s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne s’habituer à une nouvelle chambre - Antoine Vigne
Comme un fantôme qui vous hante.
Mais bienveillant. Et accueillant. Et magnifique dans son austère indifférence. Il n’y avait pas à lutter contre lui, juste apprendre à le connaître, et réaliser que c’était lui qui changeait, doucement, tranquillement, à un rythme qu’il était parfois impossible de percevoir mais dont le glissement rendait souvent flagrante la permanence de l’être.
Le Vent des plaines, 2018 (extrait)
peut-être as-tu raison de t’en aller
sans rien me dire
Luisance, (extrait)
Le bus partit et Juan le regarda s’éloigner vers l’autoroute dans un brouillard de poussière sèche. Il ouvrit le paquet, y trouvant une petite toile brodée où il reconnut immédiatement le mur frontière, les courbes de niveaux, les routes qui remontaient depuis Nogales et un écrou fracturé qui surplombait le tout et qui pouvait représenter à la fois la libération et la séparation. Ou peut-être les rêves brisés qui constituaient un nouveau départ à partir du moment où on le choisissait. Et, au-dessous de l’ensemble, Carmen avait placé quelques mots tout simples mais où il reconnut une phrase qu’il avait prononcée devant elle : « Les chauves-souris s’envolent vers les étoiles. » Et il se mit à pleurer.
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
la plage devant moi, la fin du territoire, la fin du continent, la terre qui devient sable, se fragmente, 
s’effrite, se désagrège puis disparaît sous l’eau, les vagues, l’écume, le mouvement perpétuel
j’ai toujours imaginé le début du monde ainsi :
des vagues qui s’abandonnent, la plage à perte de vue, le lien, le lieu de rencontre entre le liquide 
et le solide, l’échange et le reflux, l’union et la séparation, le soleil, l’astre, le silence, la lumière,
la non-conscience
l’être qui nait ne sait rien, il est attente, contemplation
désagrège, (extrait)
– J’ai dû changer, Abuelo.
– On ne change jamais tant que ça.
– Ça fait vingt ans. J’étais un enfant.
– Vingt ans, déjà ?
– Je suis désolé, Abuelo. »
Le grand-père posa sa main sur celle de son petit-fils.
« Je sais que tu vis loin. »
Il s’arrêta encore.
« Mais tu as eu raison de revenir. »
L’un et l’autre se turent pendant quelques instants.
« Tu veux un verre de mezcal ?
– À cette heure-ci ?
– On a bien le droit, une fois tous les vingt ans… »
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
« Cette histoire n’est rien. Un moment volé au temps. Quelques heures entre l’Atlantique et Détroit, suspendues dans la chaleur de l’été au-dessus de l’asphalte désagrégé des rues. Le rêve d’une ville en décadence, la vitrine de nos échecs et de nos faillites, le fossé dans lequel on ne cesse de jeter les corps dépecés des exclus et des abandonnés. Le monde tel qu’il est. Un chaos perpétuellement renouvelé que nous cherchons sans cesse à rationaliser pour lui donner un sens et satisfaire notre fantasme d’équilibre. Et au creux duquel nous inventons nos vies. »
Tout s’écoule, Éditions Bartillat, 2023 (extrait)
une photo sur Instagram,
ton fil qui s’évapore dans les montagnes fumeuses de Caroline du Nord
pourquoi l’as-tu postée au monde plutôt que de me la transmettre, à moi ?
quel égoïsme dans l’amour, quel égocentrisme (le mien)…
j’annule la possibilité de ton existence aux autres


