Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne Cela s’éloigne un peu, cette journée à vélo dans l… - Antoine Vigne
Comme un fantôme qui vous hante.
Mais bienveillant. Et accueillant. Et magnifique dans son austère indifférence. Il n’y avait pas à lutter contre lui, juste apprendre à le connaître, et réaliser que c’était lui qui changeait, doucement, tranquillement, à un rythme qu’il était parfois impossible de percevoir mais dont le glissement rendait souvent flagrante la permanence de l’être.
Le Vent des plaines, 2018 (extrait)
peut-être as-tu raison de t’en aller
sans rien me dire
Luisance, (extrait)
Le bus partit et Juan le regarda s’éloigner vers l’autoroute dans un brouillard de poussière sèche. Il ouvrit le paquet, y trouvant une petite toile brodée où il reconnut immédiatement le mur frontière, les courbes de niveaux, les routes qui remontaient depuis Nogales et un écrou fracturé qui surplombait le tout et qui pouvait représenter à la fois la libération et la séparation. Ou peut-être les rêves brisés qui constituaient un nouveau départ à partir du moment où on le choisissait. Et, au-dessous de l’ensemble, Carmen avait placé quelques mots tout simples mais où il reconnut une phrase qu’il avait prononcée devant elle : « Les chauves-souris s’envolent vers les étoiles. » Et il se mit à pleurer.
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
la plage devant moi, la fin du territoire, la fin du continent, la terre qui devient sable, se fragmente, 
s’effrite, se désagrège puis disparaît sous l’eau, les vagues, l’écume, le mouvement perpétuel
j’ai toujours imaginé le début du monde ainsi :
des vagues qui s’abandonnent, la plage à perte de vue, le lien, le lieu de rencontre entre le liquide 
et le solide, l’échange et le reflux, l’union et la séparation, le soleil, l’astre, le silence, la lumière,
la non-conscience
l’être qui nait ne sait rien, il est attente, contemplation
désagrège, (extrait)
– J’ai dû changer, Abuelo.
– On ne change jamais tant que ça.
– Ça fait vingt ans. J’étais un enfant.
– Vingt ans, déjà ?
– Je suis désolé, Abuelo. »
Le grand-père posa sa main sur celle de son petit-fils.
« Je sais que tu vis loin. »
Il s’arrêta encore.
« Mais tu as eu raison de revenir. »
L’un et l’autre se turent pendant quelques instants.
« Tu veux un verre de mezcal ?
– À cette heure-ci ?
– On a bien le droit, une fois tous les vingt ans… »
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
« Cette histoire n’est rien. Un moment volé au temps. Quelques heures entre l’Atlantique et Détroit, suspendues dans la chaleur de l’été au-dessus de l’asphalte désagrégé des rues. Le rêve d’une ville en décadence, la vitrine de nos échecs et de nos faillites, le fossé dans lequel on ne cesse de jeter les corps dépecés des exclus et des abandonnés. Le monde tel qu’il est. Un chaos perpétuellement renouvelé que nous cherchons sans cesse à rationaliser pour lui donner un sens et satisfaire notre fantasme d’équilibre. Et au creux duquel nous inventons nos vies. »
Tout s’écoule, Éditions Bartillat, 2023 (extrait)
une photo sur Instagram,
ton fil qui s’évapore dans les montagnes fumeuses de Caroline du Nord
pourquoi l’as-tu postée au monde plutôt que de me la transmettre, à moi ?
quel égoïsme dans l’amour, quel égocentrisme (le mien)…
j’annule la possibilité de ton existence aux autres


