la beauté, ce mystère d’évolution, l’objet … - Antoine Vigne la beauté, ce mystère d’évolution, l’objet … - Antoine Vigne la beauté, ce mystère d’évolution, l’objet … - Antoine Vigne la beauté, ce mystère d’évolution, l’objet … - Antoine Vigne la beauté, ce mystère d’évolution, l’objet … - Antoine Vigne la beauté, ce mystère d’évolution, l’objet … - Antoine Vigne la beauté, ce mystère d’évolution, l’objet … - Antoine Vigne
Comme un fantôme qui vous hante.
Mais bienveillant. Et accueillant. Et magnifique dans son austère indifférence. Il n’y avait pas à lutter contre lui, juste apprendre à le connaître, et réaliser que c’était lui qui changeait, doucement, tranquillement, à un rythme qu’il était parfois impossible de percevoir mais dont le glissement rendait souvent flagrante la permanence de l’être.
Le Vent des plaines, 2018 (extrait)
peut-être as-tu raison de t’en aller
sans rien me dire
Luisance, (extrait)
Le bus partit et Juan le regarda s’éloigner vers l’autoroute dans un brouillard de poussière sèche. Il ouvrit le paquet, y trouvant une petite toile brodée où il reconnut immédiatement le mur frontière, les courbes de niveaux, les routes qui remontaient depuis Nogales et un écrou fracturé qui surplombait le tout et qui pouvait représenter à la fois la libération et la séparation. Ou peut-être les rêves brisés qui constituaient un nouveau départ à partir du moment où on le choisissait. Et, au-dessous de l’ensemble, Carmen avait placé quelques mots tout simples mais où il reconnut une phrase qu’il avait prononcée devant elle : « Les chauves-souris s’envolent vers les étoiles. » Et il se mit à pleurer.
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
la plage devant moi, la fin du territoire, la fin du continent, la terre qui devient sable, se fragmente, 
s’effrite, se désagrège puis disparaît sous l’eau, les vagues, l’écume, le mouvement perpétuel
j’ai toujours imaginé le début du monde ainsi :
des vagues qui s’abandonnent, la plage à perte de vue, le lien, le lieu de rencontre entre le liquide 
et le solide, l’échange et le reflux, l’union et la séparation, le soleil, l’astre, le silence, la lumière,
la non-conscience
l’être qui nait ne sait rien, il est attente, contemplation
désagrège, (extrait)
– J’ai dû changer, Abuelo.
– On ne change jamais tant que ça.
– Ça fait vingt ans. J’étais un enfant.
– Vingt ans, déjà ?
– Je suis désolé, Abuelo. »
Le grand-père posa sa main sur celle de son petit-fils.
« Je sais que tu vis loin. »
Il s’arrêta encore.
« Mais tu as eu raison de revenir. »
L’un et l’autre se turent pendant quelques instants.
« Tu veux un verre de mezcal ?
– À cette heure-ci ?
– On a bien le droit, une fois tous les vingt ans… »
American Dreamer, Éditions courtes et longues, 2019 (extrait)
« Cette histoire n’est rien. Un moment volé au temps. Quelques heures entre l’Atlantique et Détroit, suspendues dans la chaleur de l’été au-dessus de l’asphalte désagrégé des rues. Le rêve d’une ville en décadence, la vitrine de nos échecs et de nos faillites, le fossé dans lequel on ne cesse de jeter les corps dépecés des exclus et des abandonnés. Le monde tel qu’il est. Un chaos perpétuellement renouvelé que nous cherchons sans cesse à rationaliser pour lui donner un sens et satisfaire notre fantasme d’équilibre. Et au creux duquel nous inventons nos vies. »
Tout s’écoule, Éditions Bartillat, 2023 (extrait)
une photo sur Instagram,
ton fil qui s’évapore dans les montagnes fumeuses de Caroline du Nord
pourquoi l’as-tu postée au monde plutôt que de me la transmettre, à moi ?
quel égoïsme dans l’amour, quel égocentrisme (le mien)…
j’annule la possibilité de ton existence aux autres


te laisser reprendre ton souffle,
ne pas t’effrayer,
peut-être es-tu déjà mort à notre amour – quel droit ai-je de prononcer ce mot dans le doute –, à ce désir que tu inventes pour moi, je me laisse porter par le mirage
Luisance, (extrait)
Actualités
Star Wars hier soir… et je me réveille en pensa… - Antoine Vigne