te laisser reprendre ton souffle,
ne pas t’effrayer,
peut-être es-tu déjà mort à notre amour – quel droit ai-je de prononcer ce mot dans le doute –, à ce désir que tu inventes pour moi, je me laisse porter par le mirage
Luisance, (extrait)
En rentrant de Mother Disco - Antoine Vigne
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En rentrant de Mother Disco, les lumières des rues.
Une certaine quiétude sensuelle, mon corps encore dansant, encore heureux de l’énergie accumulée pendant les heures de grâce sur le dance-floor, les corps, les visages, les sourires échangés, la complicité d’un instant avec les yeux qu’on croise.
Et trouver à ce moment là la nouvelle des frappes sur l’Iran (que personne n’aura le courage de condamner). Et les injonctions de l’imbécile orange demandant une capitulation totale.
Collision des monde, des émotions.
Alors je pense à la phrase de Gandhi: “it’s always been a mystery how men can feel themselves honored by the humiliation of their fellow beings”. 
L’humiliation ne mène qu’à la haine et la rancoeur.
On ne construit rien de bon dessus.
Et j’abhorre l’hypocrisie de nos nations qui continuent de vouloir se réserver le droit de la force atomique et le refuser aux autres. Ne pas comprendre ce que cela représente aux yeux d’autres pays (j’allais dire «d’autres peuples» mais je n’aime pas ce que cela révèle de nos habitudes de séparer les êtres en catégories de population…)
Se justifier d’être le seul garant de la bonne conduite du monde reste arrogant. Un refus de l’autre.
Une vieille logique de colonisation.
Il faut le/la dénoncer partout.
Abolir ce droit qui en est pas un.
Ironie tragique que ceux qui disent croire au «tu ne tueras pas» de leurs Commandements soient aussi ceux qui accumulent les armes dont le seul but est de tuer.
Ou de dominer, ce qui est la même chose: tuer la liberté qu’a l’autre d’être.
Seule idée humaine: la dénucléarisation totale.
Prélude à une désarmement plus général.
Si plus d’armes nous protégeaient des conflits, nous devrions être en paix et c’est le contraire qui se produit.
De la même manière, si plus de profit et d’argent devaient conduire à l’abolition de la pauvreté, nous serions dans un autre monde.
Les armes et le profit ne sont que des instruments de domination. Rien d’autre.

#3dollarbill #collisiondesmondes #dautreschemins #denuclearization #logiquededomination #mesnuits #motherdisco #notretemps
23 juin 2025
En lisant (saint) Augustin, hier : - Antoine Vigne

En lisant (saint) Augustin, hier :

comment puis-je en le lisant à la fois percevoir ce qui m’a construit, le jeune, la prière, la contemplation,
et en rejeter tout ce qui m’a abîmé, les injonctions, le rejet de la chair, la haine de la sensualité

pourquoi cette incapacité chez lui d’accepter qu’on ne contrôle pas tout, ni ses désirs, ni ses pensées, pourquoi penser que cette incapacité, plutôt qu’être une richesse, le siège de l’élan, de l’intuition, des émotions, du rapport au monde, est un dysfonctionnement qu’il faut mater? pourquoi ce refus de l’être?

Il entraine à sa suite des siècles d’abus commis par l’Eglise et une part immense de la tradition chrétienne envers des générations d’êtres humains auxquels on dit : ne vivez pas ce que vous êtes. Exactement comme on bandait les pieds des femmes à certaines époques de la civilisation chinoise: cultures de mort donc qui se prétendent être la vie. Renversement de la réalité, celui qui s’en extrait dit qu’il est la réalité. Chatoiement du mensonge. Le même dispositif est à l’oeuvre aujourd’hui dans les tendances réactionnaires de nos pays.

pourquoi avoir laissé un homme qui apparemment n’aimait pas sa sexualité ni sa vie nous expliquer qu’il fallait que nous abandonnions tous nos vies, nos corps?

ne pourrions-nous pas l’enterrer une bonne fois pour toutes… laisser sa voix mourir dans le désert? choisir ceux qui aiment plutôt que ceux qui disent aimer mais se détournent du seul amour qui existe, du seul désir qui compte.

choisir Pélage contre Augustin

(Retourne toi, Augustin, Antoine Vigne, 2025)

#homosexualité #religion
23 juin 2025
Guibert Pudeur et Impudeur - Antoine Vigne
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Hier soir, je regarde enfin La pudeur ou l’impudeur que je trouve magnifique évidemment, notamment ce que Christophe Honoré dont je visionne après le film un entretien appelle la violence, mais, dans les scènes où Guibert demande à ses tantes âgées ce qu’elles pensent du suicide, je trouve aussi une intimité folle, il leur parle comme à des êtres sensibles, il les interroge sur leur rapport au corps, notamment sa tante Suzanne qui peine lorsqu’elle est nourrie à la cuiller devant la caméra et qui, d’un souffle lorsqu’il lui demande ce qu’elle souhaiterait pour son anniversaire à venir, murmure un « un peu plus de temps à vivre » qui trahit à la fois la crainte de la fin et l’attachement à ce qui reste d’existence. Il nous défie aussi de le regarder, de vivre comme il vit, comme il a vécu, ne pas se laisser berner par les illusions que sont les convenances, on chie tous donc pourquoi se cacher, pourquoi ne pas parler de la maladie, pourquoi ne pas se montrer dans les diarrhées qui sont l’apanage de son angoisse, de la déliquescence du corps, pourquoi avoir peur de dire les choses, de les filmer, il sait que son entreprise est une philosophie, que les limites que nous posons à l’énoncé de ce qui peut se dire ou ne pas se dire agit comme une hache qu’on planterait dans un tronc, elle prépare la séparation, la dis-jonction, on ne peut vivre l’intimité qu’en disant tout, en montrant tout.
Et, pourtant, nous savons que nous ne montrons jamais tout. Non pas par duplicité mais par incapacité. On rejoint là l’un des grands enjeux de la littérature : comment mimer le réel, comment faire coller le récit à l’existence, comment détacher la narration de sa gangue à voie trop étroite comme un train qui passerait dans un tunnel, et l’épanouir dans une réalité où le chevauchement des perceptions ajuste en permanence la focale, la prise de vue, le panorama, comment aller au-delà des outils que nous, humanité, avons conçu et qui nous enferment. Comment sinon en commençant par montrer et regarder.

