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Comme un fantôme qui vous hante.
Mais bienveillant. Et accueillant. Et magnifique dans son austère indifférence. Il n’y avait pas à lutter contre lui, juste apprendre à le connaître, et réaliser que c’était lui qui changeait, doucement, tranquillement, à un rythme qu’il était parfois impossible de percevoir mais dont le glissement rendait souvent flagrante la permanence de l’être.
Le Vent des plaines, 2018 (extrait)
peut-être as-tu raison de t’en aller
sans rien me dire
Luisance, (extrait)
Le bus partit et Juan le regarda s’éloigner vers l’autoroute dans un brouillard de poussière sèche. Il ouvrit le paquet, y trouvant une petite toile brodée où il reconnut immédiatement le mur frontière, les courbes de niveaux, les routes qui remontaient depuis Nogales et un écrou fracturé qui surplombait le tout et qui pouvait représenter à la fois la libération et la séparation. Ou peut-être les rêves brisés qui constituaient un nouveau départ à partir du moment où on le choisissait. Et, au-dessous de l’ensemble, Carmen avait placé quelques mots tout simples mais où il reconnut une phrase qu’il avait prononcée devant elle : « Les chauves-souris s’envolent vers les étoiles. » Et il se mit à pleurer.
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
la plage devant moi, la fin du territoire, la fin du continent, la terre qui devient sable, se fragmente, 
s’effrite, se désagrège puis disparaît sous l’eau, les vagues, l’écume, le mouvement perpétuel
j’ai toujours imaginé le début du monde ainsi :
des vagues qui s’abandonnent, la plage à perte de vue, le lien, le lieu de rencontre entre le liquide 
et le solide, l’échange et le reflux, l’union et la séparation, le soleil, l’astre, le silence, la lumière,
la non-conscience
l’être qui nait ne sait rien, il est attente, contemplation
désagrège, (extrait)
– J’ai dû changer, Abuelo.
– On ne change jamais tant que ça.
– Ça fait vingt ans. J’étais un enfant.
– Vingt ans, déjà ?
– Je suis désolé, Abuelo. »
Le grand-père posa sa main sur celle de son petit-fils.
« Je sais que tu vis loin. »
Il s’arrêta encore.
« Mais tu as eu raison de revenir. »
L’un et l’autre se turent pendant quelques instants.
« Tu veux un verre de mezcal ?
– À cette heure-ci ?
– On a bien le droit, une fois tous les vingt ans… »
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
« Cette histoire n’est rien. Un moment volé au temps. Quelques heures entre l’Atlantique et Détroit, suspendues dans la chaleur de l’été au-dessus de l’asphalte désagrégé des rues. Le rêve d’une ville en décadence, la vitrine de nos échecs et de nos faillites, le fossé dans lequel on ne cesse de jeter les corps dépecés des exclus et des abandonnés. Le monde tel qu’il est. Un chaos perpétuellement renouvelé que nous cherchons sans cesse à rationaliser pour lui donner un sens et satisfaire notre fantasme d’équilibre. Et au creux duquel nous inventons nos vies. »
Tout s’écoule, Éditions Bartillat, 2023 (extrait)
une photo sur Instagram,
ton fil qui s’évapore dans les montagnes fumeuses de Caroline du Nord
pourquoi l’as-tu postée au monde plutôt que de me la transmettre, à moi ?
quel égoïsme dans l’amour, quel égocentrisme (le mien)…
j’annule la possibilité de ton existence aux autres


te laisser reprendre ton souffle,
ne pas t’effrayer,
peut-être es-tu déjà mort à notre amour – quel droit ai-je de prononcer ce mot dans le doute –, à ce désir que tu inventes pour moi, je me laisse porter par le mirage
Luisance, (extrait)
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Être là, sous les pins, les cigales, - Antoine Vigne

Être là, sous les pins, les cigales, face à la mer, une expérience singulière toujours renouvelée. Je lis le vers que Barbedette cite de Baudelaire, « sois sage, ô ma douleur »,
cela en appelle d’autre, celui de Yourcenar,
« que rien, ni le temps, d’autres amours, ni l’âge, n’empêcheront jamais que vous ayez été »,
et puis le
« c’est une chose étrange à la fin que le monde », le texte d’Aragon qu’il est impossible de se remémorer sans entendre la voix de Jean d’Ormesson.
J’aimerais savoir ne me nourrir que de cela, ou trouver l’équilibre qui nous échappe toujours, celui où l’on pourrait travailler suffisamment avant d’aller marcher, courir, rencontrer des gens, aimer, jouir de sa solitude puis manger avec des amis et des amants, se coucher contenté des milles plaisirs, des milles sensations de la vie. Cela chaque jour. Non pas comme de petites fenêtres étriquées mais des paysages amples, une infinité soumise et libérée du temps. Soumise et libérée. Mais pas libérée du corps. Je ne veux plus vivre que dans ce corps, ma seule présence au monde. On m’a menti lorsqu’on m’a dit qu’il fallait le dépasser, le combattre, le vaincre. J’aime et veux aimer ce corps par-dessus tout comme je veux aimer le monde où j’ai enfin la joie d’habiter.

Julie au déjeuner nous parle de la fosse qui voisine la baie de Cassis et explique en partie la fraicheur de la mer et des plages locales.

Pourtant, cela :
la conscience cruelle sur laquelle Nan Goldin essaie de nous alerter avec Edouard Louis, à Arles hier ou lundi soir. Gaza. Ses morts. L’horreur. La fausse victimisation derrière laquelle se retranche en ce moment Israël ou ce que nous entendons d’Israël – ici, toujours se remémorer que les nations n’existent pas, elles sont des concepts recouvrant des réalités mouvantes, des entités bruissantes de couleurs et de spectres infinis, mais auxquelles nous donnons la forme d’êtres entiers. Et cela est vrai aussi bien d’Israël que de Gaza, de la France que des États-Unis ou de la Suède. Donc: les Gazaouis meurent. Comme les Israéliens sont morts. L’un et l’autre au même plan. À la même exacte place. On ne peut pas pleurer les morts d’Israël sans se dresser d’horreur face à ce qui se passe à Gaza. On ne peut pas invoquer le 7 octobre pour défendre l’horreur qui se déploie depuis. La souffrance et la mort n’ont pas d’explication, ne doivent pas avoir d’explication. Elles sont intolérables. Nous ne les tolérons parce que nos esprits ont trop appris à raisonner. Le 7 octobre est maintenant de l’histoire, sauf pour les quelques otages qui restent prisonniers s’ils sont encore en vie. La souffrance et la mort de Gazaouis, d’enfants, de femmes, la torture à laquelle ils sont soumis est intolérable. Rien ne peut la justifier. Je ne sais pas quoi faire. On nous dit de dire ce que l’on a dit cent fois alors je le redis. Comme une invocation. Avec la crainte que cela ne soit que comme les vessies natatoires de ces mostelles qu’on vend sur le port de Cassis après le retour des petits bateaux de pêches, gonflées d’air devenu inutile face à la fixité de la chair. Redire : les morts de Gaza, la souffrance de Gaza.

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13 juillet 2025