Star Wars hier soir… et je me réveille en pensant à la valeur des grandes histoires épiques de notre époque, aux discours politiques qui se radicalisent, le bien et le mal comme deux camps opposés, deux camps entre lesquels on nous demande de choisir sans cesse, on n’appartient forcément à l’un ou à l’autre, Jedi ou Starship Trooper, fasciste ou allié, universaliste ou communautariste, pro et anti (avortement, trans, écologie, etc.). Même les immigrants sont classés entre bons et mauvais (légaux et illégaux). Et cela me ramène à héritage de l’idée de sainteté, l’idée de pureté, que toute demi-mesure nous rejette du côté de la tiédeur, qu’on doit être entier, certain de ses convictions, engagé dans le grand combat qui se joue pour rejoindre le camp des élus, des alliés (la même terminologie revient sans cesse dans les conflits contemporains). Alors que nous sommes l’inverse d’un roc, alors que nous vivons dans le temps qui nous pétrit et nous change en permanence, que nos émotions et nos jugements sont aussi la proie de nos états physiques, de la météo, de tant et tant de facteurs évolutifs. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de gouverne, de cap, de vérités, de convictions, de bien. Je dis simplement que, dans un monde où la radicalisation politique tient aussi à une conception du bien et du mal comme deux camps irréconciliables, il serait bon de ne pas se gaver de narrations qui abreuvent notre besoin de nous sentir “LE/LA” juste, de revenir à cette idée plus grecque de la tragédie où personne n’est véritablement bon, pas même les dieux. Qu’il n’y a pas de résolution finale, juste la poursuite d’une aventure chaotique où les moments d’illumination et d’apaisement coexistent avec des aspects plus sombres et nécessaires. Accepter ces aspects sombres en nous plutôt que chercher à les éradiquer, c’est mieux les contrôler, mieux vivre, moins mettre en danger l’autre de notre aspiration illusoire a une pureté qui n’existe pas. C’est refuser la guerre qui est toujours une manière de penser qu’il y a un bien et un mal évidents. Revenir à une échelle humaine, celle des vies à sauver plutôt que des camps à défendre.
#sainteté #sauverdesvies

#sainteté #sauverdesvies
29 décembre 2024
J’ai fini le livre de Jean, le récit de Pierre … - Antoine Vigne
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J’ai fini le livre de Jean, le récit de Pierre Apraxine, l’histoire d’une vie, les mots d’une rencontre, Pierre n’aurait pas écrit sans Jean et, pour ceux qui connaissent Jean comme moi, il y a cette double voix, l’extrême attention aux mots de celui qui s’efface, la pudeur des deux, celui qui livre sa vie, celui qui n’ose écrire que lorsque c’est pour un autre, les deux hantés par la littérature, par des destins contrariés, par des réponses qui manquent, par l’homosexualité douloureuse (même quand elle est rédemptrice), par le temps qu’il faut combattre. Et puis la capacité de penser l’image, d’en vivre les possibilités comme une certitude qui permet d’énoncer des narrations comme si elles étaient des vérités scientifiques tout en sachant qu’elles sont aussi des chimères, des raisonnements qu’on peut retourner lorsqu’on leur enlève leur aspect subjectif. Derrière ce regard en duo, il y a la conscience de l’incommunicabilité des choses, de la solitude, des joies que l’amitié autorise à essayer de partager même si c’est une illusion. Le texte est une histoire de la photographie, une histoire de New York à une certaine époque, une histoire du sida et ses ravages, une histoire de la Russie qui s’effondre, une histoire du XXe siècle, une histoire du pouvoir de la littérature, une histoire de la fin des territoires inconnus, des grandes explorations, une histoire à la fois ouverte et refermée. C’est un roman autant qu’une lettre à tous ceux que l’un et l’autre n’auront pas eu le temps de rencontrer. La photographie est là aussi, évidemment, elle comble les vides, elle donne chair à l’aventure, une raison de poursuivre la narration, une raison de continuer à espérer, une raison de vivre. Mais, comme le texte, elle reste mystérieuse. Silencieuse.
#pierreapraxine #limageavenir #editionscourtesetlongues #jeanpoderos