te laisser reprendre ton souffle,
ne pas t’effrayer,
peut-être es-tu déjà mort à notre amour – quel droit ai-je de prononcer ce mot dans le doute –, à ce désir que tu inventes pour moi, je me laisse porter par le mirage
Luisance, (extrait)
Le Barbican, le béton toujours, une oasis en forte… - Antoine Vigne
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Le Barbican, le béton toujours, une oasis en forteresse au milieu de la ville. Je (re)-découvre Londres avec Danny, des jours joyeux, ensoleillés, les goûts communs pour les matériaux, l’architecture, la sensualité de l’espace et des rencontres. Danny en guide donc. Derek Jarman revient sans cesse, la référence à sa maison de Dungeoness, à son journal, le lien avec la quarantaine du Mpox pendant laquelle Danny lit ces textes, je me mets à lire le même récit de 1989, impossible de ne pas penser à d’autres journaux intimes, les Guibert, Lagarce, Keith Haring et tous les autres, tous écrits dans les années 80/90.

(J’écris ces mots samedi matin:
le sida = la mort gay, la mort sacrificielle du Christianisme, le poids des fautes présumées, à la fois celles de la promiscuité, de Sodome et du paradis perdu, et par ailleurs le péché d’indifférence de la société. En ce sens, les morts du sida achètent la bonne conscience d’une foule anxieuse de son confort moral. )

Le Barbican donc, comment n’étais-je jamais venu ici ? les coursives, les perspectives, les bassins, la fontaine, les murs romains qui veillent sur le côté. Je pourrais passer des heures à regarder, à aller d’un point de vue à l’autre, prendre des photos, il y a une perfection de la perspective enfermée, des lignes droites que neutralisent les voutes en berceau (l’anglais dit barrel vault donc voute en baril, c’est moins doux) surmontant le tout et se répétant dans divers éléments.

Pourquoi cet amour du béton: Danny répète qu’il est un matériau solide, brut, je le vois comme un matériau qui se désagrège aussi, je vois le sable qui le constitue, je vois les fers qui ressurgissent, je vois les bunkers que les plages puis l’océan enfouissent et engloutissent, je vois la couleur qui se fond dans le paysage, les lierres qui dégringolent sur la surface qui n’avait jamais été parfaitement lisse, je vois les aspérités tout autant que la matière qui résiste aux radiations.

 

#architecture #barbican #béton #carnetsdevoyage #friends #homosexualité #london #poèmesenbéton #sida
7 mai 2025
regarder une abeille quand elle pénètre dans la ch… - Antoine Vigne

regarder une abeille quand elle pénètre dans la chambre, non pas dans la pièce elle-même, elle reste sous l’encadrement de la fenêtre mais elle est à l’intérieur, face au carreau qu’elle semble inspecter, elle bourdonne, elle vole tranquillement, je la regarde, autrefois je me serais levé brusquement, je l’aurais chassée, mais j’ai appris à aimer les insectes, les observer, ne pas bouger, ne pas sentir de menace, elle ressort évidemment.

j’écoute à la radio le récit du procès de ceux qu’on appelle les papis braqueurs, j’avoue avoir de la sympathie pour eux, leur histoire, des chemins contrariés, ils parlent tous de leurs vies comme de vies ratées, c’est à la fois triste et beau, d’une beauté poétique à la Genet ou plutôt d’une beauté de la simplicité, parce que le bout du chemin est là, ou presque, ils sont tous âgés
mais je n’ai pas de sympathie pour la bague à 4 millions d’euros ni pour le système qui protège Kim Kardashian maintenant, pour les réseaux sociaux qui s’enflamment, est-il normal d’avoir de tels objets, de les étaler et de s’étonner qu’ils inspirent l’envie, l’amertume, le dégoût…

je marche le long de la Loire, les aubépines sont en fleurs comme jamais, sans doute le résultat de l’eau qui a gorgé les sols depuis des mois, je les sens à mesure que j’avance, je sais qu’il ne faut pas se pencher vers les fleurs, l’odeur devient amère lorsqu’elle est trop concentrée, elle doit voler au vent

les tamaris, les spirées, les lilas, tout est en fleurs

j’entends Olivier Guez qui parle de Princeton et de Trump, du deuil d’une Amérique qui n’est plus, je me demande toutefois si elle n’a pas toujours été un mythe et qu’en cela, elle perdure, dans le violence de ses contradictions, la violence de ses réactions, l’infinie beauté de ses paysages, on ne peut l’atteindre qu’en la parcourant, elle est un territoire autant qu’un peuple, peut-être est-il plus simple de la voir pour ce qu’elle est, le monstre qui vient toujours avec la puissance, la même monstruosité qui était là au Vietnam, ailleurs, partout , l’âme est un magma en fusion