#film #hervéguibert #homosexualité #littérature
29 mai 2025
Encore plongé dans Guibert - Antoine Vigne

Encore plongé dans Guibert auquel je m’identifie momentanément. C’est toujours comme cela quand on lit un auteur qu’on aime. Peu à peu émergent des connivences, une proximité. J’ai fini de relire À l’ami, j’ai écouté un entretien de Christine Guibert, je regarde ses photos, je fais des recherches sur ses livres, je n’avais pas pris conscience qu’il y en avait tant, écrits sur une période courte, 15 ans à peine, les titres défilent, les essais, les romans, plusieurs ont tout de même été publiés de manière posthume mais cela ne change rien au temps qu’il lui a fallu pour produire cette somme. Évidemment, chaque fois, la même perplexité en sentant mes neurones se mettre à me comparer à lui, à son travail. Sur le site Recyclivre que je ne connaissais pas jusqu’ici et qui propose une économie solidaire et environnementale du livre d’occasion, je passe en revue les titres, avec l’envie de tout acheter, de me constituer la bibliothèque parfaite du lecteur guibertien, sachant qu’il faudra que je revienne à ses Parents, à l’Écriture photographique. Je pense à la photo que Jean a sur son mur, Les Escaliers, Eugene, Villa Médicis, qui date de 1988, accrochée le long de la poutre médiane, Guibert venait de mourrir lorsqu’il l’a acquise, lorsque nous étions ensemble, des années 1990 qui semblent à la fois lointaines et toutes proches, la lumière d’été sur la table où nous prenions le petit-déjeuner, les émissions de France Inter, cet été-là Laurence Boccolini avait concocté des matinées spéciales Eurovision, c’était joyeux, pétillant, ça coïncidait très exactement avec le point où se trouvait notre relation. Jean aimait Guibert plus que moi, il m’initiait, j’avais dû en lire trois ou quatre à l’époque mais la proximité de l’épidémie qui tuait encore faisait qu’il était difficile de ne pas éprouver de crainte en ingérant les descriptions de ses séjours à Claude Bernard, des tests qui ressemblaient à ceux qui m’avaient terrorisés lorsque je descendais à la station Saint-Jacques avec Gilles alors que nous n’avions pas de véritable raison de nous inquiéter mais comment aurait-il été possible de ne pas participer à l’angoisse du moment, nous étions juste à ce point où les traitements allaient faire basculer la perception de la maladie. Et, en relisant Guibert, Jarman, Haring, Bourdin, Patti Smith, je retrouve, mais atténuées, non pas la terreur, il est impossible de s’y replonger maintenant que la peur a disparu, mais les effluves d’un temps où se chevauchent les platanes sur les boulevards de Paris, les après-midis au Luxembourg entre les cours à l’institut d’histoire de l’art, mes allées-et-venues sur les quais à la poursuite de rencontres et du temps dont je ne savais pas quoi faire, la vision des péniches qui passent devant le Jardin des plantes, l’escalier sans fin qui mène à l’appartement de Jean, mes doutes sur l’avenir que je ravalais, incapable que j’étais de les regarder en face, de les interroger pour prendre des décisions, non, je suivais le fleuve et je le suivrais encore pendant des années, des décennies, avant de sentir la berge s’affermir. Me pas dans ceux de Guibert mais sans son assurance cynique, un regard froid sur le monde. Je ne savais pas lâcher le cocon.