#editionscourtesetlongues #jeanpoderos #limageavenir #pierreapraxine
24 décembre 2024
Des notes sur le Dialogue des Carmélites au théâtr… - Antoine Vigne
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Des notes sur le Dialogue des Carmélites au théâtre des Champs Elysées la semaine dernière.
La musique de Poulenc d’abord. Des accents qui vont d’un mysticisme qui me rappelle Nadia Boulanger quand elle dirige le requiem de Fauré, les arches sombres des églises de la fin du XIXe et du début du XXe, de Montmartre au Saint-Esprit, des voutes en béton, la matière pèse, une école française de la musique, et jusqu’à Aaron Copland ou aux musiques d’Hollywood.
Le texte sublime mais je ne comprends pas pourquoi la première scène est-elle si plate, si pauvre dans l’écriture, elle n’ouvre à rien, elle se donne sans relief quand le reste du texte s’envole, manie le vide, le plein, le désir, la mortification, la violence – du temps, du corps, le refus de la sensualité,…
La voix de Véronique Gens (Madame Lidoine), Manon Lamaison (soeur Constance) et de Sathy Ratia (Chevalier de la Force).
La mise en scène d’Olivier Py, la justesse de la dernière scène malgré le son défaillant de la guillotine dans les hauts-parleurs qui nous surplombent et qui abime le moment, mais le mouvement des corps qui dansent leur mort et l’envolée mystique fonctionne. D’autres moments sont plus ambigus, notamment dans le rapport de Blanche avec son frère.
Mais l’ensemble est saisissant. Un monument encore. Le mysticisme de Poulenc me fascine dans sa relation troublée par l’homosexualité, la tension de l’émotion corporelle qui se sait ne pas pouvoir vivre l’intensité qui émane d’elle. Encore plus fasciné lorsque je pense aux discussions entre Poulenc et Samuel Barber, mêmes désirs, même élans, même secret douloureux que la musique exprime.

#dialoguedescarmélites #poulenc #georgesbernanos #opera #olivierpy #homosexualité #mysticisme #samuelbarber

#dialoguedescarmélites #georgesbernanos #homosexualité #mysticisme #olivierpy #opera #poulenc #samuelbarber
17 décembre 2024
la pauvreté, le dépouillement, la sobriété
év… - Antoine Vigne

la pauvreté, le dépouillement, la sobriété
évangéliques évidemment ces mots
mais où sont-ils dans le faste
où sont-ils dans l’invitation des puissants,
où sont-ils sous la lumière, les grands vitraux, les remerciements aux donateurs, aux riches,
où sont-ils face aux tenues de marque, celles des Brigitte Macron et autres, où sont-ils ces mots lorsque la cathèdre pèse des centaines de kilos pour asseoir l’autorité de l’évêque,
où est la réalité du monde, la faim, la guerre, les migrations, les morts en Méditerranée, le long du Rio Grande, où sont-ils, tous, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice ? qu’on ne me dise pas qu’il faut bien ceci cela, qu’il faut bien se plier à la loi du monde, qu’il faut bien remercier les riches, qu’il faut bien savoir se réjouir… ce n’est pas comme cela que je me réjouis, pas dans un faste imbécile qui nie le moment, qui nie la vérité, qui place aux premier rang les haineux et la représentation caricaturale de l’égoïsme (oui, l’imbécile orange mais il n’est pas le seul, il est simplement le fou qui révèle le reste, la marque de la bête, de l’orgueil, de la vanité, de la stupidité de ceux qui s’avachissent), ce n’est pas l’Eglise qu’on m’a promise, pas l’Eglise qu’on m’a enseignée, j’ai bien compris qu’elle n’existait pas, ou de manière si infime dans les rangs de ceux qu’on appelle les croyants, si invisible, si mal défendue par ses paires et ses pères et ses Pères, mais qu’attentez-vous pour reprendre le message? qu’attendez-vous pour vivre selon vos prêches, qu’attendez-vous pour vider ces bancs des beaux manteaux, qu’attendez-vous pour vous souvenir du message
de l’amour, la pauvreté, l’humilité
ce n’est pas Notre-Dame qu’il faut rebâtir, ce n’est pas elle qui est en feu… le miroir est déformant et vous riez.

9 décembre 2024
quand je vois Ursula van der Leyen signer l’acco… - Antoine Vigne

