Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne Le marketing, l’argent, la soumission qui gagnen… - Antoine Vigne
Comme un fantôme qui vous hante.
Mais bienveillant. Et accueillant. Et magnifique dans son austère indifférence. Il n’y avait pas à lutter contre lui, juste apprendre à le connaître, et réaliser que c’était lui qui changeait, doucement, tranquillement, à un rythme qu’il était parfois impossible de percevoir mais dont le glissement rendait souvent flagrante la permanence de l’être.
Le Vent des plaines, 2018 (extrait)
peut-être as-tu raison de t’en aller
sans rien me dire
Luisance, (extrait)
Le bus partit et Juan le regarda s’éloigner vers l’autoroute dans un brouillard de poussière sèche. Il ouvrit le paquet, y trouvant une petite toile brodée où il reconnut immédiatement le mur frontière, les courbes de niveaux, les routes qui remontaient depuis Nogales et un écrou fracturé qui surplombait le tout et qui pouvait représenter à la fois la libération et la séparation. Ou peut-être les rêves brisés qui constituaient un nouveau départ à partir du moment où on le choisissait. Et, au-dessous de l’ensemble, Carmen avait placé quelques mots tout simples mais où il reconnut une phrase qu’il avait prononcée devant elle : « Les chauves-souris s’envolent vers les étoiles. » Et il se mit à pleurer.
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
la plage devant moi, la fin du territoire, la fin du continent, la terre qui devient sable, se fragmente, 
s’effrite, se désagrège puis disparaît sous l’eau, les vagues, l’écume, le mouvement perpétuel
j’ai toujours imaginé le début du monde ainsi :
des vagues qui s’abandonnent, la plage à perte de vue, le lien, le lieu de rencontre entre le liquide 
et le solide, l’échange et le reflux, l’union et la séparation, le soleil, l’astre, le silence, la lumière,
la non-conscience
l’être qui nait ne sait rien, il est attente, contemplation
désagrège, (extrait)
– J’ai dû changer, Abuelo.
– On ne change jamais tant que ça.
– Ça fait vingt ans. J’étais un enfant.
– Vingt ans, déjà ?
– Je suis désolé, Abuelo. »
Le grand-père posa sa main sur celle de son petit-fils.
« Je sais que tu vis loin. »
Il s’arrêta encore.
« Mais tu as eu raison de revenir. »
L’un et l’autre se turent pendant quelques instants.
« Tu veux un verre de mezcal ?
– À cette heure-ci ?
– On a bien le droit, une fois tous les vingt ans… »
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
« Cette histoire n’est rien. Un moment volé au temps. Quelques heures entre l’Atlantique et Détroit, suspendues dans la chaleur de l’été au-dessus de l’asphalte désagrégé des rues. Le rêve d’une ville en décadence, la vitrine de nos échecs et de nos faillites, le fossé dans lequel on ne cesse de jeter les corps dépecés des exclus et des abandonnés. Le monde tel qu’il est. Un chaos perpétuellement renouvelé que nous cherchons sans cesse à rationaliser pour lui donner un sens et satisfaire notre fantasme d’équilibre. Et au creux duquel nous inventons nos vies. »
Tout s’écoule, Éditions Bartillat, 2023 (extrait)
une photo sur Instagram,
ton fil qui s’évapore dans les montagnes fumeuses de Caroline du Nord
pourquoi l’as-tu postée au monde plutôt que de me la transmettre, à moi ?
quel égoïsme dans l’amour, quel égocentrisme (le mien)…
j’annule la possibilité de ton existence aux autres