#art #hervéguibert #homosexualité #photographie
28 mai 2025
Samedi soir, le Faust de Gounod - Antoine Vigne
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Samedi soir, le Faust de Gounod mis en scène par Heartbeat Opera au Baruch Performing Arts Center, dirigé par Jacob Ashworth, l’orchestre réduit à six ou sept musiciens, la volonté de simplifier, de rendre accessible, intelligible l’histoire, la pièce, de rendre sensible ce qui pouvait avoir vieilli, tout cela fonctionne bien, les dialogues insérés en anglais, les bouteilles de bière, les costumes qui n’en sont presque pas tant ils tendent à la banalité, il y a un côté brechtien aux mises en scène de Ashworth et Sarah Holdren, nous rappeler sans cesse que c’est un spectacle, nous rappeler le décalage de temps, de thème, l’histoire ne serait pas écrite comme cela aujourd’hui mais cela importe peu, et le personnage de Marguerite est vieillot lui aussi, tout comme l’ambition ratatinée de Faust, on ne perçoit pas bien l’urgence de leurs désirs, mais on perçoit son intensité, on perçoit l’amour de Valentin, le frère – il m’est impossible de ne pas être sensible à sa beauté physique, au décalage entre sa stature, son corps charpenté, habillé de bottes, en jeans, mimant tous les attributs de la masculinité américaine, celle qu’on a voulu aimer pendant le XXe siècle, celle qui disparait, qu’on va devoir reléguer dans un musée, elle n’est crédible que comme l’est encore celle du calme olympien de Tara et Twelve Oaks dans Autant en emporte le vent, mais on a encore le droit d’y succomber, de se laisser aller à un dernier élan de nostalgie pour ce qui nous a construit – et on devine bien le Mephisto derrière ses tenues poussées à l’outrance, mimant, elles, le queer contemporain, l’humour noir, l’humour cynique et bon enfant, offrant un contrepoint à la bien-pensance bigote de Marguerite. Et, pourtant, malgré tout cela, lorsque survient l’aria final qui sauve, la musique fonctionne, elle nous emporte, elle nous conquiert, on se laisse plonger dans la possibilité du miracle, de la rédemption, de la victoire du bien contre le mal, et le portrait final, le couple gay de Marguerite et Siebel qui embrasse entièrement sa féminité (le personnage du garçon amoureux était écrit en mezzo soprano par Gounod, un pressentiment d’homosexualité?).

#homosexualité #opera #queer
27 mai 2025
Au détour de recherches - Antoine Vigne

Au détour de recherches, je lis sur Mauriac, puis sur Jouhandeau.
Je reconnais chez eux les tortures de la sensualité qui ne peut pas se libérer du carcan où elle a été enfermée, soumise à une vérité dominatrice, totalitaire, aux préceptes, à l’idée de Dieu, engoncée dans le vocabulaire de la faute, de la pureté, et qui s’invente, dans le mysticisme, une voie de salut. De survie serait sans doute plus juste. Elle cherche l’incarnation dans les entre-deux, le soleil perçant aveuglément dans les nuages, c’est un vol qui ne trouve jamais le grand bleu mais des éblouissements rassurants, réconfortants après les nuits d’orage, après les grêles intenses, le désir et l’amour ne les lâchent jamais.

Cette citation de Jouhandeau :

“Je ne devrais plus penser qu’à Dieu et quelqu’un me dispute à Lui, comme si l’Océan sortait de son lit pour l’amour d’un rocher contre lequel il ne saurait que se briser ou comme si mon regard oubliait le Ciel pour suivre un nuage”.

C’est déchirant.

et puis cette phrase aussi:

“On ne peut adorer l’Éternel sans laisser d’être sensible aux idoles qu’il est permis de toucher.”

D’autres passages fabuleux dans la correspondance entre Leiris et Jouhandeau qui ont été amants
Leiris dans une lettre à Jouhandeau en 1926:

“le silence – image de l’absolu – pouvait seul donner une idée de la façon dont m’avaient frappé tes paroles. Je n’ai pas cru devoir, par des vocables humains, essayer d’exprimer mon émotion, profonde comme un filet de sang dans la blancheur d’un os, liquide vivant serré entre les ais rigides de l’éternel. […] Notre amitié est située hors des lieux et des temps, sur la plage immense de l’absolu. Il y a des épaves, des albatros, des ossements de noyés. Il y a des trésors sortis des galions défoncés. Il y a des galets durs et polis comme des crânes, des vagues douces et monstrueuses”.

La poésie les sauve sans les racheter.
Impossible de ne pas penser aux ravages de la religion aujourd’hui encore. Derrière les atours de ce que réussit à extirper la souffrance à l’être.

