Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne Pedro Lemebel - Antoine Vigne
Comme un fantôme qui vous hante.
Mais bienveillant. Et accueillant. Et magnifique dans son austère indifférence. Il n’y avait pas à lutter contre lui, juste apprendre à le connaître, et réaliser que c’était lui qui changeait, doucement, tranquillement, à un rythme qu’il était parfois impossible de percevoir mais dont le glissement rendait souvent flagrante la permanence de l’être.
Le Vent des plaines, 2018 (extrait)
peut-être as-tu raison de t’en aller
sans rien me dire
Luisance, (extrait)
Le bus partit et Juan le regarda s’éloigner vers l’autoroute dans un brouillard de poussière sèche. Il ouvrit le paquet, y trouvant une petite toile brodée où il reconnut immédiatement le mur frontière, les courbes de niveaux, les routes qui remontaient depuis Nogales et un écrou fracturé qui surplombait le tout et qui pouvait représenter à la fois la libération et la séparation. Ou peut-être les rêves brisés qui constituaient un nouveau départ à partir du moment où on le choisissait. Et, au-dessous de l’ensemble, Carmen avait placé quelques mots tout simples mais où il reconnut une phrase qu’il avait prononcée devant elle : « Les chauves-souris s’envolent vers les étoiles. » Et il se mit à pleurer.
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
la plage devant moi, la fin du territoire, la fin du continent, la terre qui devient sable, se fragmente, 
s’effrite, se désagrège puis disparaît sous l’eau, les vagues, l’écume, le mouvement perpétuel
j’ai toujours imaginé le début du monde ainsi :
des vagues qui s’abandonnent, la plage à perte de vue, le lien, le lieu de rencontre entre le liquide 
et le solide, l’échange et le reflux, l’union et la séparation, le soleil, l’astre, le silence, la lumière,
la non-conscience
l’être qui nait ne sait rien, il est attente, contemplation
désagrège, (extrait)
– J’ai dû changer, Abuelo.
– On ne change jamais tant que ça.
– Ça fait vingt ans. J’étais un enfant.
– Vingt ans, déjà ?
– Je suis désolé, Abuelo. »
Le grand-père posa sa main sur celle de son petit-fils.
« Je sais que tu vis loin. »
Il s’arrêta encore.
« Mais tu as eu raison de revenir. »
L’un et l’autre se turent pendant quelques instants.
« Tu veux un verre de mezcal ?
– À cette heure-ci ?
– On a bien le droit, une fois tous les vingt ans… »
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
« Cette histoire n’est rien. Un moment volé au temps. Quelques heures entre l’Atlantique et Détroit, suspendues dans la chaleur de l’été au-dessus de l’asphalte désagrégé des rues. Le rêve d’une ville en décadence, la vitrine de nos échecs et de nos faillites, le fossé dans lequel on ne cesse de jeter les corps dépecés des exclus et des abandonnés. Le monde tel qu’il est. Un chaos perpétuellement renouvelé que nous cherchons sans cesse à rationaliser pour lui donner un sens et satisfaire notre fantasme d’équilibre. Et au creux duquel nous inventons nos vies. »
Tout s’écoule, Éditions Bartillat, 2023 (extrait)
une photo sur Instagram,
ton fil qui s’évapore dans les montagnes fumeuses de Caroline du Nord
pourquoi l’as-tu postée au monde plutôt que de me la transmettre, à moi ?
quel égoïsme dans l’amour, quel égocentrisme (le mien)…
j’annule la possibilité de ton existence aux autres


te laisser reprendre ton souffle,
ne pas t’effrayer,
peut-être es-tu déjà mort à notre amour – quel droit ai-je de prononcer ce mot dans le doute –, à ce désir que tu inventes pour moi, je me laisse porter par le mirage
Luisance, (extrait)
En lisant (saint) Augustin, hier : - Antoine Vigne

En lisant (saint) Augustin, hier :

comment puis-je en le lisant à la fois percevoir ce qui m’a construit, le jeune, la prière, la contemplation,
et en rejeter tout ce qui m’a abîmé, les injonctions, le rejet de la chair, la haine de la sensualité

pourquoi cette incapacité chez lui d’accepter qu’on ne contrôle pas tout, ni ses désirs, ni ses pensées, pourquoi penser que cette incapacité, plutôt qu’être une richesse, le siège de l’élan, de l’intuition, des émotions, du rapport au monde, est un dysfonctionnement qu’il faut mater? pourquoi ce refus de l’être?

Il entraine à sa suite des siècles d’abus commis par l’Eglise et une part immense de la tradition chrétienne envers des générations d’êtres humains auxquels on dit : ne vivez pas ce que vous êtes. Exactement comme on bandait les pieds des femmes à certaines époques de la civilisation chinoise: cultures de mort donc qui se prétendent être la vie. Renversement de la réalité, celui qui s’en extrait dit qu’il est la réalité. Chatoiement du mensonge. Le même dispositif est à l’oeuvre aujourd’hui dans les tendances réactionnaires de nos pays.

pourquoi avoir laissé un homme qui apparemment n’aimait pas sa sexualité ni sa vie nous expliquer qu’il fallait que nous abandonnions tous nos vies, nos corps?

ne pourrions-nous pas l’enterrer une bonne fois pour toutes… laisser sa voix mourir dans le désert? choisir ceux qui aiment plutôt que ceux qui disent aimer mais se détournent du seul amour qui existe, du seul désir qui compte.

choisir Pélage contre Augustin

(Retourne toi, Augustin, Antoine Vigne, 2025)

#homosexualité #religion
23 juin 2025
Guibert Pudeur et Impudeur - Antoine Vigne
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Hier soir, je regarde enfin La pudeur ou l’impudeur que je trouve magnifique évidemment, notamment ce que Christophe Honoré dont je visionne après le film un entretien appelle la violence, mais, dans les scènes où Guibert demande à ses tantes âgées ce qu’elles pensent du suicide, je trouve aussi une intimité folle, il leur parle comme à des êtres sensibles, il les interroge sur leur rapport au corps, notamment sa tante Suzanne qui peine lorsqu’elle est nourrie à la cuiller devant la caméra et qui, d’un souffle lorsqu’il lui demande ce qu’elle souhaiterait pour son anniversaire à venir, murmure un « un peu plus de temps à vivre » qui trahit à la fois la crainte de la fin et l’attachement à ce qui reste d’existence. Il nous défie aussi de le regarder, de vivre comme il vit, comme il a vécu, ne pas se laisser berner par les illusions que sont les convenances, on chie tous donc pourquoi se cacher, pourquoi ne pas parler de la maladie, pourquoi ne pas se montrer dans les diarrhées qui sont l’apanage de son angoisse, de la déliquescence du corps, pourquoi avoir peur de dire les choses, de les filmer, il sait que son entreprise est une philosophie, que les limites que nous posons à l’énoncé de ce qui peut se dire ou ne pas se dire agit comme une hache qu’on planterait dans un tronc, elle prépare la séparation, la dis-jonction, on ne peut vivre l’intimité qu’en disant tout, en montrant tout.
Et, pourtant, nous savons que nous ne montrons jamais tout. Non pas par duplicité mais par incapacité. On rejoint là l’un des grands enjeux de la littérature : comment mimer le réel, comment faire coller le récit à l’existence, comment détacher la narration de sa gangue à voie trop étroite comme un train qui passerait dans un tunnel, et l’épanouir dans une réalité où le chevauchement des perceptions ajuste en permanence la focale, la prise de vue, le panorama, comment aller au-delà des outils que nous, humanité, avons conçu et qui nous enferment. Comment sinon en commençant par montrer et regarder.

