toucher.”

D’autres passages fabuleux dans la correspondance entre Leiris et Jouhandeau qui ont été amants
Leiris dans une lettre à Jouhandeau en 1926:

“le silence – image de l’absolu – pouvait seul donner une idée de la façon dont m’avaient frappé tes paroles. Je n’ai pas cru devoir, par des vocables humains, essayer d’exprimer mon émotion, profonde comme un filet de sang dans la blancheur d’un os, liquide vivant serré entre les ais rigides de l’éternel. […] Notre amitié est située hors des lieux et des temps, sur la plage immense de l’absolu. Il y a des épaves, des albatros, des ossements de noyés. Il y a des trésors sortis des galions défoncés. Il y a des galets durs et polis comme des crânes, des vagues douces et monstrueuses”.

La poésie les sauve sans les racheter.
Impossible de ne pas penser aux ravages de la religion aujourd’hui encore. Derrière les atours de ce que réussit à extirper la souffrance à l’être.

#écrire #homosexualité #jouhandeau #journauxintimes #leiris #littérature #mauriac
23 mai 2025
à Roissy, une mère et son enfant, tous les deux ch… - Antoine Vigne
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à Roissy, une mère et son enfant, tous les deux chaussés de baskets Vuitton, le sac Vuitton, lui râle, il ne veut pas embarquer, pas rentrer aux États-Unis,
tu as ton expo demain , « your art show », ce sera bien
et puis elle ajoute:
tu leur diras que tu as vu l’expo Hockney en personne.. .
petit orgueil qui cherche à se propager,
je me rends compte que la femme aux cheveux blancs devant eux, dans un pantalon ultra large, est la mère de la mère, elles échangent des mots rapides, durs

par la fenêtre, je note Air Mali

dans la file d’embarquement du vol pour Washington à la porte suivante, une autre femme échange quelques mots avec un jeune mec, elle sans doute la soixantaine joyeuse, dynamique mais un peu défraichie, l’allure est imparfaite, lui la vingtaine souriante, il est poli, il répond puis il attend de passer à autre chose, on sent la gêne rapide qui flotte dans l’air puis ils se tournent l’un l’autre vers les grandes baies vitrées derrière lesquelles les avions décollent

je lis Denis Gombert, beau texte, léger et grave et gai dans le même temps, la vie en roue libre, les instants qui défilent à toute allure et les reflets qui changent à chaque mouvement, ça scintille de vie, comme lui

les images du pape Léon s’affichent sur les écrans, il s’est rendu sur la tombe de François, de bons échos jusqu’ici, une continuité sur la défense des plus démunis, le refus de la puissance, le front contre la stupidité des nationalismes arrogants

survolé Londres, tout était clair, limpide
envoyé un message à Danny

#carnetsdevoyage #carnetsintermittents #friends #littérature #notretemps #volderetour
14 mai 2025
0417-4 Genet, je relis Genet, pour la troisième f… - Antoine Vigne

0417-4

Genet, je relis Genet, pour la troisième fois sans doute,
je reprends le Notre-Dame-des-Fleurs
je n’ai pas de souvenirs en fait, ou pas de souvenirs précis,
(du cisèlement des mots, de la prolixité de la phrase, les images, la présence constante de l’auteur, l’odeur de la prison, il est là, il vous le dit, il vous le répète, c’est du fantasme, la pure production de l’esprit,
c’est proprement exaltant, comment puis-je ne pas me souvenir de tout cela, la phrase de Proust mais plus livre encore, moins formelle, moins maniérée, moins maniériste, elle n’a pas peur de plonger non pas dans l’émotion mais dans la pulsion, dans la nature
cachée/voilée/extravertie quand on la laisse s’épandre, s’étendre, une explosion qui se fait floraison parce que les mots retiennent tout de même leur capacité à fleurir, la semence ne coule pas, invisible et transparente sur un ventre nu, non, à un moment, elle se retient dans la bouche de Genet et c’est
sublime)
j’étais avec Jean à l’époque
non,
la première fois, j’avais 19 ans, Sophie et Ségo avaient commencé d’étudier en fac de lettres, c’était le premier exemple de texte homosexuel qui m’arrivait,
des mots échoués sur ce qu’étaient mes tristes plages
je marchais en sentinelle sans comprendre que j’avais soif
un océan à ma portée et j’avais soif
j’ai lu pourtant,
non pas le livre mais les pages,
frénétiquement
j’ai cherché les passages qui décrivaient les scènes de sexe,
Sophie/Ségo en plaisantaient, comment cacher mon trouble encore ?
je ne savais même pas ce que je cherchais, j’étais comme un affamé à qui l’on présente un buffet mais sans savoir qu’il est affamé, on lui montre juste la nourriture et il doit continuer à se cacher parce qu’en lui même, il a honte de sa faim, de son état d’inanition
je n’ai même pas acheté le livre
je ne pourrais pas expliquer cette paresse mais je perçois que c’était de la paresse, non pas simplement un épuisement
il y a en moi (en nous
tous)
une indolence
elle est plus forte en moi sans doute, polarité qui va
et vient, mes phases de lune sont déglinguées, j’apprends encore à suivre, à les marquer, je sais que c’est futile