#écrire #homosexualité #jouhandeau #journauxintimes #leiris #littérature #mauriac
23 mai 2025
à Roissy, une mère et son enfant, tous les deux ch… - Antoine Vigne
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à Roissy, une mère et son enfant, tous les deux chaussés de baskets Vuitton, le sac Vuitton, lui râle, il ne veut pas embarquer, pas rentrer aux États-Unis,
tu as ton expo demain , « your art show », ce sera bien
et puis elle ajoute:
tu leur diras que tu as vu l’expo Hockney en personne.. .
petit orgueil qui cherche à se propager,
je me rends compte que la femme aux cheveux blancs devant eux, dans un pantalon ultra large, est la mère de la mère, elles échangent des mots rapides, durs

par la fenêtre, je note Air Mali

dans la file d’embarquement du vol pour Washington à la porte suivante, une autre femme échange quelques mots avec un jeune mec, elle sans doute la soixantaine joyeuse, dynamique mais un peu défraichie, l’allure est imparfaite, lui la vingtaine souriante, il est poli, il répond puis il attend de passer à autre chose, on sent la gêne rapide qui flotte dans l’air puis ils se tournent l’un l’autre vers les grandes baies vitrées derrière lesquelles les avions décollent

je lis Denis Gombert, beau texte, léger et grave et gai dans le même temps, la vie en roue libre, les instants qui défilent à toute allure et les reflets qui changent à chaque mouvement, ça scintille de vie, comme lui

les images du pape Léon s’affichent sur les écrans, il s’est rendu sur la tombe de François, de bons échos jusqu’ici, une continuité sur la défense des plus démunis, le refus de la puissance, le front contre la stupidité des nationalismes arrogants

survolé Londres, tout était clair, limpide
envoyé un message à Danny

#carnetsdevoyage #carnetsintermittents #friends #littérature #notretemps #volderetour
14 mai 2025
En rentrant de Mother Disco - Antoine Vigne
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En rentrant de Mother Disco, les lumières des rues.
Une certaine quiétude sensuelle, mon corps encore dansant, encore heureux de l’énergie accumulée pendant les heures de grâce sur le dance-floor, les corps, les visages, les sourires échangés, la complicité d’un instant avec les yeux qu’on croise.
Et trouver à ce moment là la nouvelle des frappes sur l’Iran (que personne n’aura le courage de condamner). Et les injonctions de l’imbécile orange demandant une capitulation totale.
Collision des monde, des émotions.
Alors je pense à la phrase de Gandhi: “it’s always been a mystery how men can feel themselves honored by the humiliation of their fellow beings”. 
L’humiliation ne mène qu’à la haine et la rancoeur.
On ne construit rien de bon dessus.
Et j’abhorre l’hypocrisie de nos nations qui continuent de vouloir se réserver le droit de la force atomique et le refuser aux autres. Ne pas comprendre ce que cela représente aux yeux d’autres pays (j’allais dire «d’autres peuples» mais je n’aime pas ce que cela révèle de nos habitudes de séparer les êtres en catégories de population…)
Se justifier d’être le seul garant de la bonne conduite du monde reste arrogant. Un refus de l’autre.
Une vieille logique de colonisation.
Il faut le/la dénoncer partout.
Abolir ce droit qui en est pas un.
Ironie tragique que ceux qui disent croire au «tu ne tueras pas» de leurs Commandements soient aussi ceux qui accumulent les armes dont le seul but est de tuer.
Ou de dominer, ce qui est la même chose: tuer la liberté qu’a l’autre d’être.
Seule idée humaine: la dénucléarisation totale.
Prélude à une désarmement plus général.
Si plus d’armes nous protégeaient des conflits, nous devrions être en paix et c’est le contraire qui se produit.
De la même manière, si plus de profit et d’argent devaient conduire à l’abolition de la pauvreté, nous serions dans un autre monde.
Les armes et le profit ne sont que des instruments de domination. Rien d’autre.

#3dollarbill #collisiondesmondes #dautreschemins #denuclearization #logiquededomination #mesnuits #motherdisco #notretemps
23 juin 2025
En lisant (saint) Augustin, hier : - Antoine Vigne

En lisant (saint) Augustin, hier :

comment puis-je en le lisant à la fois percevoir ce qui m’a construit, le jeune, la prière, la contemplation,
et en rejeter tout ce qui m’a abîmé, les injonctions, le rejet de la chair, la haine de la sensualité

pourquoi cette incapacité chez lui d’accepter qu’on ne contrôle pas tout, ni ses désirs, ni ses pensées, pourquoi penser que cette incapacité, plutôt qu’être une richesse, le siège de l’élan, de l’intuition, des émotions, du rapport au monde, est un dysfonctionnement qu’il faut mater? pourquoi ce refus de l’être?