te laisser reprendre ton souffle,
ne pas t’effrayer,
peut-être es-tu déjà mort à notre amour – quel droit ai-je de prononcer ce mot dans le doute –, à ce désir que tu inventes pour moi, je me laisse porter par le mirage
Luisance, (extrait)
Belle soirée à Albertine autour de Guibert avec … - Antoine Vigne
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Belle soirée à Albertine autour de Guibert avec Garth Greenweel, Richie Hofmann et Jeffrey Zuckerman. La conversation va et vient autour de l’oeuvre, évoque le besoin de tout écrire avant la mort qui arrive au risque d’écrire trop vite, mais aussi la peur du désir, le journal comme écriture poétique dans sa fragmentation. Greenwell parle aussi de l’auto-fiction comme genre littéraire, sa non pertinence lorsqu’on relit l’histoire de la littérature depuis Saint-Augustin comme un chemin autour de l’autobiographie spirituelle qui trouve dans l’intimité du moi son ressort et son impulsion vers une réalité universelle. D’autres fantômes sont là, ceux de Whitman, de Virginia Woolf, de Joyce, ainsi que, pour moi, les souvenirs des années où je découvre Guibert sans savoir qui il est, ce qu’il représente. Je lis ses textes alors qu’il vient de mourir, je lis les articles qui paraissent, l’un sur lui, l’autre sur Mapplethorpe en 1991 ou 1992 dans l’Encyclopedia Universalis de mes parents, je ne sais pas encore ce qui me lie à eux mais je me sais lié. Aux mots, aux images, au temps qui passe, à l’idée du Keller aussi dont je ne sais pas non plus ce qu’il est mais dont l’image m’obsède – un club où je n’irais jamais en fait. Plus tard, je rentre par Central Park, par les Rambles, la nuit est étrangement chaude pour cette fin octobre, comme partout. Les buissons bruissent comme autrefois. Je rentre, je lis Le Jeune Homme d’Annie Ernaux puisqu’on a parlé d’elle, je suis ébloui par la clarté de l’intimité qui se dévoile, qui dit en quelques mots l’idée fluctuante et fugitive du couple. Jonathan est près de moi, nous écoutons Frankie Valli sans que je sache pourquoi. Les fantômes passent.

#26octobre2022 #albertinebooks #annieernaux #autobiographiespirituelle #confessions #frankievalli #garthgreenwell #hervéguibert #homosexualité #intimité #jamesjoyce #jeffreyzuckerman #littérature #mapplethorpe #poésie #richiehofmann #saintaugustin #virginiawoolf
26 octobre 2022
Quelques marqueurs des semaines qui passent: Wozze… - Antoine Vigne
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Quelques marqueurs des semaines qui passent: Wozzek dans une version scénique à Carnegie Hall avec Nicholas (l’économie de mots au service de l’intensité qui se fond dans les pleurs, les fureurs, les moments d’apaisement qui ne durent jamais et la folie. Le son de l’orchestre utilisé comme une caisse de résonance à toutes les tragédies de l’existence, la pauvreté, l’absurdité de la guerre, la prostitution, la violence envers les femmes, la trahison, le savoir et la science qui s’érigent en arme de différenciation sociale et font peser le poids d’un esclavage inhumain sur les pauvres, les faibles, les vulnérables. On est entre Brecht et Fassbinder, dans un univers trop évidemment présent pour ne pas être douloureux mais sublime). Puis une présentation de Jennie Jones au Guggenheim avec Fred Moten, l’idée de l’intentionalité de l’oeuvre mise en question, et celle du cycle sans fin: quand Miles Davis joue le même morceau près de 2000 fois, les 1999 fois qui suivent la première sont une exploration et une critique de la première fois. Quelques galeries aussi, Walid Raad chez Paula Cooper et ses contes imagés, les photos d’Emmett Gowin chez Pace et ses paysages faits de la répétition du geste, la recherche du même, sans cesse. Et Michelle Stuart chez Lelong, la trace de la terre, du temps sur le papier de la manière la plus évidente qui soit. Et puis le travail sur le conte pour enfants avec Jean et Léa Louis, le roman qui commence à avancer. Les jours de printemps alternent avec les jours de fin d’hiver, le brouillard, la pluie.
L’autre soir, le film Drive my car de Ryusuke Hamaguchi, ses images lentes, les dialogues, la superposition de la pièce de Tchekhov, les drames et les incompréhensions qui empoisonnent la vie ou plutôt l’empêchent, j’ai envie de lire le texte de Murakami pour comprendre tout ce qui y est dit. Nos concerts du soir avec Jonathan, toutes lumières éteintes sur le canapé, à écouter la musique. Et mes compagnons de lecture: l’histoire de l’homosexualité de Florence Tamagne, Gide (les Faux-Monnayeurs, vieilli) et Walt Whitman, puissant de vitalité.