je m’attable donc enfin

 

#homosexualité #littérature
17 avril 2025
il n’y a pas de frontières parce qu’elles sont tou… - Antoine Vigne

il n’y a pas de frontières parce qu’elles sont toutes inventées, parce qu’elles ont toutes bougées au cours de l’histoire, parce qu’elles relèvent de logique d’appropriations qui nient ce que nous sommes, des nomades qui passent dans ce monde,
l’accumulation (de terres, de biens), c’est la mort, la grande promesse du capitalisme et des nationalismes, des patriotismes, c’est l’appartenance mais l’appartenance inversée, ce ne sont pas les choses qui nous appartiennent, ce sont les choses qui nous possèdent, qui dictent nos conduites, nos peurs (de la dépossession)
le plus drôle, c’est que toutes les religions mettent en garde contre cela, contre la possession, et que tous les conservatismes se servent des religions pour définir exactement le contraire, pour définir l’élection (divine) par la possession, comme s’il pouvait y avoir élection lorsque l’existence du monde repose sur l’interpénétration du tout, sur l’idée contenue dans ces mêmes religions que le tout n’existe pas sans ses parties
alors oui, j’écoute Glissant quand il dit
“je n’aime pas l’idée que celui qui dirige le monde a le droit de dire le monde“
et, dans un moment, où la tentation pour l’Europe et tous les pays qui assistent à la folie trumpienne de se réarmer, entrer dans une course à la puissance se fait plus forte chaque jour, je dis que nous pouvons prendre d’autres chemins, proposer d’autres manières de faire corps, accepter enfin ce qui est : penser la lenteur contre la rapidité, penser la justice contre la violence, penser, la poésie contre l’explication rigide, impérative (comme les frontières, qu’elles miment, nos pensées changent, avancent, n’existent que comme un dialogue avec ce qui nous entoure,
il faut penser la pensée comme un chemin et non pas comme une grille, rejeter les territoires conquis parce qu’il n’existe pas de conquête, chaque jour ramène le même levant dont la clarté s’efface progressivement), penser l’union contre le morcellement et le morcellement contre l’union mais jamais l’un sans l’autre, revenir à la fragilité, protéger la lenteur qui seule donne sens à l’exaltation de la rapidité. ré-ingénier le tout-monde. savoir que ne pas participer c’est aussi vivre.

#absurditédelaguerre #carnetsdevoyage #littérature #logiquededomination
12 mars 2025
Abdellah Taïa à la Maison française de NYU, en … - Antoine Vigne