 

#autoportraitsfragmentés #journéedeprintemps #notretemps
30 avril 2025
0417-4 Genet, je relis Genet, pour la troisième f… - Antoine Vigne

0417-4

Genet, je relis Genet, pour la troisième fois sans doute,
je reprends le Notre-Dame-des-Fleurs
je n’ai pas de souvenirs en fait, ou pas de souvenirs précis,
(du cisèlement des mots, de la prolixité de la phrase, les images, la présence constante de l’auteur, l’odeur de la prison, il est là, il vous le dit, il vous le répète, c’est du fantasme, la pure production de l’esprit,
c’est proprement exaltant, comment puis-je ne pas me souvenir de tout cela, la phrase de Proust mais plus livre encore, moins formelle, moins maniérée, moins maniériste, elle n’a pas peur de plonger non pas dans l’émotion mais dans la pulsion, dans la nature
cachée/voilée/extravertie quand on la laisse s’épandre, s’étendre, une explosion qui se fait floraison parce que les mots retiennent tout de même leur capacité à fleurir, la semence ne coule pas, invisible et transparente sur un ventre nu, non, à un moment, elle se retient dans la bouche de Genet et c’est
sublime)
j’étais avec Jean à l’époque
non,
la première fois, j’avais 19 ans, Sophie et Ségo avaient commencé d’étudier en fac de lettres, c’était le premier exemple de texte homosexuel qui m’arrivait,
des mots échoués sur ce qu’étaient mes tristes plages
je marchais en sentinelle sans comprendre que j’avais soif
un océan à ma portée et j’avais soif
j’ai lu pourtant,
non pas le livre mais les pages,
frénétiquement
j’ai cherché les passages qui décrivaient les scènes de sexe,
Sophie/Ségo en plaisantaient, comment cacher mon trouble encore ?
je ne savais même pas ce que je cherchais, j’étais comme un affamé à qui l’on présente un buffet mais sans savoir qu’il est affamé, on lui montre juste la nourriture et il doit continuer à se cacher parce qu’en lui même, il a honte de sa faim, de son état d’inanition
je n’ai même pas acheté le livre
je ne pourrais pas expliquer cette paresse mais je perçois que c’était de la paresse, non pas simplement un épuisement
il y a en moi (en nous
tous)
une indolence
elle est plus forte en moi sans doute, polarité qui va
et vient, mes phases de lune sont déglinguées, j’apprends encore à suivre, à les marquer, je sais que c’est futile

je m’attable donc enfin

 

#homosexualité #littérature
17 avril 2025
0417-2 Saint-Laurent. Hier soir, je regarde sur A… - Antoine Vigne

0417-2

Saint-Laurent. Hier soir, je regarde sur Arte le documentaire sur le procès Klaus Barbie. Mai 1987. Je me demandais pourquoi je n’avais aucun souvenir de ce moment, ou simplement des images floues, le nom mais rien de précis. La date pourtant, deux semaines après la mort de mon père, nous avons dû suivre cela à la télé dans la grand salon, fantômes que nous étions
je ne revivrai qu’à la fin mai ou début juin, devant Scapin, la cour de la rue Franklin, mes camarades qui jouent (Laurent surtout), je les envie, mon corps me dit qu’ils vivent, le Rondo Veneziano emplit le soir qui tombe, je suis seul, adolescent, on m’a laissé venir (on=ma mère sans doute), si j’étais parti ce soir-là, je crois que j’aurais vécu
point
ce que je raconte là, c’est d’abord l’histoire de ma sensualité