Il entraine à sa suite des siècles d’abus commis par l’Eglise et une part immense de la tradition chrétienne envers des générations d’êtres humains auxquels on dit : ne vivez pas ce que vous êtes. Exactement comme on bandait les pieds des femmes à certaines époques de la civilisation chinoise: cultures de mort donc qui se prétendent être la vie. Renversement de la réalité, celui qui s’en extrait dit qu’il est la réalité. Chatoiement du mensonge. Le même dispositif est à l’oeuvre aujourd’hui dans les tendances réactionnaires de nos pays.

pourquoi avoir laissé un homme qui apparemment n’aimait pas sa sexualité ni sa vie nous expliquer qu’il fallait que nous abandonnions tous nos vies, nos corps?

ne pourrions-nous pas l’enterrer une bonne fois pour toutes… laisser sa voix mourir dans le désert? choisir ceux qui aiment plutôt que ceux qui disent aimer mais se détournent du seul amour qui existe, du seul désir qui compte.

choisir Pélage contre Augustin

(Retourne toi, Augustin, Antoine Vigne, 2025)

#homosexualité #religion
23 juin 2025
Guibert Pudeur et Impudeur - Antoine Vigne
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Hier soir, je regarde enfin La pudeur ou l’impudeur que je trouve magnifique évidemment, notamment ce que Christophe Honoré dont je visionne après le film un entretien appelle la violence, mais, dans les scènes où Guibert demande à ses tantes âgées ce qu’elles pensent du suicide, je trouve aussi une intimité folle, il leur parle comme à des êtres sensibles, il les interroge sur leur rapport au corps, notamment sa tante Suzanne qui peine lorsqu’elle est nourrie à la cuiller devant la caméra et qui, d’un souffle lorsqu’il lui demande ce qu’elle souhaiterait pour son anniversaire à venir, murmure un « un peu plus de temps à vivre » qui trahit à la fois la crainte de la fin et l’attachement à ce qui reste d’existence. Il nous défie aussi de le regarder, de vivre comme il vit, comme il a vécu, ne pas se laisser berner par les illusions que sont les convenances, on chie tous donc pourquoi se cacher, pourquoi ne pas parler de la maladie, pourquoi ne pas se montrer dans les diarrhées qui sont l’apanage de son angoisse, de la déliquescence du corps, pourquoi avoir peur de dire les choses, de les filmer, il sait que son entreprise est une philosophie, que les limites que nous posons à l’énoncé de ce qui peut se dire ou ne pas se dire agit comme une hache qu’on planterait dans un tronc, elle prépare la séparation, la dis-jonction, on ne peut vivre l’intimité qu’en disant tout, en montrant tout.
Et, pourtant, nous savons que nous ne montrons jamais tout. Non pas par duplicité mais par incapacité. On rejoint là l’un des grands enjeux de la littérature : comment mimer le réel, comment faire coller le récit à l’existence, comment détacher la narration de sa gangue à voie trop étroite comme un train qui passerait dans un tunnel, et l’épanouir dans une réalité où le chevauchement des perceptions ajuste en permanence la focale, la prise de vue, le panorama, comment aller au-delà des outils que nous, humanité, avons conçu et qui nous enferment. Comment sinon en commençant par montrer et regarder.

#film #hervéguibert #homosexualité #littérature
29 mai 2025
Encore plongé dans Guibert - Antoine Vigne