#film #hervéguibert #homosexualité #littérature
29 mai 2025
Encore plongé dans Guibert - Antoine Vigne

Encore plongé dans Guibert auquel je m’identifie momentanément. C’est toujours comme cela quand on lit un auteur qu’on aime. Peu à peu émergent des connivences, une proximité. J’ai fini de relire À l’ami, j’ai écouté un entretien de Christine Guibert, je regarde ses photos, je fais des recherches sur ses livres, je n’avais pas pris conscience qu’il y en avait tant, écrits sur une période courte, 15 ans à peine, les titres défilent, les essais, les romans, plusieurs ont tout de même été publiés de manière posthume mais cela ne change rien au temps qu’il lui a fallu pour produire cette somme. Évidemment, chaque fois, la même perplexité en sentant mes neurones se mettre à me comparer à lui, à son travail. Sur le site Recyclivre que je ne connaissais pas jusqu’ici et qui propose une économie solidaire et environnementale du livre d’occasion, je passe en revue les titres, avec l’envie de tout acheter, de me constituer la bibliothèque parfaite du lecteur guibertien, sachant qu’il faudra que je revienne à ses Parents, à l’Écriture photographique. Je pense à la photo que Jean a sur son mur, Les Escaliers, Eugene, Villa Médicis, qui date de 1988, accrochée le long de la poutre médiane, Guibert venait de mourrir lorsqu’il l’a acquise, lorsque nous étions ensemble, des années 1990 qui semblent à la fois lointaines et toutes proches, la lumière d’été sur la table où nous prenions le petit-déjeuner, les émissions de France Inter, cet été-là Laurence Boccolini avait concocté des matinées spéciales Eurovision, c’était joyeux, pétillant, ça coïncidait très exactement avec le point où se trouvait notre relation. Jean aimait Guibert plus que moi, il m’initiait, j’avais dû en lire trois ou quatre à l’époque mais la proximité de l’épidémie qui tuait encore faisait qu’il était difficile de ne pas éprouver de crainte en ingérant les descriptions de ses séjours à Claude Bernard, des tests qui ressemblaient à ceux qui m’avaient terrorisés lorsque je descendais à la station Saint-Jacques avec Gilles alors que nous n’avions pas de véritable raison de nous inquiéter mais comment aurait-il été possible de ne pas participer à l’angoisse du moment, nous étions juste à ce point où les traitements allaient faire basculer la perception de la maladie. Et, en relisant Guibert, Jarman, Haring, Bourdin, Patti Smith, je retrouve, mais atténuées, non pas la terreur, il est impossible de s’y replonger maintenant que la peur a disparu, mais les effluves d’un temps où se chevauchent les platanes sur les boulevards de Paris, les après-midis au Luxembourg entre les cours à l’institut d’histoire de l’art, mes allées-et-venues sur les quais à la poursuite de rencontres et du temps dont je ne savais pas quoi faire, la vision des péniches qui passent devant le Jardin des plantes, l’escalier sans fin qui mène à l’appartement de Jean, mes doutes sur l’avenir que je ravalais, incapable que j’étais de les regarder en face, de les interroger pour prendre des décisions, non, je suivais le fleuve et je le suivrais encore pendant des années, des décennies, avant de sentir la berge s’affermir. Me pas dans ceux de Guibert mais sans son assurance cynique, un regard froid sur le monde. Je ne savais pas lâcher le cocon.

#art #hervéguibert #homosexualité #photographie
28 mai 2025
Samedi soir, le Faust de Gounod - Antoine Vigne
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Samedi soir, le Faust de Gounod mis en scène par Heartbeat Opera au Baruch Performing Arts Center, dirigé par Jacob Ashworth, l’orchestre réduit à six ou sept musiciens, la volonté de simplifier, de rendre accessible, intelligible l’histoire, la pièce, de rendre sensible ce qui pouvait avoir vieilli, tout cela fonctionne bien, les dialogues insérés en anglais, les bouteilles de bière, les costumes qui n’en sont presque pas tant ils tendent à la banalité, il y a un côté brechtien aux mises en scène de Ashworth et Sarah Holdren, nous rappeler sans cesse que c’est un spectacle, nous rappeler le décalage de temps, de thème, l’histoire ne serait pas écrite comme cela aujourd’hui mais cela importe peu, et le personnage de Marguerite est vieillot lui aussi, tout comme l’ambition ratatinée de Faust, on ne perçoit pas bien l’urgence de leurs désirs, mais on perçoit son intensité, on perçoit l’amour de Valentin, le frère – il m’est impossible de ne pas être sensible à sa beauté physique, au décalage entre sa stature, son corps charpenté, habillé de bottes, en jeans, mimant tous les attributs de la masculinité américaine, celle qu’on a voulu aimer pendant le XXe siècle, celle qui disparait, qu’on va devoir reléguer dans un musée, elle n’est crédible que comme l’est encore celle du calme olympien de Tara et Twelve Oaks dans Autant en emporte le vent, mais on a encore le droit d’y succomber, de se laisser aller à un dernier élan de nostalgie pour ce qui nous a construit – et on devine bien le Mephisto derrière ses tenues poussées à l’outrance, mimant, elles, le queer contemporain, l’humour noir, l’humour cynique et bon enfant, offrant un contrepoint à la bien-pensance bigote de Marguerite. Et, pourtant, malgré tout cela, lorsque survient l’aria final qui sauve, la musique fonctionne, elle nous emporte, elle nous conquiert, on se laisse plonger dans la possibilité du miracle, de la rédemption, de la victoire du bien contre le mal, et le portrait final, le couple gay de Marguerite et Siebel qui embrasse entièrement sa féminité (le personnage du garçon amoureux était écrit en mezzo soprano par Gounod, un pressentiment d’homosexualité?).

#homosexualité #opera #queer
27 mai 2025
Au détour de recherches - Antoine Vigne

Au détour de recherches, je lis sur Mauriac, puis sur Jouhandeau.
Je reconnais chez eux les tortures de la sensualité qui ne peut pas se libérer du carcan où elle a été enfermée, soumise à une vérité dominatrice, totalitaire, aux préceptes, à l’idée de Dieu, engoncée dans le vocabulaire de la faute, de la pureté, et qui s’invente, dans le mysticisme, une voie de salut. De survie serait sans doute plus juste. Elle cherche l’incarnation dans les entre-deux, le soleil perçant aveuglément dans les nuages, c’est un vol qui ne trouve jamais le grand bleu mais des éblouissements rassurants, réconfortants après les nuits d’orage, après les grêles intenses, le désir et l’amour ne les lâchent jamais.

Cette citation de Jouhandeau :

“Je ne devrais plus penser qu’à Dieu et quelqu’un me dispute à Lui, comme si l’Océan sortait de son lit pour l’amour d’un rocher contre lequel il ne saurait que se briser ou comme si mon regard oubliait le Ciel pour suivre un nuage”.