#andrégide #art #boskovhus #film #homosexualité #littérature #performingarts #poésieduquotidien #semaines #waltwhitman #wozzec
3 avril 2022
Continuer à penser à ce que j’ai ressenti en l… - Antoine Vigne
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Continuer à penser à ce que j’ai ressenti en lisant le Giovanni’s room de James Baldwin. La réalité n’est pas la même évidemment, le monde a changé mais il y a une tristesse, une impossibilité d’être, de se parler, de sortir du gouffre de l’homosexualité secrète, des parois où nos rôles genrés nous ont confinés. Il dit aussi cela, Baldwin, il parle de genre, de masculinité et de féminité. Il y a une modernité extraordinaire sur ce sujet tout comme il y a une forme de beauté passée dans le monde qu’il décrit et qui ne ressemble plus au nôtre. Mais il voit comme nous sommes enfermés dans des idées de nous-mêmes, de ce que nous devons être, dans les destins qu’on nous impose, qu’on plaque sur nous pendant l’enfance, quels qu’ils soient, tu seras bon, tu seras fort, tu seras un ingénieur ou un médecin, ou une tutrice, tu seras mon fils, ma fille, tu seras un homme, tu seras juste et honnête. On ne devient aucune de ces choses-là, on avance et on tangue, on cherche, on s’approche de ce que l’on veut être mais l’idée reste insaisissable parce qu’elle n’est qu’une idée justement, elle est figée, elle ne peut pas rendre compte de ce que nous sommes, un magma bouillonnant de désirs et d’angoisses, d’élans contrecarrés, de joies inattendues, de rencontres – oh, les rencontres, ce qui nous sauve – de désirs, surtout, encore, toujours, ce qui nous propulse et nous entraîne et nous fait dérailler aussi, souvent. L’aveugle qui marche au bord du précipice ou le mal-voyant qui ne voit que le coucher de soleil sur le canyon. Il faut aimer cet être, il faut le chérir, il faut le pleurer, il faut le comprendre, il faut avancer. Sans cesse. Sans choix. Présence au monde. Rien d’autre.

#homosexualité #jamesbaldwin #lecture #littérature #livres #logiquededomination #notretemps
4 novembre 2021
Je te lis, James Baldwin, à un moment où le mond… - Antoine Vigne
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Je te lis, James Baldwin, à un moment où le monde change, tant de choses semblent sombres et compliquées, l’avenir se dérobe, on est à la peine d’imaginer l’année à venir, les conséquences proches et lointaines des décisions qui n’en sont jamais vraiment, de la fuite en avant, d’un système politique qui bloque partout, qui se répand en invectives, en peurs, en fantasmes, en accusations de l’autre, toujours le même, l’étranger, l’immigré, celui qui menace l’identité, le quotidien, les habitudes, le monde dans lequel on a vécu, tout cela pour se masquer la face, se jouer la comédie, le monde a changé, il a déjà changé, il est autre, il est à l’image de ce que nous sommes, sans cesse mouvant, nous sommes sa tempête et son danger, sa rédemption et sa fragilité, sa beauté qui nous aveugle. Il y a une colère que je retrouve dans tes pages, une tristesse et une impossibilité à vivre, à être, les murs de nos sociétés sont les parois qui font rebondir l’écho de nos angoisses. Tu ne reconnaîtrais pas l’Amérique ni l’Europe d’aujourd’hui, ou si, tu en reconnaitrais les petitesses, les élans de bravade qui caractérisent notre besoin de ne pas voir que nous sommes fragiles, que nous ne savons pas vraiment, que, derrière nos civilisations, nos palais, nos cultures, nos certitudes, nos arrangements avec la vérité se cache souvent la peur, l’enfance, l’infantilisme de nos caprices. Je vois dans tes pages ce que nous étions, nous, homosexuels dans les années 1950, je contemple le chemin parcouru, les combats, les victoires, les joies, l’explosion de vitalité qui a suivi et qui continue d’illuminer le monde, mais je vois aussi le reste, les replis, le conservatisme, la haine, les Trump et les Zemmour, tous ceux qui suivent sans les suivre mais adoptent les mêmes thèmes, ici, ailleurs, l’Amérique qui, sous couvert de s’inquiéter d’éducation refuse de s’interroger sur l’esclavage et la domination et tout ce qui fait le quotidien de nos délires. Rien n’a changé finalement depuis que tu écrivais. C’est sans doute bien, c’est sans doute mal. L’humain et sombre et fabuleux et l’un ne va jamais sans l’autre.