Encore plongé dans Guibert auquel je m’identifie momentanément. C’est toujours comme cela quand on lit un auteur qu’on aime. Peu à peu émergent des connivences, une proximité. J’ai fini de relire À l’ami, j’ai écouté un entretien de Christine Guibert, je regarde ses photos, je fais des recherches sur ses livres, je n’avais pas pris conscience qu’il y en avait tant, écrits sur une période courte, 15 ans à peine, les titres défilent, les essais, les romans, plusieurs ont tout de même été publiés de manière posthume mais cela ne change rien au temps qu’il lui a fallu pour produire cette somme. Évidemment, chaque fois, la même perplexité en sentant mes neurones se mettre à me comparer à lui, à son travail. Sur le site Recyclivre que je ne connaissais pas jusqu’ici et qui propose une économie solidaire et environnementale du livre d’occasion, je passe en revue les titres, avec l’envie de tout acheter, de me constituer la bibliothèque parfaite du lecteur guibertien, sachant qu’il faudra que je revienne à ses Parents, à l’Écriture photographique. Je pense à la photo que Jean a sur son mur, Les Escaliers, Eugene, Villa Médicis, qui date de 1988, accrochée le long de la poutre médiane, Guibert venait de mourrir lorsqu’il l’a acquise, lorsque nous étions ensemble, des années 1990 qui semblent à la fois lointaines et toutes proches, la lumière d’été sur la table où nous prenions le petit-déjeuner, les émissions de France Inter, cet été-là Laurence Boccolini avait concocté des matinées spéciales Eurovision, c’était joyeux, pétillant, ça coïncidait très exactement avec le point où se trouvait notre relation. Jean aimait Guibert plus que moi, il m’initiait, j’avais dû en lire trois ou quatre à l’époque mais la proximité de l’épidémie qui tuait encore faisait qu’il était difficile de ne pas éprouver de crainte en ingérant les descriptions de ses séjours à Claude Bernard, des tests qui ressemblaient à ceux qui m’avaient terrorisés lorsque je descendais à la station Saint-Jacques avec Gilles alors que nous n’avions pas de véritable raison de nous inquiéter mais comment aurait-il été possible de ne pas participer à l’angoisse du moment, nous étions juste à ce point où les traitements allaient faire basculer la perception de la maladie. Et, en relisant Guibert, Jarman, Haring, Bourdin, Patti Smith, je retrouve, mais atténuées, non pas la terreur, il est impossible de s’y replonger maintenant que la peur a disparu, mais les effluves d’un temps où se chevauchent les platanes sur les boulevards de Paris, les après-midis au Luxembourg entre les cours à l’institut d’histoire de l’art, mes allées-et-venues sur les quais à la poursuite de rencontres et du temps dont je ne savais pas quoi faire, la vision des péniches qui passent devant le Jardin des plantes, l’escalier sans fin qui mène à l’appartement de Jean, mes doutes sur l’avenir que je ravalais, incapable que j’étais de les regarder en face, de les interroger pour prendre des décisions, non, je suivais le fleuve et je le suivrais encore pendant des années, des décennies, avant de sentir la berge s’affermir. Me pas dans ceux de Guibert mais sans son assurance cynique, un regard froid sur le monde. Je ne savais pas lâcher le cocon.

#art #hervéguibert #homosexualité #photographie
28 mai 2025
Samedi soir, le Faust de Gounod - Antoine Vigne
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Samedi soir, le Faust de Gounod mis en scène par Heartbeat Opera au Baruch Performing Arts Center, dirigé par Jacob Ashworth, l’orchestre réduit à six ou sept musiciens, la volonté de simplifier, de rendre accessible, intelligible l’histoire, la pièce, de rendre sensible ce qui pouvait avoir vieilli, tout cela fonctionne bien, les dialogues insérés en anglais, les bouteilles de bière, les costumes qui n’en sont presque pas tant ils tendent à la banalité, il y a un côté brechtien aux mises en scène de Ashworth et Sarah Holdren, nous rappeler sans cesse que c’est un spectacle, nous rappeler le décalage de temps, de thème, l’histoire ne serait pas écrite comme cela aujourd’hui mais cela importe peu, et le personnage de Marguerite est vieillot lui aussi, tout comme l’ambition ratatinée de Faust, on ne perçoit pas bien l’urgence de leurs désirs, mais on perçoit son intensité, on perçoit l’amour de Valentin, le frère – il m’est impossible de ne pas être sensible à sa beauté physique, au décalage entre sa stature, son corps charpenté, habillé de bottes, en jeans, mimant tous les attributs de la masculinité américaine, celle qu’on a voulu aimer pendant le XXe siècle, celle qui disparait, qu’on va devoir reléguer dans un musée, elle n’est crédible que comme l’est encore celle du calme olympien de Tara et Twelve Oaks dans Autant en emporte le vent, mais on a encore le droit d’y succomber, de se laisser aller à un dernier élan de nostalgie pour ce qui nous a construit – et on devine bien le Mephisto derrière ses tenues poussées à l’outrance, mimant, elles, le queer contemporain, l’humour noir, l’humour cynique et bon enfant, offrant un contrepoint à la bien-pensance bigote de Marguerite. Et, pourtant, malgré tout cela, lorsque survient l’aria final qui sauve, la musique fonctionne, elle nous emporte, elle nous conquiert, on se laisse plonger dans la possibilité du miracle, de la rédemption, de la victoire du bien contre le mal, et le portrait final, le couple gay de Marguerite et Siebel qui embrasse entièrement sa féminité (le personnage du garçon amoureux était écrit en mezzo soprano par Gounod, un pressentiment d’homosexualité?).