Abdellah Taïa à la Maison française de NYU, en conversation avec Laure Adler. Sublime quand il parle du doute, du sentiment d’illégitimité dans l’écriture, dans la vie. Il parle de stratégies de survie,
il parle de sorcellerie pour lutter pour la pauvreté, pour déjouer le sort, et, dans cette sorcellerie, il y a les mots, il y a le récit, tout inventer, tout raconter, tout devient histoire,
il dit: “il n’y a pas plus atroce que la solitude”, il parle de sa famille, évidemment, de sa vie, la mère, les soeurs, le père, il parle de Salé, de Rabat, l’air change de Salé à Rabat, on y est forcément différent, forcément illégitime
ses mains bougent lorsqu’il parle, continuellement, il est beau, magnifique, il est envoutant, il dit ne pas avoir peur des sorcières, d’être sorcière, d’être ce qu’on est, ne pas gommer les aspects sombres, l’homosexualité aussi, même s’il faut apprendre à ne montrer que ce qui permet de survivre, mais ne pas nier le reste, ne pas en avoir peur, il y a des contradictions, peut-être, ou pas, mais ce n’est pas grave, elles font parfois du territoire mouvant qu’est l’existence dans laquelle s’érigent des monticules infranchissables entre les êtres
alors il parle de l’approfondissement des voix en soi, les voix plurielles, parfois des djinns, mais le plus souvent simplement des voix, il met en garde contre l’individualisation à outrance, le grand danger dans l’occident et le monde contemporain, ne plus savoir écouter la pluralité des voix, leurs cris contradictoires, la poésie qui en émerge, l’individu sacralisé est trop monolithique, sa souffrance trop rationnelle, il parle du danger de l’auto fiction, du danger des stratégies communautaires aussi quand elles ne sont axées que sur les blessures et non pas aussi sur le socle commun, il parle de politique sans en parler, il y a une douceur extrême dans son discours
il parle beaucoup, sans s’arrêter, Laure Adler l’écoute, elle sait aussi pousser, sans pudeur, elle cherche l’origine de l’écriture, la trace du père, et Abdellah poursuit, il dit que l’écriture est un accident, comme une collision, mais elle ne doit pas prévenir le besoin de parler, de parler vraiment, avant la mort, se réconcilier même lorsque c’est impossible, dire pour déjouer, encore une fois, le sort, les sorts, aller au-delà du mot écrit donc, une stratégie de réconciliation, mais sans illusions, parce que certaines choses ne peuvent pas être dites et entendues dans le même temps, parce que le temps nous rattrape sans cesse, parce que nous sommes ses jouets
et il parle d’une nostalgie constitutive, comme organique, qui monte avec l’âge, le désir du retour qui n’est qu’une illusion
magnifique Abdellah Taïa

 

 

#abdellahtaia #littérature #maisonsfrancaisenyu
6 décembre 2024
hier soir, l’hommage à Maryse Condé, Richard P… - Antoine Vigne
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hier soir, l’hommage à Maryse Condé, Richard Philcox parle avec une douceur infinie de sa vie à ses côtés, il emprunte pudiquement le territoire de la traduction pour parler de leur relation, des mots, des textes, de son respect pour l’oeuvre, de la fragilité de ce métier de translation, de réécriture à partir d’une langue vers une autre, le glissement forcément imparfait sur lequel on plaque trop souvent des impératifs politiques, idéologiques (un homme blanc pour traduire une femme noire, même s’ils vivent ensemble, forcément, ça coince, comme s’il ne devait y avoir qu’une seule version de la traduction, comme si telle traduction allait empêcher telle autre, suivante, d’advenir… où avons-nous hérité d’une telle rigidité, d’une telle peur du présent qui ne nie pas forcément l’avenir, d’autres idées, d’autres versions, on cherche tellement la justesse pour réparer toutes les injustices passées qu’on en oublie le temps auquel nous sommes tous soumis, la perspective qui se déroule sans fin).

mais la présence de Maryse Condé sur l’écran du documentaire perce, ses mots parfois difficilement prononcés, accrochés, est-ce l’âge qui tend la diction? elle se repose sur les textes, sur les portraits, le meurtre littéraire comme une nécessité pour déjouer le mauvais en nous, elle rit, elle parle de la Guadeloupe et de l’incompréhension du monde d’où elle vient, elle parle de l’exil nécessaire, de la rencontre comme antidote.

 

#littérature #maisonfrancaisecolumbia #marysecondé #richardphilcox
5 décembre 2024
La résistance au capitalisme actuel et toutes ses… - Antoine Vigne

La résistance au capitalisme actuel et toutes ses dérives et ses sécheresses (dont les ruptures démocratiques, le populisme, les tentations fascistes) passe par le marronnage intérieur, par la créativité intérieure. Le conte, la musique, l’exil, l’invention d’imaginaires relationnels. Patrick Chamoiseau à Albertine hier soir, lumineux sur les stratégies d’échappement, de contournement, de lutte, de résistance au monde actuel, aux tentations de la haine et de l’autocratie. Il parle des détours du marronnage intérieur, le marronnage de ceux qui ne quittent pas nécessairement la plantation mais vivent leur opposition dans un quotidien qu’ils réussissent à dépasser. Le marronnage devient alors un espace du détour, un exil intérieur qui compose les nouvelles formes de création. Et une exubérance en nait, ainsi que les fraternités (plus que les solidarités, dit-il), trouver des frères et soeurs d’âme, des partageurs d’expérience dans ce monde, des compagnons/lecteurs de signes. Il parle de ce vortex relationnel créé par la rencontre violente des cultures et des imaginaires dans un monde à la fois colonial, esclavagiste, capitaliste, leur collision créant des espaces que le capitalisme ne sait pas intégrer et qu’il ne contrôle pas. Et, en cela il offre une voix. Comme Tiago Rodrigues. Comme tant d’autres. Temps de la résistance donc.