#giovannisroom #homosexualité #jamesbaldwin #littérature #logiquededomination #matindelection #notretemps
3 novembre 2021
Dans Histoire de la violence d’Édouard Louis, l… - Antoine Vigne

Dans Histoire de la violence d’Édouard Louis, la superposition des récits, celui de la sœur et le sien, un mécanisme tout simple qui nous ramène sans cesse à cette impression de réalité comme si nous étions dans la chambre à écouter cette sœur parler dans la chambre d’à côté, que nous observions les réactions d’Édouard Louis pendant le temps qui s’écoule. Le récit est bouleversant d’intimité simple. Il y a la violence évidente, mais il y a aussi le choix de raconter une aventure d’un soir, notre sexualité d’hommes gays que le monde – ici, à travers les dépositions et les interrogations de la police – aime questionner comme si elle était folle, désordonnée, anormale. Et puis le regard sur Reda, la complexité du sentiment qu’il éprouve pour lui, encore entachée de désir pour une virilité crue – on se croit chez Genet -, symbole de l’emprise, apportant une autre lecture, plus psychologique, des événements. Et enfin ce rapport au reste de la société, à la police, à l’autorité, aux dominants, qui lui fait comprendre à lui, la victime, ou chercher à comprendre, ce par quoi son bourreau est passé pour le martyriser. Il voudrait s’identifier à lui mais il sait que c’est impossible. Le choix de raconter fait que c’est impossible, il a déjà rompu avec Reda, mais il peut encore raconter son ambiguïté, ses doutes, sa haine d’un système qui produit cette violence incontrôlable, qui la juge, la catalogue, la traite comme on traite les dysfonctionnements dans un système totalitaire. Sans humanité. Louis reste l’humain, le seul. Avec sa sœur et les amis de toujours. C’est puissant. Et magnifiquement écrit. C’est aussi émouvant de voir un écrivain atteindre si vite ce potentiel de poésie lourde dans ses mots. Cela me rappelle Sagan, et cela me fascine évidemment.

#books #editionsduseuil #edouardlouis #histoiredelaviolence #homosexualité #lecture #literature #littérature #livre #livres #logiquededomination #violence
10 février 2020
À Fire Island sur la plage, pendant le week-end, … - Antoine Vigne

À Fire Island sur la plage, pendant le week-end, une conversation avec Eric Grossman qui forme des travailleurs sociaux à Yeshiva University. Nous parlons de violences conjugales, d’exclusion. Il a une voix douce, posée, incroyablement calme, qui lui donne une aura d’autorité et donne envie de l’écouter malgré la brûlure du soleil qui monte dans le ciel d’été. Il explique enseigner notamment à des groupes de femmes juives orthodoxes qui ne peuvent pas suivre de cours dans un environnement mixte mais qui, dans le même temps, bravent les interdits et les habitudes de leurs communautés pour se retrouver sur ces bancs, à parler des problèmes des femmes battues ou de l’intégration des transsexuels. Et c’est fascinant. À l’exact opposé de la pensée française à propos de l’intégration et du refus du communautarisme. J’entends dans ma tête tous les arguments de ceux qui refuseraient de dispenser des cours à ces jeunes femmes exclues d’un monde d’hommes, qui invoqueraient la dignité de la personne pour justifier leur exclusion du système républicain. Mais je perçois que David a raison : l’essentiel est dans le partage d’un but, d’une mission, qui permet de transcender les différences de modes de vie, qui amène ces femmes à s’intégrer d’une autre manière, à venir parler de sujets anathèmes – des juives orthodoxes parlant de la sexualité trans… L’avenir du monde est là et non pas dans l’érection de codes que nous pensons universels mais qui ne font que promouvoir la primauté de notre propre système. Le dialogue est tout.