quand je vois Ursula van der Leyen signer l’accord sur le Mercosur : apparemment certains n’ont rien compris au film…
ailleurs, à New York, on assassine le dirigeant d’United Health Care, un gigantesque groupe d’assurance santé.
c’est ainsi que les révolutions commencent… par la colère qui devient violence.
tout est en équilibre instable et les institutions ne sont plus assez fortes pour empêcher la suite.
mais nous sommes tous coupables, nous tous qui vivons bien, qui voyageons sans nous poser de questions, qui acceptons le système parce qu’il nous privilégie, qui refusons de voir l’aberration de notre quotidien favorisé et ses liens au monde ayant créé cette situation, un monde pétri de colonisation économique, y compris dans nos propres pays.
je ne sais pas comment on lutte contre la colère de ceux qui n’ont pas assez, qui n’ont rien (une colère juste, mais la violence peut-elle être juste… je tend à penser qu’on peut au moins l’excuser, n’est-ce pas ce qu’on appelle les circonstances atténuantes?, avec tout ce que cela a d’inconfortable intellectuellement) mais ne pas voir que proner la stabilité, et les grands idéaux démocratiques quand ces idéaux ont été utilisé pour défendre un monde profondément inégalitaire, est une forme de violence, c’est être aveugle à ce qui se passe.
ceux qui veulent l’ordre et la paix aujourd’hui sont souvent les défenseurs d’un ordre ancien. et je comprends qu’on puisse avoir peur, qu’on puisse défendre la paix sociale parce qu’on sait que la déstabilisation du monde sera payée d’abord par ceux qui ont moins. mais l’équilibre a déjà été rompu. nous sommes dans l’après.

#après

#après
7 décembre 2024
Abdellah Taïa à la Maison française de NYU, en … - Antoine Vigne

Abdellah Taïa à la Maison française de NYU, en conversation avec Laure Adler. Sublime quand il parle du doute, du sentiment d’illégitimité dans l’écriture, dans la vie. Il parle de stratégies de survie,
il parle de sorcellerie pour lutter pour la pauvreté, pour déjouer le sort, et, dans cette sorcellerie, il y a les mots, il y a le récit, tout inventer, tout raconter, tout devient histoire,
il dit: “il n’y a pas plus atroce que la solitude”, il parle de sa famille, évidemment, de sa vie, la mère, les soeurs, le père, il parle de Salé, de Rabat, l’air change de Salé à Rabat, on y est forcément différent, forcément illégitime
ses mains bougent lorsqu’il parle, continuellement, il est beau, magnifique, il est envoutant, il dit ne pas avoir peur des sorcières, d’être sorcière, d’être ce qu’on est, ne pas gommer les aspects sombres, l’homosexualité aussi, même s’il faut apprendre à ne montrer que ce qui permet de survivre, mais ne pas nier le reste, ne pas en avoir peur, il y a des contradictions, peut-être, ou pas, mais ce n’est pas grave, elles font parfois du territoire mouvant qu’est l’existence dans laquelle s’érigent des monticules infranchissables entre les êtres
alors il parle de l’approfondissement des voix en soi, les voix plurielles, parfois des djinns, mais le plus souvent simplement des voix, il met en garde contre l’individualisation à outrance, le grand danger dans l’occident et le monde contemporain, ne plus savoir écouter la pluralité des voix, leurs cris contradictoires, la poésie qui en émerge, l’individu sacralisé est trop monolithique, sa souffrance trop rationnelle, il parle du danger de l’auto fiction, du danger des stratégies communautaires aussi quand elles ne sont axées que sur les blessures et non pas aussi sur le socle commun…

(Suite dans le post suivant)

#abdellahtaia #maisonsfrancaisenyu #litterature

#abdellahtaia #littérature #maisonsfrancaisenyu
6 décembre 2024
hier soir, l’hommage à Maryse Condé, Richard P… - Antoine Vigne
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hier soir, l’hommage à Maryse Condé, Richard Philcox parle avec une douceur infinie de sa vie à ses côtés, il emprunte pudiquement le territoire de la traduction pour parler de leur relation, des mots, des textes, de son respect pour l’oeuvre, de la fragilité de ce métier de translation, de réécriture à partir d’une langue vers une autre, le glissement forcément imparfait sur lequel on plaque trop souvent des impératifs politiques, idéologiques (un homme blanc pour traduire une femme noire, même s’ils vivent ensemble, forcément, ça coince, comme s’il ne devait y avoir qu’une seule version de la traduction, comme si telle traduction allait empêcher telle autre, suivante, d’advenir… où avons-nous hérité d’une telle rigidité, d’une telle peur du présent qui ne nie pas forcément l’avenir, d’autres idées, d’autres versions, on cherche tellement la justesse pour réparer toutes les injustices passées qu’on en oublie le temps auquel nous sommes tous soumis, la perspective qui se déroule sans fin).

mais la présence de Maryse Condé sur l’écran du documentaire perce, ses mots parfois difficilement prononcés, accrochés, est-ce l’âge qui tend la diction? elle se repose sur les textes, sur les portraits, le meurtre littéraire comme une nécessité pour déjouer le mauvais en nous, elle rit, elle parle de la Guadeloupe et de l’incompréhension du monde d’où elle vient, elle parle de l’exil nécessaire, de la rencontre comme antidote.

