Peut-on abandonner les impérialismes de toutes sortes, l’idée qu’on peut décider pour l’autre, qu’on possède la terre, peut-on ouvrir Gaza, laisser la population sortir plutôt que de durcir un blocus qui n’a pas de sens, arrêter tout, oui tout, la machine économique, les projets pharaoniques de nations qui s’entrechoquent, attendre, pleurer ensemble, les morts, nos morts, les autres, toutes les souffrances, nous regarder, nous toucher, s’asseoir dans le sable, ne plus rien faire que d’attendre, laisser les nuits nous emporter jusqu’à ce que les blessures, les deuils, les haines n’aient plus de sens, que nous voyions nos peurs, nos traumatismes, que nous acceptions de les vivre ensemble plutôt que de les vivre séparément. il y a une erreur dans l’idée d’État, de tout État, celle d’imaginer que la terre nous appartient alors qu’elle doit être partagée, et le plan de partage de 1947 portait en lui cette énième erreur qui était de panser les plaies impansables/impensables par l’érection de lignes, de limites, d’appartenances qui nous séparent plutôt qu’elles nous rassemblent. Nous mourons tous, certains beaucoup plus que d’autres, mais nous mourons tous de notre besoin de définir ce qui est nôtre quand ce nôtre devient un mien qui s’oppose au tien. Toutes nos frontières contemporaines contiennent en elles la peur de l’autre, la peur de manquer, d’être dilués, d’être niés, d’être confronté à ce qui n’est pas nous parce que notre nous est trop étroit, parce qu’il oublie sa dimension universelle, cosmique, le détachement nécessaire d’avec toutes choses, y compris le passé, quelque glorieux ou malheureux, tragique qu’il soit. La réconciliation passe par l’oubli de ce que nous sommes, non pas un oubli absolu, non pas un oubli linéaire mais la capacité d’oubli qui est une capacité d’accueil de l’autre, sa différence et sa proximité, accepter que nous ne sommes rien absolument, ni Français, ni Palestiniens, ni Israéliens, ni arabes, ni Juifs, ni catholiques évidemment, ni gays, nous sommes tout cela et pourtant capable d’être le monde entier dans le même temps. Les corps qu’on emporte dans le désert enterrent l’idée de notre pluralité qui sauve. #gaza #penserlimpossible