C’est déchirant.

et puis cette phrase aussi:

“On ne peut adorer l’Éternel sans laisser d’être sensible aux idoles qu’il est permis de toucher.”

D’autres passages fabuleux dans la correspondance entre Leiris et Jouhandeau qui ont été amants
Leiris dans une lettre à Jouhandeau en 1926:

“le silence – image de l’absolu – pouvait seul donner une idée de la façon dont m’avaient frappé tes paroles. Je n’ai pas cru devoir, par des vocables humains, essayer d’exprimer mon émotion, profonde comme un filet de sang dans la blancheur d’un os, liquide vivant serré entre les ais rigides de l’éternel. […] Notre amitié est située hors des lieux et des temps, sur la plage immense de l’absolu. Il y a des épaves, des albatros, des ossements de noyés. Il y a des trésors sortis des galions défoncés. Il y a des galets durs et polis comme des crânes, des vagues douces et monstrueuses”.

La poésie les sauve sans les racheter.
Impossible de ne pas penser aux ravages de la religion aujourd’hui encore. Derrière les atours de ce que réussit à extirper la souffrance à l’être.

#écrire #homosexualité #jouhandeau #journauxintimes #leiris #littérature #mauriac
23 mai 2025
Le Barbican, le béton toujours, une oasis en forte… - Antoine Vigne
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Le Barbican, le béton toujours, une oasis en forteresse au milieu de la ville. Je (re)-découvre Londres avec Danny, des jours joyeux, ensoleillés, les goûts communs pour les matériaux, l’architecture, la sensualité de l’espace et des rencontres. Danny en guide donc. Derek Jarman revient sans cesse, la référence à sa maison de Dungeoness, à son journal, le lien avec la quarantaine du Mpox pendant laquelle Danny lit ces textes, je me mets à lire le même récit de 1989, impossible de ne pas penser à d’autres journaux intimes, les Guibert, Lagarce, Keith Haring et tous les autres, tous écrits dans les années 80/90.

(J’écris ces mots samedi matin:
le sida = la mort gay, la mort sacrificielle du Christianisme, le poids des fautes présumées, à la fois celles de la promiscuité, de Sodome et du paradis perdu, et par ailleurs le péché d’indifférence de la société. En ce sens, les morts du sida achètent la bonne conscience d’une foule anxieuse de son confort moral. )

Le Barbican donc, comment n’étais-je jamais venu ici ? les coursives, les perspectives, les bassins, la fontaine, les murs romains qui veillent sur le côté. Je pourrais passer des heures à regarder, à aller d’un point de vue à l’autre, prendre des photos, il y a une perfection de la perspective enfermée, des lignes droites que neutralisent les voutes en berceau (l’anglais dit barrel vault donc voute en baril, c’est moins doux) surmontant le tout et se répétant dans divers éléments.

Pourquoi cet amour du béton: Danny répète qu’il est un matériau solide, brut, je le vois comme un matériau qui se désagrège aussi, je vois le sable qui le constitue, je vois les fers qui ressurgissent, je vois les bunkers que les plages puis l’océan enfouissent et engloutissent, je vois la couleur qui se fond dans le paysage, les lierres qui dégringolent sur la surface qui n’avait jamais été parfaitement lisse, je vois les aspérités tout autant que la matière qui résiste aux radiations.

 

#architecture #barbican #béton #carnetsdevoyage #friends #homosexualité #london #poèmesenbéton #sida
7 mai 2025
0417-4 Genet, je relis Genet, pour la troisième f… - Antoine Vigne

0417-4

Genet, je relis Genet, pour la troisième fois sans doute,
je reprends le Notre-Dame-des-Fleurs
je n’ai pas de souvenirs en fait, ou pas de souvenirs précis,
(du cisèlement des mots, de la prolixité de la phrase, les images, la présence constante de l’auteur, l’odeur de la prison, il est là, il vous le dit, il vous le répète, c’est du fantasme, la pure production de l’esprit,
c’est proprement exaltant, comment puis-je ne pas me souvenir de tout cela, la phrase de Proust mais plus livre encore, moins formelle, moins maniérée, moins maniériste, elle n’a pas peur de plonger non pas dans l’émotion mais dans la pulsion, dans la nature
cachée/voilée/extravertie quand on la laisse s’épandre, s’étendre, une explosion qui se fait floraison parce que les mots retiennent tout de même leur capacité à fleurir, la semence ne coule pas, invisible et transparente sur un ventre nu, non, à un moment, elle se retient dans la bouche de Genet et c’est
sublime)
j’étais avec Jean à l’époque
non,
la première fois, j’avais 19 ans, Sophie et Ségo avaient commencé d’étudier en fac de lettres, c’était le premier exemple de texte homosexuel qui m’arrivait,
des mots échoués sur ce qu’étaient mes tristes plages
je marchais en sentinelle sans comprendre que j’avais soif
un océan à ma portée et j’avais soif
j’ai lu pourtant,
non pas le livre mais les pages,
frénétiquement
j’ai cherché les passages qui décrivaient les scènes de sexe,
Sophie/Ségo en plaisantaient, comment cacher mon trouble encore ?
je ne savais même pas ce que je cherchais, j’étais comme un affamé à qui l’on présente un buffet mais sans savoir qu’il est affamé, on lui montre juste la nourriture et il doit continuer à se cacher parce qu’en lui même, il a honte de sa faim, de son état d’inanition
je n’ai même pas acheté le livre
je ne pourrais pas expliquer cette paresse mais je perçois que c’était de la paresse, non pas simplement un épuisement
il y a en moi (en nous
tous)
une indolence
elle est plus forte en moi sans doute, polarité qui va
et vient, mes phases de lune sont déglinguées, j’apprends encore à suivre, à les marquer, je sais que c’est futile

je m’attable donc enfin

 

#homosexualité #littérature
17 avril 2025
Des notes sur le Dialogue des Carmélites au théâtr… - Antoine Vigne
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Des notes sur le Dialogue des Carmélites au théâtre des Champs Elysées la semaine dernière.
La musique de Poulenc d’abord. Des accents qui vont d’un mysticisme qui me rappelle Nadia Boulanger quand elle dirige le requiem de Fauré, les arches sombres des églises de la fin du XIXe et du début du XXe, de Montmartre au Saint-Esprit, des voutes en béton, la matière pèse, une école française de la musique, et jusqu’à Aaron Copland ou aux musiques d’Hollywood.
Le texte sublime mais je ne comprends pas pourquoi la première scène est-elle si plate, si pauvre dans l’écriture, elle n’ouvre à rien, elle se donne sans relief quand le reste du texte s’envole, manie le vide, le plein, le désir, la mortification, la violence – du temps, du corps, le refus de la sensualité,…
La voix de Véronique Gens (Madame Lidoine), Manon Lamaison (soeur Constance) et de Sathy Ratia (Chevalier de la Force).
La mise en scène d’Olivier Py, la justesse de la dernière scène malgré le son défaillant de la guillotine dans les hauts-parleurs qui nous surplombent et qui abime le moment, mais le mouvement des corps qui dansent leur mort et l’envolée mystique fonctionne. D’autres moments sont plus ambigus, notamment dans le rapport de Blanche avec son frère.
Mais l’ensemble est saisissant. Un monument encore. Le mysticisme de Poulenc me fascine dans sa relation troublée par l’homosexualité, la tension de l’émotion corporelle qui se sait ne pas pouvoir vivre l’intensité qui émane d’elle. Encore plus fasciné lorsque je pense aux discussions entre Poulenc et Samuel Barber, mêmes désirs, même élans, même secret douloureux que la musique exprime.