#avenirdumonde #communautarisme #conversationàfireisland #dialogue #dignitédelapersonne #ericgrossman #homosexualité #integration #minirécit #modèlesuniversels #orthodoxy #rencontresurlaplage #travailleursocial #yeshivauniversity
24 juillet 2019
Je viens de terminer Je suis en vie et tu ne m’e… - Antoine Vigne

Je viens de terminer Je suis en vie et tu ne m’entends pas de Daniel Arsand et j’ai été bouleversé. C’est un roman qui vous prend aux tripes, qui vous accroche à l’histoire de Klaus Hirschkuh depuis sa sortie de Buchenwald et vous entraîne dans son sillage. On le suit malgré la souffrance, la déchéance, l’impossibilité de retrouver le monde qui était le sien. Klaus a été envoyé en camp avec le numéro 175 sur sa veste, le numéro attribué aux homosexuels que tout le monde se plaît à détester et qui seront les seuls à ne pas recevoir de réparations après le conflit. Comme si leur martyre n’avait pas eu d’importance. Mais Klaus survit, il revient, à Leipzig tout d’abord puis à Paris où il s’exile. On traverse les époques, les années 1940, 1950, 1960, 1970, 1980 même, et les émotions s’émoussent, permettent de se trouver un chemin. Elles n’effacent jamais complètement la réalité, la haine, le racisme sexuel auquel Daniel Arsand revient souvent parce qu’il est le cœur du roman, le cœur de ce qui nous a construits, nous, en tant qu’homosexuels et en tant que communauté dans des sociétés qui nous ont trop souvent haï. Les mots de Daniel Arsand sont rugueux, âpres. Ils hurlent comme une peau écorchée. Ils nous rappellent que les temps ne sont pas si loin où l’on envoyait les homos dans les camps, que les mêmes lâchetés sont à l’œuvre dans nos sociétés, dans les compromissions politiques, les rires mauvais, les discours des églises où il est si facile de rejeter les gays. Mais ce livre tend aussi vers la lumière parce que Klaus est humain. Il lutte. Il avance. À tâtons mais vers un avenir qui, bien qu’incertain et dangereux, est tout de même une promesse.

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14 mars 2019
Belle soirée à Albertine autour de Guibert avec … - Antoine Vigne
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Belle soirée à Albertine autour de Guibert avec Garth Greenweel, Richie Hofmann et Jeffrey Zuckerman. La conversation va et vient autour de l’oeuvre, évoque le besoin de tout écrire avant la mort qui arrive au risque d’écrire trop vite, mais aussi la peur du désir, le journal comme écriture poétique dans sa fragmentation. Greenwell parle aussi de l’auto-fiction comme genre littéraire, sa non pertinence lorsqu’on relit l’histoire de la littérature depuis Saint-Augustin comme un chemin autour de l’autobiographie spirituelle qui trouve dans l’intimité du moi son ressort et son impulsion vers une réalité universelle. D’autres fantômes sont là, ceux de Whitman, de Virginia Woolf, de Joyce, ainsi que, pour moi, les souvenirs des années où je découvre Guibert sans savoir qui il est, ce qu’il représente. Je lis ses textes alors qu’il vient de mourir, je lis les articles qui paraissent, l’un sur lui, l’autre sur Mapplethorpe en 1991 ou 1992 dans l’Encyclopedia Universalis de mes parents, je ne sais pas encore ce qui me lie à eux mais je me sais lié. Aux mots, aux images, au temps qui passe, à l’idée du Keller aussi dont je ne sais pas non plus ce qu’il est mais dont l’image m’obsède – un club où je n’irais jamais en fait. Plus tard, je rentre par Central Park, par les Rambles, la nuit est étrangement chaude pour cette fin octobre, comme partout. Les buissons bruissent comme autrefois. Je rentre, je lis Le Jeune Homme d’Annie Ernaux puisqu’on a parlé d’elle, je suis ébloui par la clarté de l’intimité qui se dévoile, qui dit en quelques mots l’idée fluctuante et fugitive du couple. Jonathan est près de moi, nous écoutons Frankie Valli sans que je sache pourquoi. Les fantômes passent.

