Tant de choses compliquées pendant ce voyage à Miami. Comme une tempête qui se déploie, the perfect storm, le déséquilibre permanent, l’incapacité de me concentrer, de me libérer du désir, des applis. Avec une forme de violence dans l’intensité du besoin qui mange les heures les unes après les autres, des bouts de nuit dont je sais que je ne les rattraperai pas, qu’elles empièteront sur mon travail la lendemain parce que je me réveillerai à la même heure, toujours. Je travaille quand même, je sais qu’une partie de la difficulté vient de cela, de ce moment de réécriture compliqué où je m’emmêle, je me sens fragile, menacé. Mais cela ne suffit pas à expliquer l’atmosphère générale de mon voyage, l’impression d’être perdu sans cesse, l’impression de solitude, l’impression de courir après les fantômes tropicaux de mes nuits sur la plage pendant Art Basel quand je travaillais pour Blue Medium, quand mes journéessur les stands et dans les foires se terminaient dans la demi-obscurité près des chaises longues empilées, des cahutes fermées face à la mer autour desquelles se glissaient des formes mouvantes, des corps cherchant et désirant, que je regardais les nuages filer en pensant à Hemingway, en rêvant à cette Floride fantasmée, celle de Julia Tuttle et des Brickell, celles d’un avant engloutissant aussi bien le temps des pionniers que celui des années 30 ou des années 50 ou 70, de l’Art Déco aux grosses voitures, des Juifs de l’après-guerre aux gays de la renaissance sud-floridienne. Mais avant l’argent bourgeois, grossier, stupide de ce maintenant que je ne réussis pas à saisir. Des heures donc, perdues. Essoufflées. Je regarde la mer et la lagune depuis le balcon de l’appartement de Steve. Je contemple les immeubles qui se multiplient, celui qui monte de l’autre côté de la rue, sur Alton Road, je tente trois mots, je m’arrête. Mais rien ne vient. Rien ne vient. Et impossible à ce moment-là de continuer à travailler, les quelques phrases que je jette sur l’écran ne signifient rien, elles sont une tentative de mon esprit de se convaincre que tout va bien, je maitrise, j’avance quand même, allez, un deuxième café pour continuer, mais non, NON, rien, je ne suis pas là.