#albertinebookstore #littérature #logiquededomination #marronnage #patrickchamoiseau #resistance
15 novembre 2024
Philippe Jaenada. Hier soir. La maison de la poés… - Antoine Vigne
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Philippe Jaenada. Hier soir. La maison de la poésie. Une soirée de la Femelle du requin. Le théâtre Molière dans le passage du même nom, la rue Saint-Martin. Paris où je viens d’arriver. Un vol sans histoire sinon l’attente sur le tarmac pendant une heure à CDG où je lis Jonathan Littell. Mais pas d’énervement. Des jours en ouragan entre le déménagement, l’emménagement, les ventes de maison, septembre et la chaleur, marcher une dernière fois le long de l’Hudson encore pleine de l’odeur de l’été. Paris est plus fraiche, humide. Philippe Jaenada donc et son humour, sa bonhommie, et ce texte dont il parle, la Désinvolture est une bien belle chose, un texte qui tourne autour de l’histoire de Kaki, jeune femme, mannequin chez Dior, habituée du café Chez Moineau où rôdait également Debord, et dont restent quelques photos en noir-et-blanc. Et une date, 1953, une époque, ce livre maintenant. Son suicide par défenestration. Comme toujours, le mot est trop chargé de jugement pour laisser surnager en lui la multitude des possibilités, l’accident – physique, mental –, la seconde qui pourrait ne pas avoir lieu, la fatigue, la dépression, une blague idiote – elle dira, lorsqu’on la ramasse sur le trottoir, ces deux mots : « c’est con » –, l’impossibilité ce matin là de penser les conséquences, la submersion dans les émotions, contradictoires forcément, attisées par la drogue, le manque – là encore, un mot buttoir sur lequel s’agglutine des peurs sociales, des interdits –, alors son suicide : un magma de raisons qui fait que la vie s’arrête là et que ce qui en reste s’amalgame, devient mystère pour la raison, crée l’obsession pour ceux qui restent. Et c’est de cela dont parle Jaenada. Il dit aussi qu’un sujet ne peut pas suffire à un livre, qu’il en faut une multitude qui se chevauchent (mon mot ici), que l’écriture doit rester un plaisir, la littérature aussi, au sens large du mot plaisir. Merci à vous, Philippe que je ne connais pas, pour cette bonne humeur de l’écriture…

#femelledurequin #littérature #maisondelapoésie #mialetbarrault #philippejaenada
2 octobre 2024
Guibert Pudeur et Impudeur - Antoine Vigne
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Hier soir, je regarde enfin La pudeur ou l’impudeur que je trouve magnifique évidemment, notamment ce que Christophe Honoré dont je visionne après le film un entretien appelle la violence, mais, dans les scènes où Guibert demande à ses tantes âgées ce qu’elles pensent du suicide, je trouve aussi une intimité folle, il leur parle comme à des êtres sensibles, il les interroge sur leur rapport au corps, notamment sa tante Suzanne qui peine lorsqu’elle est nourrie à la cuiller devant la caméra et qui, d’un souffle lorsqu’il lui demande ce qu’elle souhaiterait pour son anniversaire à venir, murmure un « un peu plus de temps à vivre » qui trahit à la fois la crainte de la fin et l’attachement à ce qui reste d’existence. Il nous défie aussi de le regarder, de vivre comme il vit, comme il a vécu, ne pas se laisser berner par les illusions que sont les convenances, on chie tous donc pourquoi se cacher, pourquoi ne pas parler de la maladie, pourquoi ne pas se montrer dans les diarrhées qui sont l’apanage de son angoisse, de la déliquescence du corps, pourquoi avoir peur de dire les choses, de les filmer, il sait que son entreprise est une philosophie, que les limites que nous posons à l’énoncé de ce qui peut se dire ou ne pas se dire agit comme une hache qu’on planterait dans un tronc, elle prépare la séparation, la dis-jonction, on ne peut vivre l’intimité qu’en disant tout, en montrant tout.
Et, pourtant, nous savons que nous ne montrons jamais tout. Non pas par duplicité mais par incapacité. On rejoint là l’un des grands enjeux de la littérature : comment mimer le réel, comment faire coller le récit à l’existence, comment détacher la narration de sa gangue à voie trop étroite comme un train qui passerait dans un tunnel, et l’épanouir dans une réalité où le chevauchement des perceptions ajuste en permanence la focale, la prise de vue, le panorama, comment aller au-delà des outils que nous, humanité, avons conçu et qui nous enferment. Comment sinon en commençant par montrer et regarder.