#marysecondé #richardphilcox #maisonfrancaisecolumbia

#maisonfrancaisecolumbia #marysecondé #richardphilcox
5 décembre 2024
un moment sombre 
“je n’ai aucune illusion sur… - Antoine Vigne

un moment sombre
“je n’ai aucune illusion sur ce qui vient”
le Sabbath Queen de Sandi Dubowski et la complexité de la réaction actuelle au monde qui se désagrège devant nos yeux
il dresse un portrait tortueux, tendre, ouvert, incertain de la spiritualité pour ceux qui se découvrent queer, qui cherchent un autre chemin, qui sont obligés de l’inventer parce que les modèles n’existent pas, parce que les religions se sont historiquement rigidifiées, codifiées, trahissant par là-même l’évanescent, le dieu de la brise, le feu du buisson, l’insaisissable. Amichai Lau-Lavie incarne le fleuve qui charrie les tempêtes, les berges, les sédiments accumulés, qui passe tous les barrages, qui s’infiltre dans les brèches causées par la douleur des injonctions, des rétrécissements imposés par le dogme, la loi, la lecture calcifiée des textes.
Pendant les questions/réponses qui suivent la séance à IFC, il navigue l’incertitude et la prudence (sagesse) avec une bonne dose d’humour, il choisit la tradition comme cadre tout en acceptant de le dilater sans cesse, de le torturer pour qu’il laisse de la place à l’humanité, ses humeurs, ses travers, ses émotions, l’errement comme une erreur et comme un chemin
beau film
belle figure
beau récit
l’intersection de l’histoire et du temps individuel, des nuages noirs qui s’accumulent sur nos démocraties,
et la collision du changement radical de prisme qu’amène/qu’impose l’époque avec la réaction/l’autoritaire qui cherche à préserver ce qui ne peut pas l’être: un monde passé et mort
“je choisis d’espérer quand même mais je n’ai aucune illusion sur ce qui vient, nous allons devoir survivre”
#sabbathqueen #amichailalavie #sandidubowski #religion #traditionetfanatisme #errer

#amichailalavie #errer #religion #sabbathqueen #sandidubowski #traditionetfanatisme
2 décembre 2024
Star Wars hier soir… et je me réveille en pensa… - Antoine Vigne

Star Wars hier soir… et je me réveille en pensant à la valeur des grandes histoires épiques de notre époque, aux discours politiques qui se radicalisent, le bien et le mal comme deux camps opposés, deux camps entre lesquels on nous demande de choisir sans cesse, on n’appartient forcément à l’un ou à l’autre, Jedi ou Starship Trooper, fasciste ou allié, universaliste ou communautariste, pro et anti (avortement, trans, écologie, etc.). Même les immigrants sont classés entre bons et mauvais (légaux et illégaux). Et cela me ramène à héritage de l’idée de sainteté, l’idée de pureté, que toute demi-mesure nous rejette du côté de la tiédeur, qu’on doit être entier, certain de ses convictions, engagé dans le grand combat qui se joue pour rejoindre le camp des élus, des alliés (la même terminologie revient sans cesse dans les conflits contemporains). Alors que nous sommes l’inverse d’un roc, alors que nous vivons dans le temps qui nous pétrit et nous change en permanence, que nos émotions et nos jugements sont aussi la proie de nos états physiques, de la météo, de tant et tant de facteurs évolutifs. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de gouverne, de cap, de vérités, de convictions, de bien. Je dis simplement que, dans un monde où la radicalisation politique tient aussi à une conception du bien et du mal comme deux camps irréconciliables, il serait bon de ne pas se gaver de narrations qui abreuvent notre besoin de nous sentir “LE/LA” juste, de revenir à cette idée plus grecque de la tragédie où personne n’est véritablement bon, pas même les dieux. Qu’il n’y a pas de résolution finale, juste la poursuite d’une aventure chaotique où les moments d’illumination et d’apaisement coexistent avec des aspects plus sombres et nécessaires. Accepter ces aspects sombres en nous plutôt que chercher à les éradiquer, c’est mieux les contrôler, mieux vivre, moins mettre en danger l’autre de notre aspiration illusoire a une pureté qui n’existe pas. C’est refuser la guerre qui est toujours une manière de penser qu’il y a un bien et un mal évidents. Revenir à une échelle humaine, celle des vies à sauver plutôt que des camps à défendre.
#sainteté #sauverdesvies