tous ceux qui parlent de Barbie parlent de ses yeux
aujourd’hui je vois Rubio, je vois Taylor Greene, je vois tous ceux qui collaborent
Steven Miller a le visage d’un sadique, aucune humanité sur ses traits

des visages pourtant, émergent, c’est toujours par les visages que l’histoire se fait: celui de Mohsen Mahdawi, l’étudiant palestinien arrêté
un autre, il n’est pas le premier mais il illumine la perversion du langage, des mots, on le nomme traitre et danger alors qu’il plaide l’entente, l’écoute, ne pas dire un mot plus haut que l’autre, voir les douleurs, entendre les souffrances, placer l’être avant l’idée, revenir à ce que nous sommes
fondamentalement :
des écorchés

la Palestine et son drapeau, un bout de tissu qui souffre mais les drapeaux ne sont rien d’autres que des chiffons qu’on agite dans le vent, ils disent nos peurs, notre besoin de communauté, la solitude
l’anglais sépare loneliness de solitude, l’une est subie, l’autre choisie
mais le français n’a pas ces pôles, tous deux contenus dans le même mot
le drapeau, emblème des solitudes donc, j’adule celui de ce pays qui n’existe pas, il trahit nos trahisons, les promesses non tenues, l’universalité des droits que l’on piétine
allègrement

 

#2025 #2025et1933 #absurditédelaguerre #carnetsintermittents #inanition1 #klausbarbiestevenmiller #logiquededomination #mohesnmahdawi #notretemps
17 avril 2025
diner avec G. que je retrouve sur la plage, j’aime… - Antoine Vigne

diner avec G. que je retrouve sur la plage, j’aime toujours lui parler. proximité de vues, fraternité d’esprit. il me parle de ses expériences de dépression et de la prise de venin de crapaud comme remède, un moment d’abandon de la pensée, ce qui rejoint exactement mon idée, aller au-delà de la méditation (qui est encore une direction de l’esprit qui se cherche un refuge contre lui-même) et embrasser la présence (brute?) dans l’univers, la présence libérée de la pensée, aller au-delà de la culture donc, savoir ne pas en avoir peur
beaucoup de rencontres, sur la plage, dans le village, Tsohil, Martin et Jean-François, Jorge, Jose, Florian et François, et puis Leon et Oliver
Eduardo et Dan et Adam comme tribu
les motos qui passent, le bruit de leur pétarade, elles laissent toujours la place aux chiens qui se baladent comme ils se souhaitent, cela crée un lien différent avec les êtres, l’espace est partagé, enfin, l’idée de domination, d’organisation se relâche, avec tout ce que cela entraîne, le non-fini, le non-tenté, et c’est très bien, l’océan reste l’océan, la lumière la lumière,
les manguiers se chargent de fruits qui tombent avant d’être murs, la chaleur annonce les mois d’été, des chats hurlent dans la nuit, faisant aboyer tous les chiens alentours,
je mange dans les échoppes, beau plat de poisson à Afe mais le plus charmant est la Mesita de Daniela que fréquente Adam
Sin nombre et tous les bars, notamment ceux de la plage dans lesquels je ne fais que passer, je préfère lire (étrangement?), m’allonger sur le lit et écouter les bruits de la nuit
même les couleurs s’endorment dans la poussière

 