 

#dialoguedescarmélites #georgesbernanos #homosexualité #mysticisme #olivierpy #opera #performingarts #poulenc #religion #samuelbarber
17 décembre 2024
Au Colorado, des associations catholiques dépense… - Antoine Vigne

Au Colorado, des associations catholiques dépensent des millions pour obtenir les données privées de téléphone de prêtres, de religieux pour les traquer sur les sites gay, jeter l’opprobre, détruire des vies déjà souffrantes sans doute, à l’étroit, servantes dans la douleur. Aberration. Des millions de dollars? Qu’on aurait pu utiliser contre la pauvreté, la faim, le froid. Mais non, l’homosexualité, la sexualité en général, beaucoup plus grave… Combat des combats de l’Eglise qui se ratatine.

Article étrange aussi, retrouvé dans mes pérégrinations inquiètes, irrépressibles, sur les stigmates et leur histoire, fantasme hallucinant promu et adulé par l’église en fait. Un signe dont la place semble disparaître aujourd’hui parce que la science, l’observation n’autorisent plus l’aberration?

Aberration aussi, au détour de lectures, le curé d’Ars qui ne voulait pas que les jeunes dansent dans son village, le curé d’Ars donc, l’exemple donné, vénéré, comme Bernard de Clairvaux d’ailleurs, même veine, même rigidité cadavérique… plus la chair souffre…Même principe que les stigmates au final, le sang de l’impureté, des règles devenu objet de redemption, de grâce sublime, de purification, annulation, renversement de la chute, du corps, mouvement ascensionnel. Le même mouvement ascensionnel qui contredit toute l’expérience humaine, la pousse, la chahute, la dégrade, profondément, il n’y a plus de place pour l’être, l’être incarné, d’où la fusion totale, nécessaire, et les aberrations, toutes les aberrations de purification, le feu, le bûcher, le confessional, forme adoucie de bûcher mais qui demande le reniement, la renonciation, la même, au mal qui règne, qui endolorit la chair. Dolorosa, mère de douleur, mère des douleurs, tout se tient, si bien que le cadre rigide écrase, abîme, comprime le corps, tout ce qui est corps, mais le cadre craque, son bois est mort, quand il lâchera, le vide qu’il contenait se répandra. Dans le feu. Consummation. De l’absolu. Qui n’était pas.

 

#autoportraitsfragmentés #changerlelogociel #disparitionlenteetviolenteducatholicisme #fighthate #homosexualité #moralerestrictive #religion #stupiditédesreligions
11 mars 2023
Un samedi à Chelsea, des expos dans les galeries:… - Antoine Vigne
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Un samedi à Chelsea, des expos dans les galeries: sublime découverte des photos de Zanele Muholi que nous ne connaissions pas à Yancey Richardson, mais également revoir les images de Larry Sultan des années 80, celles de Mitch Epstein à Riis Beach dans les années 1970 (rien n’a changé, rien ne change en fait) et puis l’installation vidéo de Charles Atlas, la fragmentation (toujours ce mot, encore la semaine dernière dans le documentaire sur Joan Didion, partout…) des images de Michael Clark, la danse qui se décompose en portraits de vie, de son, des bribes qui se joignent, se rejoignent, disjoignent les conventions, l’idée de totalité simple, narrative, le récit sans cesse voulu par les tenants du grand sens qui recouvre tout. D’autres images aussi, Rose Simpson à Jack Shainman, le hiératisme fluide des statues qui appellent des univers entiers, les dessins de Roberto Cuoghi, une petite série dans la grande installation mais dont chaque élément surprend avec ses accents médiévaux, Louise Bourgeois-esques, enfin les pérégrinations de Minervas Cuevas sur les terres désolées de l’aberration environnementale capitaliste.

Au même moment, d’autres histoires, d’autres récits que je rencontre au fil de mes pérégrinations, me tournent autour, celui de George Dyer et son suicide avant le vernissage de Bacon en 1971, celui de Leonora Carrington et son amour pour Max Ernst, sa vie à Mexico City comme tant d’autres artistes

Je lis Violaine Bérot, Ginsberg, les poèmes romains de Pasolini.

Petit tour d’horizon…

#art #homosexualité #horizonduweekend #littérature #photography #videoart
7 mars 2023
Quelques notes lors de l’exposition Wolfgang Til… - Antoine Vigne
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Quelques notes lors de l’exposition Wolfgang Tillmans au MoMA: une forme d’exubérance immédiate et chaotique, rhyzomique. L’intimité des petits formats qui font pendant aux grands tirages. Une exposition dans laquelle il faut flotter, le rapport à l’œuvre est différent, moins symbiotique, moins unilatéral. Il se projette dans la multiplicité (des images, des supports, des formats) qui définissent autant de rapports au réel, à l’image, à l’intimité qu’on entretient avec elle, intimité intellectuelle, affective, sensorielle. Il y a quelque chose qui me rend heureux. Les gens passent dans l’exposition, ils marchent souvent sans s’arrêter, sans savoir ce qu’il faut regarder. Assez étrange et jouissif (triste aussi?).

Submersion dans l’intime, le quotidien, l’image qui pause sur un moment puis repart. S’accroche à tout. Sans suite logique nécessaire.

Le portrait d’époques (années 90, 2000, 2010, je suis en parfait symbiose, c’est mon monde), visions de moments simplement incarnés dans leur matérialité (celle des personnes, celles des objets dans leur présence autour des personnes, celle de la photographie), et d’autres où émergent les intuitions relationnelles, qui ont trait à des renvois, des passages vers d’autres univers, des fils qui se tissent (la vidéo des petits pois qui cuisent sur le fond de voix entendues par la fenêtre de l’appartement).

L’astronomie et les limites du visible (boundaries of the visible), la question de la réception de l’information comme vérité dans nos sociétés, la présomption de la vérité écrite qui nous incite à croire autant qu’à défier. Je pense alors: méfiance et confiance coexistent sans cesse. La photo au cœur de cette problématique évidente.

Fascination pour le papier (l’autorité métaphysique des FreiSchwimmer). J’aime cette obsession.

Je comprends cette démarche de tout vouloir intégrer, image, son, visions, intuitions, sensations. J’ai le même désir dans l’écriture. Recherche ultra sensorielle.