#26octobre2022 #albertinebooks #annieernaux #autobiographiespirituelle #confessions #frankievalli #garthgreenwell #hervéguibert #homosexualité #intimité #jamesjoyce #jeffreyzuckerman #littérature #mapplethorpe #poésie #richiehofmann #saintaugustin #virginiawoolf
26 octobre 2022
Quelques marqueurs des semaines qui passent: Wozze… - Antoine Vigne
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Quelques marqueurs des semaines qui passent: Wozzek dans une version scénique à Carnegie Hall avec Nicholas (l’économie de mots au service de l’intensité qui se fond dans les pleurs, les fureurs, les moments d’apaisement qui ne durent jamais et la folie. Le son de l’orchestre utilisé comme une caisse de résonance à toutes les tragédies de l’existence, la pauvreté, l’absurdité de la guerre, la prostitution, la violence envers les femmes, la trahison, le savoir et la science qui s’érigent en arme de différenciation sociale et font peser le poids d’un esclavage inhumain sur les pauvres, les faibles, les vulnérables. On est entre Brecht et Fassbinder, dans un univers trop évidemment présent pour ne pas être douloureux mais sublime). Puis une présentation de Jennie Jones au Guggenheim avec Fred Moten, l’idée de l’intentionalité de l’oeuvre mise en question, et celle du cycle sans fin: quand Miles Davis joue le même morceau près de 2000 fois, les 1999 fois qui suivent la première sont une exploration et une critique de la première fois. Quelques galeries aussi, Walid Raad chez Paula Cooper et ses contes imagés, les photos d’Emmett Gowin chez Pace et ses paysages faits de la répétition du geste, la recherche du même, sans cesse. Et Michelle Stuart chez Lelong, la trace de la terre, du temps sur le papier de la manière la plus évidente qui soit. Et puis le travail sur le conte pour enfants avec Jean et Léa Louis, le roman qui commence à avancer. Les jours de printemps alternent avec les jours de fin d’hiver, le brouillard, la pluie.
L’autre soir, le film Drive my car de Ryusuke Hamaguchi, ses images lentes, les dialogues, la superposition de la pièce de Tchekhov, les drames et les incompréhensions qui empoisonnent la vie ou plutôt l’empêchent, j’ai envie de lire le texte de Murakami pour comprendre tout ce qui y est dit. Nos concerts du soir avec Jonathan, toutes lumières éteintes sur le canapé, à écouter la musique. Et mes compagnons de lecture: l’histoire de l’homosexualité de Florence Tamagne, Gide (les Faux-Monnayeurs, vieilli) et Walt Whitman, puissant de vitalité.

#andrégide #art #boskovhus #film #homosexualité #littérature #performingarts #poésieduquotidien #semaines #waltwhitman #wozzec
3 avril 2022
Continuer à penser à ce que j’ai ressenti en l… - Antoine Vigne
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Continuer à penser à ce que j’ai ressenti en lisant le Giovanni’s room de James Baldwin. La réalité n’est pas la même évidemment, le monde a changé mais il y a une tristesse, une impossibilité d’être, de se parler, de sortir du gouffre de l’homosexualité secrète, des parois où nos rôles genrés nous ont confinés. Il dit aussi cela, Baldwin, il parle de genre, de masculinité et de féminité. Il y a une modernité extraordinaire sur ce sujet tout comme il y a une forme de beauté passée dans le monde qu’il décrit et qui ne ressemble plus au nôtre. Mais il voit comme nous sommes enfermés dans des idées de nous-mêmes, de ce que nous devons être, dans les destins qu’on nous impose, qu’on plaque sur nous pendant l’enfance, quels qu’ils soient, tu seras bon, tu seras fort, tu seras un ingénieur ou un médecin, ou une tutrice, tu seras mon fils, ma fille, tu seras un homme, tu seras juste et honnête. On ne devient aucune de ces choses-là, on avance et on tangue, on cherche, on s’approche de ce que l’on veut être mais l’idée reste insaisissable parce qu’elle n’est qu’une idée justement, elle est figée, elle ne peut pas rendre compte de ce que nous sommes, un magma bouillonnant de désirs et d’angoisses, d’élans contrecarrés, de joies inattendues, de rencontres – oh, les rencontres, ce qui nous sauve – de désirs, surtout, encore, toujours, ce qui nous propulse et nous entraîne et nous fait dérailler aussi, souvent. L’aveugle qui marche au bord du précipice ou le mal-voyant qui ne voit que le coucher de soleil sur le canyon. Il faut aimer cet être, il faut le chérir, il faut le pleurer, il faut le comprendre, il faut avancer. Sans cesse. Sans choix. Présence au monde. Rien d’autre.