#carnetsdevoyage #carnetsintermittents #minirécit #zipolite
15 mars 2025
il n’y a pas de frontières parce qu’elles sont tou… - Antoine Vigne

il n’y a pas de frontières parce qu’elles sont toutes inventées, parce qu’elles ont toutes bougées au cours de l’histoire, parce qu’elles relèvent de logique d’appropriations qui nient ce que nous sommes, des nomades qui passent dans ce monde,
l’accumulation (de terres, de biens), c’est la mort, la grande promesse du capitalisme et des nationalismes, des patriotismes, c’est l’appartenance mais l’appartenance inversée, ce ne sont pas les choses qui nous appartiennent, ce sont les choses qui nous possèdent, qui dictent nos conduites, nos peurs (de la dépossession)
le plus drôle, c’est que toutes les religions mettent en garde contre cela, contre la possession, et que tous les conservatismes se servent des religions pour définir exactement le contraire, pour définir l’élection (divine) par la possession, comme s’il pouvait y avoir élection lorsque l’existence du monde repose sur l’interpénétration du tout, sur l’idée contenue dans ces mêmes religions que le tout n’existe pas sans ses parties
alors oui, j’écoute Glissant quand il dit
“je n’aime pas l’idée que celui qui dirige le monde a le droit de dire le monde“
et, dans un moment, où la tentation pour l’Europe et tous les pays qui assistent à la folie trumpienne de se réarmer, entrer dans une course à la puissance se fait plus forte chaque jour, je dis que nous pouvons prendre d’autres chemins, proposer d’autres manières de faire corps, accepter enfin ce qui est : penser la lenteur contre la rapidité, penser la justice contre la violence, penser, la poésie contre l’explication rigide, impérative (comme les frontières, qu’elles miment, nos pensées changent, avancent, n’existent que comme un dialogue avec ce qui nous entoure,
il faut penser la pensée comme un chemin et non pas comme une grille, rejeter les territoires conquis parce qu’il n’existe pas de conquête, chaque jour ramène le même levant dont la clarté s’efface progressivement), penser l’union contre le morcellement et le morcellement contre l’union mais jamais l’un sans l’autre, revenir à la fragilité, protéger la lenteur qui seule donne sens à l’exaltation de la rapidité. ré-ingénier le tout-monde. savoir que ne pas participer c’est aussi vivre.

#absurditédelaguerre #carnetsdevoyage #littérature #logiquededomination
12 mars 2025
Le Barbican, le béton toujours, une oasis en forte… - Antoine Vigne
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Le Barbican, le béton toujours, une oasis en forteresse au milieu de la ville. Je (re)-découvre Londres avec Danny, des jours joyeux, ensoleillés, les goûts communs pour les matériaux, l’architecture, la sensualité de l’espace et des rencontres. Danny en guide donc. Derek Jarman revient sans cesse, la référence à sa maison de Dungeoness, à son journal, le lien avec la quarantaine du Mpox pendant laquelle Danny lit ces textes, je me mets à lire le même récit de 1989, impossible de ne pas penser à d’autres journaux intimes, les Guibert, Lagarce, Keith Haring et tous les autres, tous écrits dans les années 80/90.

(J’écris ces mots samedi matin:
le sida = la mort gay, la mort sacrificielle du Christianisme, le poids des fautes présumées, à la fois celles de la promiscuité, de Sodome et du paradis perdu, et par ailleurs le péché d’indifférence de la société. En ce sens, les morts du sida achètent la bonne conscience d’une foule anxieuse de son confort moral. )

Le Barbican donc, comment n’étais-je jamais venu ici ? les coursives, les perspectives, les bassins, la fontaine, les murs romains qui veillent sur le côté. Je pourrais passer des heures à regarder, à aller d’un point de vue à l’autre, prendre des photos, il y a une perfection de la perspective enfermée, des lignes droites que neutralisent les voutes en berceau (l’anglais dit barrel vault donc voute en baril, c’est moins doux) surmontant le tout et se répétant dans divers éléments.

Pourquoi cet amour du béton: Danny répète qu’il est un matériau solide, brut, je le vois comme un matériau qui se désagrège aussi, je vois le sable qui le constitue, je vois les fers qui ressurgissent, je vois les bunkers que les plages puis l’océan enfouissent et engloutissent, je vois la couleur qui se fond dans le paysage, les lierres qui dégringolent sur la surface qui n’avait jamais été parfaitement lisse, je vois les aspérités tout autant que la matière qui résiste aux radiations.