#sainteté #sauverdesvies
29 décembre 2024
J’ai fini le livre de Jean, le récit de Pierre … - Antoine Vigne
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J’ai fini le livre de Jean, le récit de Pierre Apraxine, l’histoire d’une vie, les mots d’une rencontre, Pierre n’aurait pas écrit sans Jean et, pour ceux qui connaissent Jean comme moi, il y a cette double voix, l’extrême attention aux mots de celui qui s’efface, la pudeur des deux, celui qui livre sa vie, celui qui n’ose écrire que lorsque c’est pour un autre, les deux hantés par la littérature, par des destins contrariés, par des réponses qui manquent, par l’homosexualité douloureuse (même quand elle est rédemptrice), par le temps qu’il faut combattre. Et puis la capacité de penser l’image, d’en vivre les possibilités comme une certitude qui permet d’énoncer des narrations comme si elles étaient des vérités scientifiques tout en sachant qu’elles sont aussi des chimères, des raisonnements qu’on peut retourner lorsqu’on leur enlève leur aspect subjectif. Derrière ce regard en duo, il y a la conscience de l’incommunicabilité des choses, de la solitude, des joies que l’amitié autorise à essayer de partager même si c’est une illusion. Le texte est une histoire de la photographie, une histoire de New York à une certaine époque, une histoire du sida et ses ravages, une histoire de la Russie qui s’effondre, une histoire du XXe siècle, une histoire du pouvoir de la littérature, une histoire de la fin des territoires inconnus, des grandes explorations, une histoire à la fois ouverte et refermée. C’est un roman autant qu’une lettre à tous ceux que l’un et l’autre n’auront pas eu le temps de rencontrer. La photographie est là aussi, évidemment, elle comble les vides, elle donne chair à l’aventure, une raison de poursuivre la narration, une raison de continuer à espérer, une raison de vivre. Mais, comme le texte, elle reste mystérieuse. Silencieuse.
#pierreapraxine #limageavenir #editionscourtesetlongues #jeanpoderos

#editionscourtesetlongues #jeanpoderos #limageavenir #pierreapraxine
24 décembre 2024
Des notes sur le Dialogue des Carmélites au théâtr… - Antoine Vigne
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Des notes sur le Dialogue des Carmélites au théâtre des Champs Elysées la semaine dernière.
La musique de Poulenc d’abord. Des accents qui vont d’un mysticisme qui me rappelle Nadia Boulanger quand elle dirige le requiem de Fauré, les arches sombres des églises de la fin du XIXe et du début du XXe, de Montmartre au Saint-Esprit, des voutes en béton, la matière pèse, une école française de la musique, et jusqu’à Aaron Copland ou aux musiques d’Hollywood.
Le texte sublime mais je ne comprends pas pourquoi la première scène est-elle si plate, si pauvre dans l’écriture, elle n’ouvre à rien, elle se donne sans relief quand le reste du texte s’envole, manie le vide, le plein, le désir, la mortification, la violence – du temps, du corps, le refus de la sensualité,…
La voix de Véronique Gens (Madame Lidoine), Manon Lamaison (soeur Constance) et de Sathy Ratia (Chevalier de la Force).
La mise en scène d’Olivier Py, la justesse de la dernière scène malgré le son défaillant de la guillotine dans les hauts-parleurs qui nous surplombent et qui abime le moment, mais le mouvement des corps qui dansent leur mort et l’envolée mystique fonctionne. D’autres moments sont plus ambigus, notamment dans le rapport de Blanche avec son frère.
Mais l’ensemble est saisissant. Un monument encore. Le mysticisme de Poulenc me fascine dans sa relation troublée par l’homosexualité, la tension de l’émotion corporelle qui se sait ne pas pouvoir vivre l’intensité qui émane d’elle. Encore plus fasciné lorsque je pense aux discussions entre Poulenc et Samuel Barber, mêmes désirs, même élans, même secret douloureux que la musique exprime.