#homosexualité #jamesbaldwin #lecture #littérature #livres #logiquededomination #notretemps
4 novembre 2021
Je te lis, James Baldwin, à un moment où le mond… - Antoine Vigne
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Je te lis, James Baldwin, à un moment où le monde change, tant de choses semblent sombres et compliquées, l’avenir se dérobe, on est à la peine d’imaginer l’année à venir, les conséquences proches et lointaines des décisions qui n’en sont jamais vraiment, de la fuite en avant, d’un système politique qui bloque partout, qui se répand en invectives, en peurs, en fantasmes, en accusations de l’autre, toujours le même, l’étranger, l’immigré, celui qui menace l’identité, le quotidien, les habitudes, le monde dans lequel on a vécu, tout cela pour se masquer la face, se jouer la comédie, le monde a changé, il a déjà changé, il est autre, il est à l’image de ce que nous sommes, sans cesse mouvant, nous sommes sa tempête et son danger, sa rédemption et sa fragilité, sa beauté qui nous aveugle. Il y a une colère que je retrouve dans tes pages, une tristesse et une impossibilité à vivre, à être, les murs de nos sociétés sont les parois qui font rebondir l’écho de nos angoisses. Tu ne reconnaîtrais pas l’Amérique ni l’Europe d’aujourd’hui, ou si, tu en reconnaitrais les petitesses, les élans de bravade qui caractérisent notre besoin de ne pas voir que nous sommes fragiles, que nous ne savons pas vraiment, que, derrière nos civilisations, nos palais, nos cultures, nos certitudes, nos arrangements avec la vérité se cache souvent la peur, l’enfance, l’infantilisme de nos caprices. Je vois dans tes pages ce que nous étions, nous, homosexuels dans les années 1950, je contemple le chemin parcouru, les combats, les victoires, les joies, l’explosion de vitalité qui a suivi et qui continue d’illuminer le monde, mais je vois aussi le reste, les replis, le conservatisme, la haine, les Trump et les Zemmour, tous ceux qui suivent sans les suivre mais adoptent les mêmes thèmes, ici, ailleurs, l’Amérique qui, sous couvert de s’inquiéter d’éducation refuse de s’interroger sur l’esclavage et la domination et tout ce qui fait le quotidien de nos délires. Rien n’a changé finalement depuis que tu écrivais. C’est sans doute bien, c’est sans doute mal. L’humain et sombre et fabuleux et l’un ne va jamais sans l’autre.

#giovannisroom #homosexualité #jamesbaldwin #littérature #logiquededomination #matindelection #notretemps
3 novembre 2021
Dans Histoire de la violence d’Édouard Louis, l… - Antoine Vigne

Dans Histoire de la violence d’Édouard Louis, la superposition des récits, celui de la sœur et le sien, un mécanisme tout simple qui nous ramène sans cesse à cette impression de réalité comme si nous étions dans la chambre à écouter cette sœur parler dans la chambre d’à côté, que nous observions les réactions d’Édouard Louis pendant le temps qui s’écoule. Le récit est bouleversant d’intimité simple. Il y a la violence évidente, mais il y a aussi le choix de raconter une aventure d’un soir, notre sexualité d’hommes gays que le monde – ici, à travers les dépositions et les interrogations de la police – aime questionner comme si elle était folle, désordonnée, anormale. Et puis le regard sur Reda, la complexité du sentiment qu’il éprouve pour lui, encore entachée de désir pour une virilité crue – on se croit chez Genet -, symbole de l’emprise, apportant une autre lecture, plus psychologique, des événements. Et enfin ce rapport au reste de la société, à la police, à l’autorité, aux dominants, qui lui fait comprendre à lui, la victime, ou chercher à comprendre, ce par quoi son bourreau est passé pour le martyriser. Il voudrait s’identifier à lui mais il sait que c’est impossible. Le choix de raconter fait que c’est impossible, il a déjà rompu avec Reda, mais il peut encore raconter son ambiguïté, ses doutes, sa haine d’un système qui produit cette violence incontrôlable, qui la juge, la catalogue, la traite comme on traite les dysfonctionnements dans un système totalitaire. Sans humanité. Louis reste l’humain, le seul. Avec sa sœur et les amis de toujours. C’est puissant. Et magnifiquement écrit. C’est aussi émouvant de voir un écrivain atteindre si vite ce potentiel de poésie lourde dans ses mots. Cela me rappelle Sagan, et cela me fascine évidemment.

