Nuit chaude. 22 degrés à 21h le 6 novembre quand je quitte l’Eagle, que je prends la bateau pour rentrer. Étrange douceur, toujours la même impression que nos récits ne capturent pas toute la réalité du moment, que la COP27 qui s’ouvre est à la fois la continuation d’un espoir et une tragédie, que nos villes illuminées sont sublimes et des monuments à nos échecs collectifs, que l’aberration du capitalisme et du consumérisme conduisent à la faillite, que nos démocraties et nos nations ne survivront pas en l’état mais que seront inventés d’autres chemins de chaos, d’autres itinéraires de résilience. Mais comment le dire, comment le penser, comment penser les instances internationales qui devront enfin partager les richesses et les détresses, mettre à bas la domination imbécile du profit, réinventer les solidarités, la compréhension du vivant, de l’histoire des peuples, en finir avec l’aberration des religions instituées qui ne produisent qu’hypocrisie et obscurantisme sans jamais remplir le vide qu’on ne peut pas remplir. Les élections arrivent, ici et partout et le seul discours audible est celui de la peur, évidemment, parce qu’il faut avoir peur, parce que le monde créé par la domination du libéralisme arrogant n’a tenu aucune de ses promesses, il a trompé, il a abîmé, rendu sourd, compromis ceux même qui devait le combattre, qui aurait dû voir les dangers. Je comprends aujourd’hui qu’on verse de la soupe sur des Van Gogh dont la valeur marchande n’a aucun sens. Parce que ce monde n’a pas de sens. Et que notre recherche d’un modèle universel, compréhensible, rationnel, prélude à notre besoin de l’imposer, n’a peut-être pas de sens non plus. J’avance comme tout le monde dans la nuit chaude qui nous effraie et nous rassure.