photo retrouvée, incertaine, on cherche ce qui est pris, l’intention du cliché mais cela ressemble aux images ratée, celles que les magasins de photo ne factureraient plus dans les années 1990 mais pour lesquelles on payait encore, un cadrage qui ne voit rien, sans doute juste l’idée de saisir le geste, Claude qui danse en discutant avec François, mes deux oncles, toute une généalogie s’expose, Tantine, Zabeth, Bénédicte, Philippe, 1983-4 ou 5,
qui prend la photo ? Papa, Grand-Père ? j’ai retrouvé le cliché dans ses papiers,
rien de précis donc, un verre vide, une cigarette en train d’être fumée, le dos des fauteuils malgaches, une barrette blanche dans des cheveux, le flou sur des montures de lunettes qui encadrent la scène, Tantine, dans le fond, semble fixer celui qui l’attrape dans son champ de vision, c’est un portrait, en cela, un portrait de sa solitude au cours d’une fête de famille, elle est assise devant la lampe qui attire à elle tout le contraste de la pellicule, de l’image, personne ne lui parle, il ne se passe rien et il se passe tout, pourtant, il y a plus de vie dans ce moment d’entre-deux que dans tous les clichés posés de nos albums, c’est un tableau, une atmosphère, des intuitions de regards qui se croisent, personne ne parle, sauf peut-être François dont on n’aperçoit que le crâne (je sais que c’est lui grâce à un deuxième cliché, dans l’instant qui précède ou qui suit, révélant le mouvement du photographe dans la pièce, le salon de l’avenue de Wagram, les murs sont relativement vides, cela ressemble à mes parents, ne pas se soucier trop de l’intérieur, ne pas prétendre au genre de vie bourgeois qui commence à les entourer, rester dans la trace simple, souple, décontractée, un tantinet traditionnelle, ce qui viendra viendra quand il viendra, aurait dit mon père, ma mère aurait souri, je me serais assis sur le canapé, ma soeur aussi, la chatte Minette serait passée, on aurait rangé les verres, les assiettes, les bouteilles de Tropicana en verre achetées chez Madame Lepot avec les petit fours frais, la vie aurait continué, ne laissant que cette trace de la journée que je contemple quarante ans après, que d’autres auraient jetée, moment précieux