#film #hervéguibert #homosexualité #littérature
29 mai 2025
Au détour de recherches - Antoine Vigne

Au détour de recherches, je lis sur Mauriac, puis sur Jouhandeau.
Je reconnais chez eux les tortures de la sensualité qui ne peut pas se libérer du carcan où elle a été enfermée, soumise à une vérité dominatrice, totalitaire, aux préceptes, à l’idée de Dieu, engoncée dans le vocabulaire de la faute, de la pureté, et qui s’invente, dans le mysticisme, une voie de salut. De survie serait sans doute plus juste. Elle cherche l’incarnation dans les entre-deux, le soleil perçant aveuglément dans les nuages, c’est un vol qui ne trouve jamais le grand bleu mais des éblouissements rassurants, réconfortants après les nuits d’orage, après les grêles intenses, le désir et l’amour ne les lâchent jamais.

Cette citation de Jouhandeau :

“Je ne devrais plus penser qu’à Dieu et quelqu’un me dispute à Lui, comme si l’Océan sortait de son lit pour l’amour d’un rocher contre lequel il ne saurait que se briser ou comme si mon regard oubliait le Ciel pour suivre un nuage”.

C’est déchirant.

et puis cette phrase aussi:

“On ne peut adorer l’Éternel sans laisser d’être sensible aux idoles qu’il est permis de toucher.”

D’autres passages fabuleux dans la correspondance entre Leiris et Jouhandeau qui ont été amants
Leiris dans une lettre à Jouhandeau en 1926:

“le silence – image de l’absolu – pouvait seul donner une idée de la façon dont m’avaient frappé tes paroles. Je n’ai pas cru devoir, par des vocables humains, essayer d’exprimer mon émotion, profonde comme un filet de sang dans la blancheur d’un os, liquide vivant serré entre les ais rigides de l’éternel. […] Notre amitié est située hors des lieux et des temps, sur la plage immense de l’absolu. Il y a des épaves, des albatros, des ossements de noyés. Il y a des trésors sortis des galions défoncés. Il y a des galets durs et polis comme des crânes, des vagues douces et monstrueuses”.

La poésie les sauve sans les racheter.
Impossible de ne pas penser aux ravages de la religion aujourd’hui encore. Derrière les atours de ce que réussit à extirper la souffrance à l’être.

#écrire #homosexualité #jouhandeau #journauxintimes #leiris #littérature #mauriac
23 mai 2025
à Roissy, une mère et son enfant, tous les deux ch… - Antoine Vigne
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à Roissy, une mère et son enfant, tous les deux chaussés de baskets Vuitton, le sac Vuitton, lui râle, il ne veut pas embarquer, pas rentrer aux États-Unis,
tu as ton expo demain , « your art show », ce sera bien
et puis elle ajoute:
tu leur diras que tu as vu l’expo Hockney en personne.. .
petit orgueil qui cherche à se propager,
je me rends compte que la femme aux cheveux blancs devant eux, dans un pantalon ultra large, est la mère de la mère, elles échangent des mots rapides, durs

par la fenêtre, je note Air Mali

dans la file d’embarquement du vol pour Washington à la porte suivante, une autre femme échange quelques mots avec un jeune mec, elle sans doute la soixantaine joyeuse, dynamique mais un peu défraichie, l’allure est imparfaite, lui la vingtaine souriante, il est poli, il répond puis il attend de passer à autre chose, on sent la gêne rapide qui flotte dans l’air puis ils se tournent l’un l’autre vers les grandes baies vitrées derrière lesquelles les avions décollent

je lis Denis Gombert, beau texte, léger et grave et gai dans le même temps, la vie en roue libre, les instants qui défilent à toute allure et les reflets qui changent à chaque mouvement, ça scintille de vie, comme lui

les images du pape Léon s’affichent sur les écrans, il s’est rendu sur la tombe de François, de bons échos jusqu’ici, une continuité sur la défense des plus démunis, le refus de la puissance, le front contre la stupidité des nationalismes arrogants

survolé Londres, tout était clair, limpide
envoyé un message à Danny

#carnetsdevoyage #carnetsintermittents #friends #littérature #notretemps #volderetour
14 mai 2025
0417-4 Genet, je relis Genet, pour la troisième f… - Antoine Vigne