 

#architecture #barbican #béton #carnetsdevoyage #friends #homosexualité #london #poèmesenbéton #sida
7 mai 2025
regarder une abeille quand elle pénètre dans la ch… - Antoine Vigne

regarder une abeille quand elle pénètre dans la chambre, non pas dans la pièce elle-même, elle reste sous l’encadrement de la fenêtre mais elle est à l’intérieur, face au carreau qu’elle semble inspecter, elle bourdonne, elle vole tranquillement, je la regarde, autrefois je me serais levé brusquement, je l’aurais chassée, mais j’ai appris à aimer les insectes, les observer, ne pas bouger, ne pas sentir de menace, elle ressort évidemment.

j’écoute à la radio le récit du procès de ceux qu’on appelle les papis braqueurs, j’avoue avoir de la sympathie pour eux, leur histoire, des chemins contrariés, ils parlent tous de leurs vies comme de vies ratées, c’est à la fois triste et beau, d’une beauté poétique à la Genet ou plutôt d’une beauté de la simplicité, parce que le bout du chemin est là, ou presque, ils sont tous âgés
mais je n’ai pas de sympathie pour la bague à 4 millions d’euros ni pour le système qui protège Kim Kardashian maintenant, pour les réseaux sociaux qui s’enflamment, est-il normal d’avoir de tels objets, de les étaler et de s’étonner qu’ils inspirent l’envie, l’amertume, le dégoût…

je marche le long de la Loire, les aubépines sont en fleurs comme jamais, sans doute le résultat de l’eau qui a gorgé les sols depuis des mois, je les sens à mesure que j’avance, je sais qu’il ne faut pas se pencher vers les fleurs, l’odeur devient amère lorsqu’elle est trop concentrée, elle doit voler au vent

les tamaris, les spirées, les lilas, tout est en fleurs

j’entends Olivier Guez qui parle de Princeton et de Trump, du deuil d’une Amérique qui n’est plus, je me demande toutefois si elle n’a pas toujours été un mythe et qu’en cela, elle perdure, dans le violence de ses contradictions, la violence de ses réactions, l’infinie beauté de ses paysages, on ne peut l’atteindre qu’en la parcourant, elle est un territoire autant qu’un peuple, peut-être est-il plus simple de la voir pour ce qu’elle est, le monstre qui vient toujours avec la puissance, la même monstruosité qui était là au Vietnam, ailleurs, partout , l’âme est un magma en fusion

 

#autoportraitsfragmentés #journéedeprintemps #notretemps
30 avril 2025
0417-4 Genet, je relis Genet, pour la troisième f… - Antoine Vigne

0417-4

Genet, je relis Genet, pour la troisième fois sans doute,
je reprends le Notre-Dame-des-Fleurs
je n’ai pas de souvenirs en fait, ou pas de souvenirs précis,
(du cisèlement des mots, de la prolixité de la phrase, les images, la présence constante de l’auteur, l’odeur de la prison, il est là, il vous le dit, il vous le répète, c’est du fantasme, la pure production de l’esprit,
c’est proprement exaltant, comment puis-je ne pas me souvenir de tout cela, la phrase de Proust mais plus livre encore, moins formelle, moins maniérée, moins maniériste, elle n’a pas peur de plonger non pas dans l’émotion mais dans la pulsion, dans la nature
cachée/voilée/extravertie quand on la laisse s’épandre, s’étendre, une explosion qui se fait floraison parce que les mots retiennent tout de même leur capacité à fleurir, la semence ne coule pas, invisible et transparente sur un ventre nu, non, à un moment, elle se retient dans la bouche de Genet et c’est
sublime)
j’étais avec Jean à l’époque
non,
la première fois, j’avais 19 ans, Sophie et Ségo avaient commencé d’étudier en fac de lettres, c’était le premier exemple de texte homosexuel qui m’arrivait,
des mots échoués sur ce qu’étaient mes tristes plages
je marchais en sentinelle sans comprendre que j’avais soif
un océan à ma portée et j’avais soif
j’ai lu pourtant,
non pas le livre mais les pages,
frénétiquement
j’ai cherché les passages qui décrivaient les scènes de sexe,
Sophie/Ségo en plaisantaient, comment cacher mon trouble encore ?
je ne savais même pas ce que je cherchais, j’étais comme un affamé à qui l’on présente un buffet mais sans savoir qu’il est affamé, on lui montre juste la nourriture et il doit continuer à se cacher parce qu’en lui même, il a honte de sa faim, de son état d’inanition
je n’ai même pas acheté le livre
je ne pourrais pas expliquer cette paresse mais je perçois que c’était de la paresse, non pas simplement un épuisement
il y a en moi (en nous
tous)
une indolence
elle est plus forte en moi sans doute, polarité qui va
et vient, mes phases de lune sont déglinguées, j’apprends encore à suivre, à les marquer, je sais que c’est futile