 

#art #artcontemporain #écrire #écriture #homosexualité #moma #photographie #ultrasensoriel #wolfgangtillmans
5 décembre 2022
Belle soirée à Albertine autour de Guibert avec … - Antoine Vigne
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Belle soirée à Albertine autour de Guibert avec Garth Greenweel, Richie Hofmann et Jeffrey Zuckerman. La conversation va et vient autour de l’oeuvre, évoque le besoin de tout écrire avant la mort qui arrive au risque d’écrire trop vite, mais aussi la peur du désir, le journal comme écriture poétique dans sa fragmentation. Greenwell parle aussi de l’auto-fiction comme genre littéraire, sa non pertinence lorsqu’on relit l’histoire de la littérature depuis Saint-Augustin comme un chemin autour de l’autobiographie spirituelle qui trouve dans l’intimité du moi son ressort et son impulsion vers une réalité universelle. D’autres fantômes sont là, ceux de Whitman, de Virginia Woolf, de Joyce, ainsi que, pour moi, les souvenirs des années où je découvre Guibert sans savoir qui il est, ce qu’il représente. Je lis ses textes alors qu’il vient de mourir, je lis les articles qui paraissent, l’un sur lui, l’autre sur Mapplethorpe en 1991 ou 1992 dans l’Encyclopedia Universalis de mes parents, je ne sais pas encore ce qui me lie à eux mais je me sais lié. Aux mots, aux images, au temps qui passe, à l’idée du Keller aussi dont je ne sais pas non plus ce qu’il est mais dont l’image m’obsède – un club où je n’irais jamais en fait. Plus tard, je rentre par Central Park, par les Rambles, la nuit est étrangement chaude pour cette fin octobre, comme partout. Les buissons bruissent comme autrefois. Je rentre, je lis Le Jeune Homme d’Annie Ernaux puisqu’on a parlé d’elle, je suis ébloui par la clarté de l’intimité qui se dévoile, qui dit en quelques mots l’idée fluctuante et fugitive du couple. Jonathan est près de moi, nous écoutons Frankie Valli sans que je sache pourquoi. Les fantômes passent.

#26octobre2022 #albertinebooks #annieernaux #autobiographiespirituelle #confessions #frankievalli #garthgreenwell #hervéguibert #homosexualité #intimité #jamesjoyce #jeffreyzuckerman #littérature #mapplethorpe #poésie #richiehofmann #saintaugustin #virginiawoolf
26 octobre 2022
En lisant (saint) Augustin, hier : - Antoine Vigne

En lisant (saint) Augustin, hier :

comment puis-je en le lisant à la fois percevoir ce qui m’a construit, le jeune, la prière, la contemplation,
et en rejeter tout ce qui m’a abîmé, les injonctions, le rejet de la chair, la haine de la sensualité

pourquoi cette incapacité chez lui d’accepter qu’on ne contrôle pas tout, ni ses désirs, ni ses pensées, pourquoi penser que cette incapacité, plutôt qu’être une richesse, le siège de l’élan, de l’intuition, des émotions, du rapport au monde, est un dysfonctionnement qu’il faut mater? pourquoi ce refus de l’être?

Il entraine à sa suite des siècles d’abus commis par l’Eglise et une part immense de la tradition chrétienne envers des générations d’êtres humains auxquels on dit : ne vivez pas ce que vous êtes. Exactement comme on bandait les pieds des femmes à certaines époques de la civilisation chinoise: cultures de mort donc qui se prétendent être la vie. Renversement de la réalité, celui qui s’en extrait dit qu’il est la réalité. Chatoiement du mensonge. Le même dispositif est à l’oeuvre aujourd’hui dans les tendances réactionnaires de nos pays.

pourquoi avoir laissé un homme qui apparemment n’aimait pas sa sexualité ni sa vie nous expliquer qu’il fallait que nous abandonnions tous nos vies, nos corps?

ne pourrions-nous pas l’enterrer une bonne fois pour toutes… laisser sa voix mourir dans le désert? choisir ceux qui aiment plutôt que ceux qui disent aimer mais se détournent du seul amour qui existe, du seul désir qui compte.

choisir Pélage contre Augustin

(Retourne toi, Augustin, Antoine Vigne, 2025)

#homosexualité #religion
23 juin 2025
Guibert Pudeur et Impudeur - Antoine Vigne
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Hier soir, je regarde enfin La pudeur ou l’impudeur que je trouve magnifique évidemment, notamment ce que Christophe Honoré dont je visionne après le film un entretien appelle la violence, mais, dans les scènes où Guibert demande à ses tantes âgées ce qu’elles pensent du suicide, je trouve aussi une intimité folle, il leur parle comme à des êtres sensibles, il les interroge sur leur rapport au corps, notamment sa tante Suzanne qui peine lorsqu’elle est nourrie à la cuiller devant la caméra et qui, d’un souffle lorsqu’il lui demande ce qu’elle souhaiterait pour son anniversaire à venir, murmure un « un peu plus de temps à vivre » qui trahit à la fois la crainte de la fin et l’attachement à ce qui reste d’existence. Il nous défie aussi de le regarder, de vivre comme il vit, comme il a vécu, ne pas se laisser berner par les illusions que sont les convenances, on chie tous donc pourquoi se cacher, pourquoi ne pas parler de la maladie, pourquoi ne pas se montrer dans les diarrhées qui sont l’apanage de son angoisse, de la déliquescence du corps, pourquoi avoir peur de dire les choses, de les filmer, il sait que son entreprise est une philosophie, que les limites que nous posons à l’énoncé de ce qui peut se dire ou ne pas se dire agit comme une hache qu’on planterait dans un tronc, elle prépare la séparation, la dis-jonction, on ne peut vivre l’intimité qu’en disant tout, en montrant tout.
Et, pourtant, nous savons que nous ne montrons jamais tout. Non pas par duplicité mais par incapacité. On rejoint là l’un des grands enjeux de la littérature : comment mimer le réel, comment faire coller le récit à l’existence, comment détacher la narration de sa gangue à voie trop étroite comme un train qui passerait dans un tunnel, et l’épanouir dans une réalité où le chevauchement des perceptions ajuste en permanence la focale, la prise de vue, le panorama, comment aller au-delà des outils que nous, humanité, avons conçu et qui nous enferment. Comment sinon en commençant par montrer et regarder.

#film #hervéguibert #homosexualité #littérature
29 mai 2025
Encore plongé dans Guibert - Antoine Vigne