0417-4

Genet, je relis Genet, pour la troisième fois sans doute,
je reprends le Notre-Dame-des-Fleurs
je n’ai pas de souvenirs en fait, ou pas de souvenirs précis,
(du cisèlement des mots, de la prolixité de la phrase, les images, la présence constante de l’auteur, l’odeur de la prison, il est là, il vous le dit, il vous le répète, c’est du fantasme, la pure production de l’esprit,
c’est proprement exaltant, comment puis-je ne pas me souvenir de tout cela, la phrase de Proust mais plus livre encore, moins formelle, moins maniérée, moins maniériste, elle n’a pas peur de plonger non pas dans l’émotion mais dans la pulsion, dans la nature
cachée/voilée/extravertie quand on la laisse s’épandre, s’étendre, une explosion qui se fait floraison parce que les mots retiennent tout de même leur capacité à fleurir, la semence ne coule pas, invisible et transparente sur un ventre nu, non, à un moment, elle se retient dans la bouche de Genet et c’est
sublime)
j’étais avec Jean à l’époque
non,
la première fois, j’avais 19 ans, Sophie et Ségo avaient commencé d’étudier en fac de lettres, c’était le premier exemple de texte homosexuel qui m’arrivait,
des mots échoués sur ce qu’étaient mes tristes plages
je marchais en sentinelle sans comprendre que j’avais soif
un océan à ma portée et j’avais soif
j’ai lu pourtant,
non pas le livre mais les pages,
frénétiquement
j’ai cherché les passages qui décrivaient les scènes de sexe,
Sophie/Ségo en plaisantaient, comment cacher mon trouble encore ?
je ne savais même pas ce que je cherchais, j’étais comme un affamé à qui l’on présente un buffet mais sans savoir qu’il est affamé, on lui montre juste la nourriture et il doit continuer à se cacher parce qu’en lui même, il a honte de sa faim, de son état d’inanition
je n’ai même pas acheté le livre
je ne pourrais pas expliquer cette paresse mais je perçois que c’était de la paresse, non pas simplement un épuisement
il y a en moi (en nous
tous)
une indolence
elle est plus forte en moi sans doute, polarité qui va
et vient, mes phases de lune sont déglinguées, j’apprends encore à suivre, à les marquer, je sais que c’est futile

je m’attable donc enfin

 

#homosexualité #littérature
17 avril 2025
il n’y a pas de frontières parce qu’elles sont tou… - Antoine Vigne

il n’y a pas de frontières parce qu’elles sont toutes inventées, parce qu’elles ont toutes bougées au cours de l’histoire, parce qu’elles relèvent de logique d’appropriations qui nient ce que nous sommes, des nomades qui passent dans ce monde,
l’accumulation (de terres, de biens), c’est la mort, la grande promesse du capitalisme et des nationalismes, des patriotismes, c’est l’appartenance mais l’appartenance inversée, ce ne sont pas les choses qui nous appartiennent, ce sont les choses qui nous possèdent, qui dictent nos conduites, nos peurs (de la dépossession)
le plus drôle, c’est que toutes les religions mettent en garde contre cela, contre la possession, et que tous les conservatismes se servent des religions pour définir exactement le contraire, pour définir l’élection (divine) par la possession, comme s’il pouvait y avoir élection lorsque l’existence du monde repose sur l’interpénétration du tout, sur l’idée contenue dans ces mêmes religions que le tout n’existe pas sans ses parties
alors oui, j’écoute Glissant quand il dit
“je n’aime pas l’idée que celui qui dirige le monde a le droit de dire le monde“
et, dans un moment, où la tentation pour l’Europe et tous les pays qui assistent à la folie trumpienne de se réarmer, entrer dans une course à la puissance se fait plus forte chaque jour, je dis que nous pouvons prendre d’autres chemins, proposer d’autres manières de faire corps, accepter enfin ce qui est : penser la lenteur contre la rapidité, penser la justice contre la violence, penser, la poésie contre l’explication rigide, impérative (comme les frontières, qu’elles miment, nos pensées changent, avancent, n’existent que comme un dialogue avec ce qui nous entoure,
il faut penser la pensée comme un chemin et non pas comme une grille, rejeter les territoires conquis parce qu’il n’existe pas de conquête, chaque jour ramène le même levant dont la clarté s’efface progressivement), penser l’union contre le morcellement et le morcellement contre l’union mais jamais l’un sans l’autre, revenir à la fragilité, protéger la lenteur qui seule donne sens à l’exaltation de la rapidité. ré-ingénier le tout-monde. savoir que ne pas participer c’est aussi vivre.

