0417-4
Genet, je relis Genet, pour la troisième fois sans doute,
je reprends le Notre-Dame-des-Fleurs
je n’ai pas de souvenirs en fait, ou pas de souvenirs précis,
(du cisèlement des mots, de la prolixité de la phrase, les images, la présence constante de l’auteur, l’odeur de la prison, il est là, il vous le dit, il vous le répète, c’est du fantasme, la pure production de l’esprit,
c’est proprement exaltant, comment puis-je ne pas me souvenir de tout cela, la phrase de Proust mais plus livre encore, moins formelle, moins maniérée, moins maniériste, elle n’a pas peur de plonger non pas dans l’émotion mais dans la pulsion, dans la nature
cachée/voilée/extravertie quand on la laisse s’épandre, s’étendre, une explosion qui se fait floraison parce que les mots retiennent tout de même leur capacité à fleurir, la semence ne coule pas, invisible et transparente sur un ventre nu, non, à un moment, elle se retient dans la bouche de Genet et c’est
sublime)
j’étais avec Jean à l’époque
non,
la première fois, j’avais 19 ans, Sophie et Ségo avaient commencé d’étudier en fac de lettres, c’était le premier exemple de texte homosexuel qui m’arrivait,
des mots échoués sur ce qu’étaient mes tristes plages
je marchais en sentinelle sans comprendre que j’avais soif
un océan à ma portée et j’avais soif
j’ai lu pourtant,
non pas le livre mais les pages,
frénétiquement
j’ai cherché les passages qui décrivaient les scènes de sexe,
Sophie/Ségo en plaisantaient, comment cacher mon trouble encore ?
je ne savais même pas ce que je cherchais, j’étais comme un affamé à qui l’on présente un buffet mais sans savoir qu’il est affamé, on lui montre juste la nourriture et il doit continuer à se cacher parce qu’en lui même, il a honte de sa faim, de son état d’inanition
je n’ai même pas acheté le livre
je ne pourrais pas expliquer cette paresse mais je perçois que c’était de la paresse, non pas simplement un épuisement
il y a en moi (en nous
tous)
une indolence
elle est plus forte en moi sans doute, polarité qui va
et vient, mes phases de lune sont déglinguées, j’apprends encore à suivre, à les marquer, je sais que c’est futile
je m’attable donc enfin