#dialoguedescarmélites #poulenc #georgesbernanos #opera #olivierpy #homosexualité #mysticisme #samuelbarber

#dialoguedescarmélites #georgesbernanos #homosexualité #mysticisme #olivierpy #opera #poulenc #samuelbarber
17 décembre 2024
la pauvreté, le dépouillement, la sobriété
év… - Antoine Vigne

la pauvreté, le dépouillement, la sobriété
évangéliques évidemment ces mots
mais où sont-ils dans le faste
où sont-ils dans l’invitation des puissants,
où sont-ils sous la lumière, les grands vitraux, les remerciements aux donateurs, aux riches,
où sont-ils face aux tenues de marque, celles des Brigitte Macron et autres, où sont-ils ces mots lorsque la cathèdre pèse des centaines de kilos pour asseoir l’autorité de l’évêque,
où est la réalité du monde, la faim, la guerre, les migrations, les morts en Méditerranée, le long du Rio Grande, où sont-ils, tous, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice ? qu’on ne me dise pas qu’il faut bien ceci cela, qu’il faut bien se plier à la loi du monde, qu’il faut bien remercier les riches, qu’il faut bien savoir se réjouir… ce n’est pas comme cela que je me réjouis, pas dans un faste imbécile qui nie le moment, qui nie la vérité, qui place aux premier rang les haineux et la représentation caricaturale de l’égoïsme (oui, l’imbécile orange mais il n’est pas le seul, il est simplement le fou qui révèle le reste, la marque de la bête, de l’orgueil, de la vanité, de la stupidité de ceux qui s’avachissent), ce n’est pas l’Eglise qu’on m’a promise, pas l’Eglise qu’on m’a enseignée, j’ai bien compris qu’elle n’existait pas, ou de manière si infime dans les rangs de ceux qu’on appelle les croyants, si invisible, si mal défendue par ses paires et ses pères et ses Pères, mais qu’attentez-vous pour reprendre le message? qu’attendez-vous pour vivre selon vos prêches, qu’attendez-vous pour vider ces bancs des beaux manteaux, qu’attendez-vous pour vous souvenir du message
de l’amour, la pauvreté, l’humilité
ce n’est pas Notre-Dame qu’il faut rebâtir, ce n’est pas elle qui est en feu… le miroir est déformant et vous riez.

9 décembre 2024
quand je vois Ursula van der Leyen signer l’acco… - Antoine Vigne

quand je vois Ursula van der Leyen signer l’accord sur le Mercosur : apparemment certains n’ont rien compris au film…
ailleurs, à New York, on assassine le dirigeant d’United Health Care, un gigantesque groupe d’assurance santé.
c’est ainsi que les révolutions commencent… par la colère qui devient violence.
tout est en équilibre instable et les institutions ne sont plus assez fortes pour empêcher la suite.
mais nous sommes tous coupables, nous tous qui vivons bien, qui voyageons sans nous poser de questions, qui acceptons le système parce qu’il nous privilégie, qui refusons de voir l’aberration de notre quotidien favorisé et ses liens au monde ayant créé cette situation, un monde pétri de colonisation économique, y compris dans nos propres pays.
je ne sais pas comment on lutte contre la colère de ceux qui n’ont pas assez, qui n’ont rien (une colère juste, mais la violence peut-elle être juste… je tend à penser qu’on peut au moins l’excuser, n’est-ce pas ce qu’on appelle les circonstances atténuantes?, avec tout ce que cela a d’inconfortable intellectuellement) mais ne pas voir que proner la stabilité, et les grands idéaux démocratiques quand ces idéaux ont été utilisé pour défendre un monde profondément inégalitaire, est une forme de violence, c’est être aveugle à ce qui se passe.
ceux qui veulent l’ordre et la paix aujourd’hui sont souvent les défenseurs d’un ordre ancien. et je comprends qu’on puisse avoir peur, qu’on puisse défendre la paix sociale parce qu’on sait que la déstabilisation du monde sera payée d’abord par ceux qui ont moins. mais l’équilibre a déjà été rompu. nous sommes dans l’après.

#après

#après
7 décembre 2024
Abdellah Taïa à la Maison française de NYU, en … - Antoine Vigne

Abdellah Taïa à la Maison française de NYU, en conversation avec Laure Adler. Sublime quand il parle du doute, du sentiment d’illégitimité dans l’écriture, dans la vie. Il parle de stratégies de survie,
il parle de sorcellerie pour lutter pour la pauvreté, pour déjouer le sort, et, dans cette sorcellerie, il y a les mots, il y a le récit, tout inventer, tout raconter, tout devient histoire,
il dit: “il n’y a pas plus atroce que la solitude”, il parle de sa famille, évidemment, de sa vie, la mère, les soeurs, le père, il parle de Salé, de Rabat, l’air change de Salé à Rabat, on y est forcément différent, forcément illégitime
ses mains bougent lorsqu’il parle, continuellement, il est beau, magnifique, il est envoutant, il dit ne pas avoir peur des sorcières, d’être sorcière, d’être ce qu’on est, ne pas gommer les aspects sombres, l’homosexualité aussi, même s’il faut apprendre à ne montrer que ce qui permet de survivre, mais ne pas nier le reste, ne pas en avoir peur, il y a des contradictions, peut-être, ou pas, mais ce n’est pas grave, elles font parfois du territoire mouvant qu’est l’existence dans laquelle s’érigent des monticules infranchissables entre les êtres
alors il parle de l’approfondissement des voix en soi, les voix plurielles, parfois des djinns, mais le plus souvent simplement des voix, il met en garde contre l’individualisation à outrance, le grand danger dans l’occident et le monde contemporain, ne plus savoir écouter la pluralité des voix, leurs cris contradictoires, la poésie qui en émerge, l’individu sacralisé est trop monolithique, sa souffrance trop rationnelle, il parle du danger de l’auto fiction, du danger des stratégies communautaires aussi quand elles ne sont axées que sur les blessures et non pas aussi sur le socle commun…