#books #editionsduseuil #edouardlouis #histoiredelaviolence #homosexualité #lecture #literature #littérature #livre #livres #logiquededomination #violence
10 février 2020
À Fire Island sur la plage, pendant le week-end, … - Antoine Vigne

À Fire Island sur la plage, pendant le week-end, une conversation avec Eric Grossman qui forme des travailleurs sociaux à Yeshiva University. Nous parlons de violences conjugales, d’exclusion. Il a une voix douce, posée, incroyablement calme, qui lui donne une aura d’autorité et donne envie de l’écouter malgré la brûlure du soleil qui monte dans le ciel d’été. Il explique enseigner notamment à des groupes de femmes juives orthodoxes qui ne peuvent pas suivre de cours dans un environnement mixte mais qui, dans le même temps, bravent les interdits et les habitudes de leurs communautés pour se retrouver sur ces bancs, à parler des problèmes des femmes battues ou de l’intégration des transsexuels. Et c’est fascinant. À l’exact opposé de la pensée française à propos de l’intégration et du refus du communautarisme. J’entends dans ma tête tous les arguments de ceux qui refuseraient de dispenser des cours à ces jeunes femmes exclues d’un monde d’hommes, qui invoqueraient la dignité de la personne pour justifier leur exclusion du système républicain. Mais je perçois que David a raison : l’essentiel est dans le partage d’un but, d’une mission, qui permet de transcender les différences de modes de vie, qui amène ces femmes à s’intégrer d’une autre manière, à venir parler de sujets anathèmes – des juives orthodoxes parlant de la sexualité trans… L’avenir du monde est là et non pas dans l’érection de codes que nous pensons universels mais qui ne font que promouvoir la primauté de notre propre système. Le dialogue est tout.

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24 juillet 2019
Je viens de terminer Je suis en vie et tu ne m’e… - Antoine Vigne

Je viens de terminer Je suis en vie et tu ne m’entends pas de Daniel Arsand et j’ai été bouleversé. C’est un roman qui vous prend aux tripes, qui vous accroche à l’histoire de Klaus Hirschkuh depuis sa sortie de Buchenwald et vous entraîne dans son sillage. On le suit malgré la souffrance, la déchéance, l’impossibilité de retrouver le monde qui était le sien. Klaus a été envoyé en camp avec le numéro 175 sur sa veste, le numéro attribué aux homosexuels que tout le monde se plaît à détester et qui seront les seuls à ne pas recevoir de réparations après le conflit. Comme si leur martyre n’avait pas eu d’importance. Mais Klaus survit, il revient, à Leipzig tout d’abord puis à Paris où il s’exile. On traverse les époques, les années 1940, 1950, 1960, 1970, 1980 même, et les émotions s’émoussent, permettent de se trouver un chemin. Elles n’effacent jamais complètement la réalité, la haine, le racisme sexuel auquel Daniel Arsand revient souvent parce qu’il est le cœur du roman, le cœur de ce qui nous a construits, nous, en tant qu’homosexuels et en tant que communauté dans des sociétés qui nous ont trop souvent haï. Les mots de Daniel Arsand sont rugueux, âpres. Ils hurlent comme une peau écorchée. Ils nous rappellent que les temps ne sont pas si loin où l’on envoyait les homos dans les camps, que les mêmes lâchetés sont à l’œuvre dans nos sociétés, dans les compromissions politiques, les rires mauvais, les discours des églises où il est si facile de rejeter les gays. Mais ce livre tend aussi vers la lumière parce que Klaus est humain. Il lutte. Il avance. À tâtons mais vers un avenir qui, bien qu’incertain et dangereux, est tout de même une promesse.

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14 mars 2019