je m’attable donc enfin

 

#homosexualité #littérature
17 avril 2025
0417-2 Saint-Laurent. Hier soir, je regarde sur A… - Antoine Vigne

0417-2

Saint-Laurent. Hier soir, je regarde sur Arte le documentaire sur le procès Klaus Barbie. Mai 1987. Je me demandais pourquoi je n’avais aucun souvenir de ce moment, ou simplement des images floues, le nom mais rien de précis. La date pourtant, deux semaines après la mort de mon père, nous avons dû suivre cela à la télé dans la grand salon, fantômes que nous étions
je ne revivrai qu’à la fin mai ou début juin, devant Scapin, la cour de la rue Franklin, mes camarades qui jouent (Laurent surtout), je les envie, mon corps me dit qu’ils vivent, le Rondo Veneziano emplit le soir qui tombe, je suis seul, adolescent, on m’a laissé venir (on=ma mère sans doute), si j’étais parti ce soir-là, je crois que j’aurais vécu
point
ce que je raconte là, c’est d’abord l’histoire de ma sensualité

tous ceux qui parlent de Barbie parlent de ses yeux
aujourd’hui je vois Rubio, je vois Taylor Greene, je vois tous ceux qui collaborent
Steven Miller a le visage d’un sadique, aucune humanité sur ses traits

des visages pourtant, émergent, c’est toujours par les visages que l’histoire se fait: celui de Mohsen Mahdawi, l’étudiant palestinien arrêté
un autre, il n’est pas le premier mais il illumine la perversion du langage, des mots, on le nomme traitre et danger alors qu’il plaide l’entente, l’écoute, ne pas dire un mot plus haut que l’autre, voir les douleurs, entendre les souffrances, placer l’être avant l’idée, revenir à ce que nous sommes
fondamentalement :
des écorchés

la Palestine et son drapeau, un bout de tissu qui souffre mais les drapeaux ne sont rien d’autres que des chiffons qu’on agite dans le vent, ils disent nos peurs, notre besoin de communauté, la solitude
l’anglais sépare loneliness de solitude, l’une est subie, l’autre choisie
mais le français n’a pas ces pôles, tous deux contenus dans le même mot
le drapeau, emblème des solitudes donc, j’adule celui de ce pays qui n’existe pas, il trahit nos trahisons, les promesses non tenues, l’universalité des droits que l’on piétine
allègrement

 