#absurditédelaguerre #carnetsdevoyage #littérature #logiquededomination
12 mars 2025
Abdellah Taïa à la Maison française de NYU, en … - Antoine Vigne

Abdellah Taïa à la Maison française de NYU, en conversation avec Laure Adler. Sublime quand il parle du doute, du sentiment d’illégitimité dans l’écriture, dans la vie. Il parle de stratégies de survie,
il parle de sorcellerie pour lutter pour la pauvreté, pour déjouer le sort, et, dans cette sorcellerie, il y a les mots, il y a le récit, tout inventer, tout raconter, tout devient histoire,
il dit: “il n’y a pas plus atroce que la solitude”, il parle de sa famille, évidemment, de sa vie, la mère, les soeurs, le père, il parle de Salé, de Rabat, l’air change de Salé à Rabat, on y est forcément différent, forcément illégitime
ses mains bougent lorsqu’il parle, continuellement, il est beau, magnifique, il est envoutant, il dit ne pas avoir peur des sorcières, d’être sorcière, d’être ce qu’on est, ne pas gommer les aspects sombres, l’homosexualité aussi, même s’il faut apprendre à ne montrer que ce qui permet de survivre, mais ne pas nier le reste, ne pas en avoir peur, il y a des contradictions, peut-être, ou pas, mais ce n’est pas grave, elles font parfois du territoire mouvant qu’est l’existence dans laquelle s’érigent des monticules infranchissables entre les êtres
alors il parle de l’approfondissement des voix en soi, les voix plurielles, parfois des djinns, mais le plus souvent simplement des voix, il met en garde contre l’individualisation à outrance, le grand danger dans l’occident et le monde contemporain, ne plus savoir écouter la pluralité des voix, leurs cris contradictoires, la poésie qui en émerge, l’individu sacralisé est trop monolithique, sa souffrance trop rationnelle, il parle du danger de l’auto fiction, du danger des stratégies communautaires aussi quand elles ne sont axées que sur les blessures et non pas aussi sur le socle commun, il parle de politique sans en parler, il y a une douceur extrême dans son discours
il parle beaucoup, sans s’arrêter, Laure Adler l’écoute, elle sait aussi pousser, sans pudeur, elle cherche l’origine de l’écriture, la trace du père, et Abdellah poursuit, il dit que l’écriture est un accident, comme une collision, mais elle ne doit pas prévenir le besoin de parler, de parler vraiment, avant la mort, se réconcilier même lorsque c’est impossible, dire pour déjouer, encore une fois, le sort, les sorts, aller au-delà du mot écrit donc, une stratégie de réconciliation, mais sans illusions, parce que certaines choses ne peuvent pas être dites et entendues dans le même temps, parce que le temps nous rattrape sans cesse, parce que nous sommes ses jouets
et il parle d’une nostalgie constitutive, comme organique, qui monte avec l’âge, le désir du retour qui n’est qu’une illusion
magnifique Abdellah Taïa

 

 

#abdellahtaia #littérature #maisonsfrancaisenyu
6 décembre 2024
hier soir, l’hommage à Maryse Condé, Richard P… - Antoine Vigne
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hier soir, l’hommage à Maryse Condé, Richard Philcox parle avec une douceur infinie de sa vie à ses côtés, il emprunte pudiquement le territoire de la traduction pour parler de leur relation, des mots, des textes, de son respect pour l’oeuvre, de la fragilité de ce métier de translation, de réécriture à partir d’une langue vers une autre, le glissement forcément imparfait sur lequel on plaque trop souvent des impératifs politiques, idéologiques (un homme blanc pour traduire une femme noire, même s’ils vivent ensemble, forcément, ça coince, comme s’il ne devait y avoir qu’une seule version de la traduction, comme si telle traduction allait empêcher telle autre, suivante, d’advenir… où avons-nous hérité d’une telle rigidité, d’une telle peur du présent qui ne nie pas forcément l’avenir, d’autres idées, d’autres versions, on cherche tellement la justesse pour réparer toutes les injustices passées qu’on en oublie le temps auquel nous sommes tous soumis, la perspective qui se déroule sans fin).

mais la présence de Maryse Condé sur l’écran du documentaire perce, ses mots parfois difficilement prononcés, accrochés, est-ce l’âge qui tend la diction? elle se repose sur les textes, sur les portraits, le meurtre littéraire comme une nécessité pour déjouer le mauvais en nous, elle rit, elle parle de la Guadeloupe et de l’incompréhension du monde d’où elle vient, elle parle de l’exil nécessaire, de la rencontre comme antidote.