Encore plongé dans Guibert auquel je m’identifie momentanément. C’est toujours comme cela quand on lit un auteur qu’on aime. Peu à peu émergent des connivences, une proximité. J’ai fini de relire À l’ami, j’ai écouté un entretien de Christine Guibert, je regarde ses photos, je fais des recherches sur ses livres, je n’avais pas pris conscience qu’il y en avait tant, écrits sur une période courte, 15 ans à peine, les titres défilent, les essais, les romans, plusieurs ont tout de même été publiés de manière posthume mais cela ne change rien au temps qu’il lui a fallu pour produire cette somme. Évidemment, chaque fois, la même perplexité en sentant mes neurones se mettre à me comparer à lui, à son travail. Sur le site Recyclivre que je ne connaissais pas jusqu’ici et qui propose une économie solidaire et environnementale du livre d’occasion, je passe en revue les titres, avec l’envie de tout acheter, de me constituer la bibliothèque parfaite du lecteur guibertien, sachant qu’il faudra que je revienne à ses Parents, à l’Écriture photographique. Je pense à la photo que Jean a sur son mur, Les Escaliers, Eugene, Villa Médicis, qui date de 1988, accrochée le long de la poutre médiane, Guibert venait de mourrir lorsqu’il l’a acquise, lorsque nous étions ensemble, des années 1990 qui semblent à la fois lointaines et toutes proches, la lumière d’été sur la table où nous prenions le petit-déjeuner, les émissions de France Inter, cet été-là Laurence Boccolini avait concocté des matinées spéciales Eurovision, c’était joyeux, pétillant, ça coïncidait très exactement avec le point où se trouvait notre relation. Jean aimait Guibert plus que moi, il m’initiait, j’avais dû en lire trois ou quatre à l’époque mais la proximité de l’épidémie qui tuait encore faisait qu’il était difficile de ne pas éprouver de crainte en ingérant les descriptions de ses séjours à Claude Bernard, des tests qui ressemblaient à ceux qui m’avaient terrorisés lorsque je descendais à la station Saint-Jacques avec Gilles alors que nous n’avions pas de véritable raison de nous inquiéter mais comment aurait-il été possible de ne pas participer à l’angoisse du moment, nous étions juste à ce point où les traitements allaient faire basculer la perception de la maladie. Et, en relisant Guibert, Jarman, Haring, Bourdin, Patti Smith, je retrouve, mais atténuées, non pas la terreur, il est impossible de s’y replonger maintenant que la peur a disparu, mais les effluves d’un temps où se chevauchent les platanes sur les boulevards de Paris, les après-midis au Luxembourg entre les cours à l’institut d’histoire de l’art, mes allées-et-venues sur les quais à la poursuite de rencontres et du temps dont je ne savais pas quoi faire, la vision des péniches qui passent devant le Jardin des plantes, l’escalier sans fin qui mène à l’appartement de Jean, mes doutes sur l’avenir que je ravalais, incapable que j’étais de les regarder en face, de les interroger pour prendre des décisions, non, je suivais le fleuve et je le suivrais encore pendant des années, des décennies, avant de sentir la berge s’affermir. Me pas dans ceux de Guibert mais sans son assurance cynique, un regard froid sur le monde. Je ne savais pas lâcher le cocon.

#art #hervéguibert #homosexualité #photographie
28 mai 2025
Samedi soir, le Faust de Gounod - Antoine Vigne
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Samedi soir, le Faust de Gounod mis en scène par Heartbeat Opera au Baruch Performing Arts Center, dirigé par Jacob Ashworth, l’orchestre réduit à six ou sept musiciens, la volonté de simplifier, de rendre accessible, intelligible l’histoire, la pièce, de rendre sensible ce qui pouvait avoir vieilli, tout cela fonctionne bien, les dialogues insérés en anglais, les bouteilles de bière, les costumes qui n’en sont presque pas tant ils tendent à la banalité, il y a un côté brechtien aux mises en scène de Ashworth et Sarah Holdren, nous rappeler sans cesse que c’est un spectacle, nous rappeler le décalage de temps, de thème, l’histoire ne serait pas écrite comme cela aujourd’hui mais cela importe peu, et le personnage de Marguerite est vieillot lui aussi, tout comme l’ambition ratatinée de Faust, on ne perçoit pas bien l’urgence de leurs désirs, mais on perçoit son intensité, on perçoit l’amour de Valentin, le frère – il m’est impossible de ne pas être sensible à sa beauté physique, au décalage entre sa stature, son corps charpenté, habillé de bottes, en jeans, mimant tous les attributs de la masculinité américaine, celle qu’on a voulu aimer pendant le XXe siècle, celle qui disparait, qu’on va devoir reléguer dans un musée, elle n’est crédible que comme l’est encore celle du calme olympien de Tara et Twelve Oaks dans Autant en emporte le vent, mais on a encore le droit d’y succomber, de se laisser aller à un dernier élan de nostalgie pour ce qui nous a construit – et on devine bien le Mephisto derrière ses tenues poussées à l’outrance, mimant, elles, le queer contemporain, l’humour noir, l’humour cynique et bon enfant, offrant un contrepoint à la bien-pensance bigote de Marguerite. Et, pourtant, malgré tout cela, lorsque survient l’aria final qui sauve, la musique fonctionne, elle nous emporte, elle nous conquiert, on se laisse plonger dans la possibilité du miracle, de la rédemption, de la victoire du bien contre le mal, et le portrait final, le couple gay de Marguerite et Siebel qui embrasse entièrement sa féminité (le personnage du garçon amoureux était écrit en mezzo soprano par Gounod, un pressentiment d’homosexualité?).

#homosexualité #opera #queer
27 mai 2025
Au détour de recherches - Antoine Vigne

Au détour de recherches, je lis sur Mauriac, puis sur Jouhandeau.
Je reconnais chez eux les tortures de la sensualité qui ne peut pas se libérer du carcan où elle a été enfermée, soumise à une vérité dominatrice, totalitaire, aux préceptes, à l’idée de Dieu, engoncée dans le vocabulaire de la faute, de la pureté, et qui s’invente, dans le mysticisme, une voie de salut. De survie serait sans doute plus juste. Elle cherche l’incarnation dans les entre-deux, le soleil perçant aveuglément dans les nuages, c’est un vol qui ne trouve jamais le grand bleu mais des éblouissements rassurants, réconfortants après les nuits d’orage, après les grêles intenses, le désir et l’amour ne les lâchent jamais.

Cette citation de Jouhandeau :

“Je ne devrais plus penser qu’à Dieu et quelqu’un me dispute à Lui, comme si l’Océan sortait de son lit pour l’amour d’un rocher contre lequel il ne saurait que se briser ou comme si mon regard oubliait le Ciel pour suivre un nuage”.

C’est déchirant.

et puis cette phrase aussi:

“On ne peut adorer l’Éternel sans laisser d’être sensible aux idoles qu’il est permis de toucher.”

D’autres passages fabuleux dans la correspondance entre Leiris et Jouhandeau qui ont été amants
Leiris dans une lettre à Jouhandeau en 1926:

“le silence – image de l’absolu – pouvait seul donner une idée de la façon dont m’avaient frappé tes paroles. Je n’ai pas cru devoir, par des vocables humains, essayer d’exprimer mon émotion, profonde comme un filet de sang dans la blancheur d’un os, liquide vivant serré entre les ais rigides de l’éternel. […] Notre amitié est située hors des lieux et des temps, sur la plage immense de l’absolu. Il y a des épaves, des albatros, des ossements de noyés. Il y a des trésors sortis des galions défoncés. Il y a des galets durs et polis comme des crânes, des vagues douces et monstrueuses”.

La poésie les sauve sans les racheter.
Impossible de ne pas penser aux ravages de la religion aujourd’hui encore. Derrière les atours de ce que réussit à extirper la souffrance à l’être.

#écrire #homosexualité #jouhandeau #journauxintimes #leiris #littérature #mauriac
23 mai 2025
Le Barbican, le béton toujours, une oasis en forte… - Antoine Vigne
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Le Barbican, le béton toujours, une oasis en forteresse au milieu de la ville. Je (re)-découvre Londres avec Danny, des jours joyeux, ensoleillés, les goûts communs pour les matériaux, l’architecture, la sensualité de l’espace et des rencontres. Danny en guide donc. Derek Jarman revient sans cesse, la référence à sa maison de Dungeoness, à son journal, le lien avec la quarantaine du Mpox pendant laquelle Danny lit ces textes, je me mets à lire le même récit de 1989, impossible de ne pas penser à d’autres journaux intimes, les Guibert, Lagarce, Keith Haring et tous les autres, tous écrits dans les années 80/90.