#2025 #2025et1933 #absurditédelaguerre #carnetsintermittents #inanition1 #klausbarbiestevenmiller #logiquededomination #mohesnmahdawi #notretemps
17 avril 2025
diner avec G. que je retrouve sur la plage, j’aime… - Antoine Vigne

diner avec G. que je retrouve sur la plage, j’aime toujours lui parler. proximité de vues, fraternité d’esprit. il me parle de ses expériences de dépression et de la prise de venin de crapaud comme remède, un moment d’abandon de la pensée, ce qui rejoint exactement mon idée, aller au-delà de la méditation (qui est encore une direction de l’esprit qui se cherche un refuge contre lui-même) et embrasser la présence (brute?) dans l’univers, la présence libérée de la pensée, aller au-delà de la culture donc, savoir ne pas en avoir peur
beaucoup de rencontres, sur la plage, dans le village, Tsohil, Martin et Jean-François, Jorge, Jose, Florian et François, et puis Leon et Oliver
Eduardo et Dan et Adam comme tribu
les motos qui passent, le bruit de leur pétarade, elles laissent toujours la place aux chiens qui se baladent comme ils se souhaitent, cela crée un lien différent avec les êtres, l’espace est partagé, enfin, l’idée de domination, d’organisation se relâche, avec tout ce que cela entraîne, le non-fini, le non-tenté, et c’est très bien, l’océan reste l’océan, la lumière la lumière,
les manguiers se chargent de fruits qui tombent avant d’être murs, la chaleur annonce les mois d’été, des chats hurlent dans la nuit, faisant aboyer tous les chiens alentours,
je mange dans les échoppes, beau plat de poisson à Afe mais le plus charmant est la Mesita de Daniela que fréquente Adam
Sin nombre et tous les bars, notamment ceux de la plage dans lesquels je ne fais que passer, je préfère lire (étrangement?), m’allonger sur le lit et écouter les bruits de la nuit
même les couleurs s’endorment dans la poussière

 

#carnetsdevoyage #carnetsintermittents #minirécit #zipolite
15 mars 2025
il n’y a pas de frontières parce qu’elles sont tou… - Antoine Vigne

il n’y a pas de frontières parce qu’elles sont toutes inventées, parce qu’elles ont toutes bougées au cours de l’histoire, parce qu’elles relèvent de logique d’appropriations qui nient ce que nous sommes, des nomades qui passent dans ce monde,
l’accumulation (de terres, de biens), c’est la mort, la grande promesse du capitalisme et des nationalismes, des patriotismes, c’est l’appartenance mais l’appartenance inversée, ce ne sont pas les choses qui nous appartiennent, ce sont les choses qui nous possèdent, qui dictent nos conduites, nos peurs (de la dépossession)
le plus drôle, c’est que toutes les religions mettent en garde contre cela, contre la possession, et que tous les conservatismes se servent des religions pour définir exactement le contraire, pour définir l’élection (divine) par la possession, comme s’il pouvait y avoir élection lorsque l’existence du monde repose sur l’interpénétration du tout, sur l’idée contenue dans ces mêmes religions que le tout n’existe pas sans ses parties
alors oui, j’écoute Glissant quand il dit
“je n’aime pas l’idée que celui qui dirige le monde a le droit de dire le monde“
et, dans un moment, où la tentation pour l’Europe et tous les pays qui assistent à la folie trumpienne de se réarmer, entrer dans une course à la puissance se fait plus forte chaque jour, je dis que nous pouvons prendre d’autres chemins, proposer d’autres manières de faire corps, accepter enfin ce qui est : penser la lenteur contre la rapidité, penser la justice contre la violence, penser, la poésie contre l’explication rigide, impérative (comme les frontières, qu’elles miment, nos pensées changent, avancent, n’existent que comme un dialogue avec ce qui nous entoure,
il faut penser la pensée comme un chemin et non pas comme une grille, rejeter les territoires conquis parce qu’il n’existe pas de conquête, chaque jour ramène le même levant dont la clarté s’efface progressivement), penser l’union contre le morcellement et le morcellement contre l’union mais jamais l’un sans l’autre, revenir à la fragilité, protéger la lenteur qui seule donne sens à l’exaltation de la rapidité. ré-ingénier le tout-monde. savoir que ne pas participer c’est aussi vivre.

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12 mars 2025