#homosexualité #opera #queer
27 mai 2025
Au détour de recherches - Antoine Vigne

Au détour de recherches, je lis sur Mauriac, puis sur Jouhandeau.
Je reconnais chez eux les tortures de la sensualité qui ne peut pas se libérer du carcan où elle a été enfermée, soumise à une vérité dominatrice, totalitaire, aux préceptes, à l’idée de Dieu, engoncée dans le vocabulaire de la faute, de la pureté, et qui s’invente, dans le mysticisme, une voie de salut. De survie serait sans doute plus juste. Elle cherche l’incarnation dans les entre-deux, le soleil perçant aveuglément dans les nuages, c’est un vol qui ne trouve jamais le grand bleu mais des éblouissements rassurants, réconfortants après les nuits d’orage, après les grêles intenses, le désir et l’amour ne les lâchent jamais.

Cette citation de Jouhandeau :

“Je ne devrais plus penser qu’à Dieu et quelqu’un me dispute à Lui, comme si l’Océan sortait de son lit pour l’amour d’un rocher contre lequel il ne saurait que se briser ou comme si mon regard oubliait le Ciel pour suivre un nuage”.

C’est déchirant.

et puis cette phrase aussi:

“On ne peut adorer l’Éternel sans laisser d’être sensible aux idoles qu’il est permis de toucher.”

D’autres passages fabuleux dans la correspondance entre Leiris et Jouhandeau qui ont été amants
Leiris dans une lettre à Jouhandeau en 1926:

“le silence – image de l’absolu – pouvait seul donner une idée de la façon dont m’avaient frappé tes paroles. Je n’ai pas cru devoir, par des vocables humains, essayer d’exprimer mon émotion, profonde comme un filet de sang dans la blancheur d’un os, liquide vivant serré entre les ais rigides de l’éternel. […] Notre amitié est située hors des lieux et des temps, sur la plage immense de l’absolu. Il y a des épaves, des albatros, des ossements de noyés. Il y a des trésors sortis des galions défoncés. Il y a des galets durs et polis comme des crânes, des vagues douces et monstrueuses”.

La poésie les sauve sans les racheter.
Impossible de ne pas penser aux ravages de la religion aujourd’hui encore. Derrière les atours de ce que réussit à extirper la souffrance à l’être.

#écrire #homosexualité #jouhandeau #journauxintimes #leiris #littérature #mauriac
23 mai 2025
à Roissy, une mère et son enfant, tous les deux ch… - Antoine Vigne
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à Roissy, une mère et son enfant, tous les deux chaussés de baskets Vuitton, le sac Vuitton, lui râle, il ne veut pas embarquer, pas rentrer aux États-Unis,
tu as ton expo demain , « your art show », ce sera bien
et puis elle ajoute:
tu leur diras que tu as vu l’expo Hockney en personne.. .
petit orgueil qui cherche à se propager,
je me rends compte que la femme aux cheveux blancs devant eux, dans un pantalon ultra large, est la mère de la mère, elles échangent des mots rapides, durs

par la fenêtre, je note Air Mali

dans la file d’embarquement du vol pour Washington à la porte suivante, une autre femme échange quelques mots avec un jeune mec, elle sans doute la soixantaine joyeuse, dynamique mais un peu défraichie, l’allure est imparfaite, lui la vingtaine souriante, il est poli, il répond puis il attend de passer à autre chose, on sent la gêne rapide qui flotte dans l’air puis ils se tournent l’un l’autre vers les grandes baies vitrées derrière lesquelles les avions décollent

je lis Denis Gombert, beau texte, léger et grave et gai dans le même temps, la vie en roue libre, les instants qui défilent à toute allure et les reflets qui changent à chaque mouvement, ça scintille de vie, comme lui

les images du pape Léon s’affichent sur les écrans, il s’est rendu sur la tombe de François, de bons échos jusqu’ici, une continuité sur la défense des plus démunis, le refus de la puissance, le front contre la stupidité des nationalismes arrogants

survolé Londres, tout était clair, limpide
envoyé un message à Danny

#carnetsdevoyage #carnetsintermittents #friends #littérature #notretemps #volderetour
14 mai 2025