(J’écris ces mots samedi matin:
le sida = la mort gay, la mort sacrificielle du Christianisme, le poids des fautes présumées, à la fois celles de la promiscuité, de Sodome et du paradis perdu, et par ailleurs le péché d’indifférence de la société. En ce sens, les morts du sida achètent la bonne conscience d’une foule anxieuse de son confort moral. )

Le Barbican donc, comment n’étais-je jamais venu ici ? les coursives, les perspectives, les bassins, la fontaine, les murs romains qui veillent sur le côté. Je pourrais passer des heures à regarder, à aller d’un point de vue à l’autre, prendre des photos, il y a une perfection de la perspective enfermée, des lignes droites que neutralisent les voutes en berceau (l’anglais dit barrel vault donc voute en baril, c’est moins doux) surmontant le tout et se répétant dans divers éléments.

Pourquoi cet amour du béton: Danny répète qu’il est un matériau solide, brut, je le vois comme un matériau qui se désagrège aussi, je vois le sable qui le constitue, je vois les fers qui ressurgissent, je vois les bunkers que les plages puis l’océan enfouissent et engloutissent, je vois la couleur qui se fond dans le paysage, les lierres qui dégringolent sur la surface qui n’avait jamais été parfaitement lisse, je vois les aspérités tout autant que la matière qui résiste aux radiations.

 

#architecture #barbican #béton #carnetsdevoyage #friends #homosexualité #london #poèmesenbéton #sida
7 mai 2025
0417-4 Genet, je relis Genet, pour la troisième f… - Antoine Vigne

0417-4

Genet, je relis Genet, pour la troisième fois sans doute,
je reprends le Notre-Dame-des-Fleurs
je n’ai pas de souvenirs en fait, ou pas de souvenirs précis,
(du cisèlement des mots, de la prolixité de la phrase, les images, la présence constante de l’auteur, l’odeur de la prison, il est là, il vous le dit, il vous le répète, c’est du fantasme, la pure production de l’esprit,
c’est proprement exaltant, comment puis-je ne pas me souvenir de tout cela, la phrase de Proust mais plus livre encore, moins formelle, moins maniérée, moins maniériste, elle n’a pas peur de plonger non pas dans l’émotion mais dans la pulsion, dans la nature
cachée/voilée/extravertie quand on la laisse s’épandre, s’étendre, une explosion qui se fait floraison parce que les mots retiennent tout de même leur capacité à fleurir, la semence ne coule pas, invisible et transparente sur un ventre nu, non, à un moment, elle se retient dans la bouche de Genet et c’est
sublime)
j’étais avec Jean à l’époque
non,
la première fois, j’avais 19 ans, Sophie et Ségo avaient commencé d’étudier en fac de lettres, c’était le premier exemple de texte homosexuel qui m’arrivait,
des mots échoués sur ce qu’étaient mes tristes plages
je marchais en sentinelle sans comprendre que j’avais soif
un océan à ma portée et j’avais soif
j’ai lu pourtant,
non pas le livre mais les pages,
frénétiquement
j’ai cherché les passages qui décrivaient les scènes de sexe,
Sophie/Ségo en plaisantaient, comment cacher mon trouble encore ?
je ne savais même pas ce que je cherchais, j’étais comme un affamé à qui l’on présente un buffet mais sans savoir qu’il est affamé, on lui montre juste la nourriture et il doit continuer à se cacher parce qu’en lui même, il a honte de sa faim, de son état d’inanition
je n’ai même pas acheté le livre
je ne pourrais pas expliquer cette paresse mais je perçois que c’était de la paresse, non pas simplement un épuisement
il y a en moi (en nous
tous)
une indolence
elle est plus forte en moi sans doute, polarité qui va
et vient, mes phases de lune sont déglinguées, j’apprends encore à suivre, à les marquer, je sais que c’est futile

je m’attable donc enfin

 

#homosexualité #littérature
17 avril 2025
Des notes sur le Dialogue des Carmélites au théâtr… - Antoine Vigne
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Des notes sur le Dialogue des Carmélites au théâtre des Champs Elysées la semaine dernière.
La musique de Poulenc d’abord. Des accents qui vont d’un mysticisme qui me rappelle Nadia Boulanger quand elle dirige le requiem de Fauré, les arches sombres des églises de la fin du XIXe et du début du XXe, de Montmartre au Saint-Esprit, des voutes en béton, la matière pèse, une école française de la musique, et jusqu’à Aaron Copland ou aux musiques d’Hollywood.
Le texte sublime mais je ne comprends pas pourquoi la première scène est-elle si plate, si pauvre dans l’écriture, elle n’ouvre à rien, elle se donne sans relief quand le reste du texte s’envole, manie le vide, le plein, le désir, la mortification, la violence – du temps, du corps, le refus de la sensualité,…
La voix de Véronique Gens (Madame Lidoine), Manon Lamaison (soeur Constance) et de Sathy Ratia (Chevalier de la Force).
La mise en scène d’Olivier Py, la justesse de la dernière scène malgré le son défaillant de la guillotine dans les hauts-parleurs qui nous surplombent et qui abime le moment, mais le mouvement des corps qui dansent leur mort et l’envolée mystique fonctionne. D’autres moments sont plus ambigus, notamment dans le rapport de Blanche avec son frère.
Mais l’ensemble est saisissant. Un monument encore. Le mysticisme de Poulenc me fascine dans sa relation troublée par l’homosexualité, la tension de l’émotion corporelle qui se sait ne pas pouvoir vivre l’intensité qui émane d’elle. Encore plus fasciné lorsque je pense aux discussions entre Poulenc et Samuel Barber, mêmes désirs, même élans, même secret douloureux que la musique exprime.

 

#dialoguedescarmélites #georgesbernanos #homosexualité #mysticisme #olivierpy #opera #performingarts #poulenc #religion #samuelbarber
17 décembre 2024
Au Colorado, des associations catholiques dépense… - Antoine Vigne

Au Colorado, des associations catholiques dépensent des millions pour obtenir les données privées de téléphone de prêtres, de religieux pour les traquer sur les sites gay, jeter l’opprobre, détruire des vies déjà souffrantes sans doute, à l’étroit, servantes dans la douleur. Aberration. Des millions de dollars? Qu’on aurait pu utiliser contre la pauvreté, la faim, le froid. Mais non, l’homosexualité, la sexualité en général, beaucoup plus grave… Combat des combats de l’Eglise qui se ratatine.

Article étrange aussi, retrouvé dans mes pérégrinations inquiètes, irrépressibles, sur les stigmates et leur histoire, fantasme hallucinant promu et adulé par l’église en fait. Un signe dont la place semble disparaître aujourd’hui parce que la science, l’observation n’autorisent plus l’aberration?