(Suite dans le post suivant)

#abdellahtaia #maisonsfrancaisenyu #litterature

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6 décembre 2024
hier soir, l’hommage à Maryse Condé, Richard P… - Antoine Vigne
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hier soir, l’hommage à Maryse Condé, Richard Philcox parle avec une douceur infinie de sa vie à ses côtés, il emprunte pudiquement le territoire de la traduction pour parler de leur relation, des mots, des textes, de son respect pour l’oeuvre, de la fragilité de ce métier de translation, de réécriture à partir d’une langue vers une autre, le glissement forcément imparfait sur lequel on plaque trop souvent des impératifs politiques, idéologiques (un homme blanc pour traduire une femme noire, même s’ils vivent ensemble, forcément, ça coince, comme s’il ne devait y avoir qu’une seule version de la traduction, comme si telle traduction allait empêcher telle autre, suivante, d’advenir… où avons-nous hérité d’une telle rigidité, d’une telle peur du présent qui ne nie pas forcément l’avenir, d’autres idées, d’autres versions, on cherche tellement la justesse pour réparer toutes les injustices passées qu’on en oublie le temps auquel nous sommes tous soumis, la perspective qui se déroule sans fin).

mais la présence de Maryse Condé sur l’écran du documentaire perce, ses mots parfois difficilement prononcés, accrochés, est-ce l’âge qui tend la diction? elle se repose sur les textes, sur les portraits, le meurtre littéraire comme une nécessité pour déjouer le mauvais en nous, elle rit, elle parle de la Guadeloupe et de l’incompréhension du monde d’où elle vient, elle parle de l’exil nécessaire, de la rencontre comme antidote.

#marysecondé #richardphilcox #maisonfrancaisecolumbia

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5 décembre 2024
un moment sombre 
“je n’ai aucune illusion sur… - Antoine Vigne

un moment sombre
“je n’ai aucune illusion sur ce qui vient”
le Sabbath Queen de Sandi Dubowski et la complexité de la réaction actuelle au monde qui se désagrège devant nos yeux
il dresse un portrait tortueux, tendre, ouvert, incertain de la spiritualité pour ceux qui se découvrent queer, qui cherchent un autre chemin, qui sont obligés de l’inventer parce que les modèles n’existent pas, parce que les religions se sont historiquement rigidifiées, codifiées, trahissant par là-même l’évanescent, le dieu de la brise, le feu du buisson, l’insaisissable. Amichai Lau-Lavie incarne le fleuve qui charrie les tempêtes, les berges, les sédiments accumulés, qui passe tous les barrages, qui s’infiltre dans les brèches causées par la douleur des injonctions, des rétrécissements imposés par le dogme, la loi, la lecture calcifiée des textes.
Pendant les questions/réponses qui suivent la séance à IFC, il navigue l’incertitude et la prudence (sagesse) avec une bonne dose d’humour, il choisit la tradition comme cadre tout en acceptant de le dilater sans cesse, de le torturer pour qu’il laisse de la place à l’humanité, ses humeurs, ses travers, ses émotions, l’errement comme une erreur et comme un chemin
beau film
belle figure
beau récit
l’intersection de l’histoire et du temps individuel, des nuages noirs qui s’accumulent sur nos démocraties,
et la collision du changement radical de prisme qu’amène/qu’impose l’époque avec la réaction/l’autoritaire qui cherche à préserver ce qui ne peut pas l’être: un monde passé et mort
“je choisis d’espérer quand même mais je n’ai aucune illusion sur ce qui vient, nous allons devoir survivre”
#sabbathqueen #amichailalavie #sandidubowski #religion #traditionetfanatisme #errer

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2 décembre 2024