 

#littérature #maisonfrancaisecolumbia #marysecondé #richardphilcox
5 décembre 2024
La résistance au capitalisme actuel et toutes ses… - Antoine Vigne

La résistance au capitalisme actuel et toutes ses dérives et ses sécheresses (dont les ruptures démocratiques, le populisme, les tentations fascistes) passe par le marronnage intérieur, par la créativité intérieure. Le conte, la musique, l’exil, l’invention d’imaginaires relationnels. Patrick Chamoiseau à Albertine hier soir, lumineux sur les stratégies d’échappement, de contournement, de lutte, de résistance au monde actuel, aux tentations de la haine et de l’autocratie. Il parle des détours du marronnage intérieur, le marronnage de ceux qui ne quittent pas nécessairement la plantation mais vivent leur opposition dans un quotidien qu’ils réussissent à dépasser. Le marronnage devient alors un espace du détour, un exil intérieur qui compose les nouvelles formes de création. Et une exubérance en nait, ainsi que les fraternités (plus que les solidarités, dit-il), trouver des frères et soeurs d’âme, des partageurs d’expérience dans ce monde, des compagnons/lecteurs de signes. Il parle de ce vortex relationnel créé par la rencontre violente des cultures et des imaginaires dans un monde à la fois colonial, esclavagiste, capitaliste, leur collision créant des espaces que le capitalisme ne sait pas intégrer et qu’il ne contrôle pas. Et, en cela il offre une voix. Comme Tiago Rodrigues. Comme tant d’autres. Temps de la résistance donc.

#albertinebookstore #littérature #logiquededomination #marronnage #patrickchamoiseau #resistance
15 novembre 2024
Philippe Jaenada. Hier soir. La maison de la poés… - Antoine Vigne
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Philippe Jaenada. Hier soir. La maison de la poésie. Une soirée de la Femelle du requin. Le théâtre Molière dans le passage du même nom, la rue Saint-Martin. Paris où je viens d’arriver. Un vol sans histoire sinon l’attente sur le tarmac pendant une heure à CDG où je lis Jonathan Littell. Mais pas d’énervement. Des jours en ouragan entre le déménagement, l’emménagement, les ventes de maison, septembre et la chaleur, marcher une dernière fois le long de l’Hudson encore pleine de l’odeur de l’été. Paris est plus fraiche, humide. Philippe Jaenada donc et son humour, sa bonhommie, et ce texte dont il parle, la Désinvolture est une bien belle chose, un texte qui tourne autour de l’histoire de Kaki, jeune femme, mannequin chez Dior, habituée du café Chez Moineau où rôdait également Debord, et dont restent quelques photos en noir-et-blanc. Et une date, 1953, une époque, ce livre maintenant. Son suicide par défenestration. Comme toujours, le mot est trop chargé de jugement pour laisser surnager en lui la multitude des possibilités, l’accident – physique, mental –, la seconde qui pourrait ne pas avoir lieu, la fatigue, la dépression, une blague idiote – elle dira, lorsqu’on la ramasse sur le trottoir, ces deux mots : « c’est con » –, l’impossibilité ce matin là de penser les conséquences, la submersion dans les émotions, contradictoires forcément, attisées par la drogue, le manque – là encore, un mot buttoir sur lequel s’agglutine des peurs sociales, des interdits –, alors son suicide : un magma de raisons qui fait que la vie s’arrête là et que ce qui en reste s’amalgame, devient mystère pour la raison, crée l’obsession pour ceux qui restent. Et c’est de cela dont parle Jaenada. Il dit aussi qu’un sujet ne peut pas suffire à un livre, qu’il en faut une multitude qui se chevauchent (mon mot ici), que l’écriture doit rester un plaisir, la littérature aussi, au sens large du mot plaisir. Merci à vous, Philippe que je ne connais pas, pour cette bonne humeur de l’écriture…

#femelledurequin #littérature #maisondelapoésie #mialetbarrault #philippejaenada
2 octobre 2024