Aberration aussi, au détour de lectures, le curé d’Ars qui ne voulait pas que les jeunes dansent dans son village, le curé d’Ars donc, l’exemple donné, vénéré, comme Bernard de Clairvaux d’ailleurs, même veine, même rigidité cadavérique… plus la chair souffre…Même principe que les stigmates au final, le sang de l’impureté, des règles devenu objet de redemption, de grâce sublime, de purification, annulation, renversement de la chute, du corps, mouvement ascensionnel. Le même mouvement ascensionnel qui contredit toute l’expérience humaine, la pousse, la chahute, la dégrade, profondément, il n’y a plus de place pour l’être, l’être incarné, d’où la fusion totale, nécessaire, et les aberrations, toutes les aberrations de purification, le feu, le bûcher, le confessional, forme adoucie de bûcher mais qui demande le reniement, la renonciation, la même, au mal qui règne, qui endolorit la chair. Dolorosa, mère de douleur, mère des douleurs, tout se tient, si bien que le cadre rigide écrase, abîme, comprime le corps, tout ce qui est corps, mais le cadre craque, son bois est mort, quand il lâchera, le vide qu’il contenait se répandra. Dans le feu. Consummation. De l’absolu. Qui n’était pas.

 

#autoportraitsfragmentés #changerlelogociel #disparitionlenteetviolenteducatholicisme #fighthate #homosexualité #moralerestrictive #religion #stupiditédesreligions
11 mars 2023
Un samedi à Chelsea, des expos dans les galeries:… - Antoine Vigne
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Un samedi à Chelsea, des expos dans les galeries: sublime découverte des photos de Zanele Muholi que nous ne connaissions pas à Yancey Richardson, mais également revoir les images de Larry Sultan des années 80, celles de Mitch Epstein à Riis Beach dans les années 1970 (rien n’a changé, rien ne change en fait) et puis l’installation vidéo de Charles Atlas, la fragmentation (toujours ce mot, encore la semaine dernière dans le documentaire sur Joan Didion, partout…) des images de Michael Clark, la danse qui se décompose en portraits de vie, de son, des bribes qui se joignent, se rejoignent, disjoignent les conventions, l’idée de totalité simple, narrative, le récit sans cesse voulu par les tenants du grand sens qui recouvre tout. D’autres images aussi, Rose Simpson à Jack Shainman, le hiératisme fluide des statues qui appellent des univers entiers, les dessins de Roberto Cuoghi, une petite série dans la grande installation mais dont chaque élément surprend avec ses accents médiévaux, Louise Bourgeois-esques, enfin les pérégrinations de Minervas Cuevas sur les terres désolées de l’aberration environnementale capitaliste.

Au même moment, d’autres histoires, d’autres récits que je rencontre au fil de mes pérégrinations, me tournent autour, celui de George Dyer et son suicide avant le vernissage de Bacon en 1971, celui de Leonora Carrington et son amour pour Max Ernst, sa vie à Mexico City comme tant d’autres artistes

Je lis Violaine Bérot, Ginsberg, les poèmes romains de Pasolini.

Petit tour d’horizon…

#art #homosexualité #horizonduweekend #littérature #photography #videoart
7 mars 2023
Quelques notes lors de l’exposition Wolfgang Til… - Antoine Vigne
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Quelques notes lors de l’exposition Wolfgang Tillmans au MoMA: une forme d’exubérance immédiate et chaotique, rhyzomique. L’intimité des petits formats qui font pendant aux grands tirages. Une exposition dans laquelle il faut flotter, le rapport à l’œuvre est différent, moins symbiotique, moins unilatéral. Il se projette dans la multiplicité (des images, des supports, des formats) qui définissent autant de rapports au réel, à l’image, à l’intimité qu’on entretient avec elle, intimité intellectuelle, affective, sensorielle. Il y a quelque chose qui me rend heureux. Les gens passent dans l’exposition, ils marchent souvent sans s’arrêter, sans savoir ce qu’il faut regarder. Assez étrange et jouissif (triste aussi?).

Submersion dans l’intime, le quotidien, l’image qui pause sur un moment puis repart. S’accroche à tout. Sans suite logique nécessaire.

Le portrait d’époques (années 90, 2000, 2010, je suis en parfait symbiose, c’est mon monde), visions de moments simplement incarnés dans leur matérialité (celle des personnes, celles des objets dans leur présence autour des personnes, celle de la photographie), et d’autres où émergent les intuitions relationnelles, qui ont trait à des renvois, des passages vers d’autres univers, des fils qui se tissent (la vidéo des petits pois qui cuisent sur le fond de voix entendues par la fenêtre de l’appartement).

L’astronomie et les limites du visible (boundaries of the visible), la question de la réception de l’information comme vérité dans nos sociétés, la présomption de la vérité écrite qui nous incite à croire autant qu’à défier. Je pense alors: méfiance et confiance coexistent sans cesse. La photo au cœur de cette problématique évidente.

Fascination pour le papier (l’autorité métaphysique des FreiSchwimmer). J’aime cette obsession.

Je comprends cette démarche de tout vouloir intégrer, image, son, visions, intuitions, sensations. J’ai le même désir dans l’écriture. Recherche ultra sensorielle.

 

#art #artcontemporain #écrire #écriture #homosexualité #moma #photographie #ultrasensoriel #wolfgangtillmans
5 décembre 2022
Belle soirée à Albertine autour de Guibert avec … - Antoine Vigne
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Belle soirée à Albertine autour de Guibert avec Garth Greenweel, Richie Hofmann et Jeffrey Zuckerman. La conversation va et vient autour de l’oeuvre, évoque le besoin de tout écrire avant la mort qui arrive au risque d’écrire trop vite, mais aussi la peur du désir, le journal comme écriture poétique dans sa fragmentation. Greenwell parle aussi de l’auto-fiction comme genre littéraire, sa non pertinence lorsqu’on relit l’histoire de la littérature depuis Saint-Augustin comme un chemin autour de l’autobiographie spirituelle qui trouve dans l’intimité du moi son ressort et son impulsion vers une réalité universelle. D’autres fantômes sont là, ceux de Whitman, de Virginia Woolf, de Joyce, ainsi que, pour moi, les souvenirs des années où je découvre Guibert sans savoir qui il est, ce qu’il représente. Je lis ses textes alors qu’il vient de mourir, je lis les articles qui paraissent, l’un sur lui, l’autre sur Mapplethorpe en 1991 ou 1992 dans l’Encyclopedia Universalis de mes parents, je ne sais pas encore ce qui me lie à eux mais je me sais lié. Aux mots, aux images, au temps qui passe, à l’idée du Keller aussi dont je ne sais pas non plus ce qu’il est mais dont l’image m’obsède – un club où je n’irais jamais en fait. Plus tard, je rentre par Central Park, par les Rambles, la nuit est étrangement chaude pour cette fin octobre, comme partout. Les buissons bruissent comme autrefois. Je rentre, je lis Le Jeune Homme d’Annie Ernaux puisqu’on a parlé d’elle, je suis ébloui par la clarté de l’intimité qui se dévoile, qui dit en quelques mots l’idée fluctuante et fugitive du couple. Jonathan est près de moi, nous écoutons Frankie Valli sans que je sache pourquoi. Les fantômes passent.

#26octobre2022 #albertinebooks #annieernaux #autobiographiespirituelle #confessions #frankievalli #garthgreenwell #hervéguibert #homosexualité #intimité #jamesjoyce #jeffreyzuckerman #littérature #mapplethorpe #poésie #richiehofmann #saintaugustin #virginiawoolf
26 octobre 2022