il n’y a pas de frontières parce qu’elles sont toutes inventées, parce qu’elles ont toutes bougées au cours de l’histoire, parce qu’elles relèvent de logique d’appropriations qui nient ce que nous sommes, des nomades qui passent dans ce monde,
l’accumulation (de terres, de biens), c’est la mort, la grande promesse du capitalisme et des nationalismes, des patriotismes, c’est l’appartenance mais l’appartenance inversée, ce ne sont pas les choses qui nous appartiennent, ce sont les choses qui nous possèdent, qui dictent nos conduites, nos peurs (de la dépossession)
le plus drôle, c’est que toutes les religions mettent en garde contre cela, contre la possession, et que tous les conservatismes se servent des religions pour définir exactement le contraire, pour définir l’élection (divine) par la possession, comme s’il pouvait y avoir élection lorsque l’existence du monde repose sur l’interpénétration du tout, sur l’idée contenue dans ces mêmes religions que le tout n’existe pas sans ses parties
alors oui, j’écoute Glissant quand il dit
“je n’aime pas l’idée que celui qui dirige le monde a le droit de dire le monde“
et, dans un moment, où la tentation pour l’Europe et tous les pays qui assistent à la folie trumpienne de se réarmer, entrer dans une course à la puissance se fait plus forte chaque jour, je dis que nous pouvons prendre d’autres chemins, proposer d’autres manières de faire corps, accepter enfin ce qui est : penser la lenteur contre la rapidité, penser la justice contre la violence, penser, la poésie contre l’explication rigide, impérative (comme les frontières, qu’elles miment, nos pensées changent, avancent, n’existent que comme un dialogue avec ce qui nous entoure,
il faut penser la pensée comme un chemin et non pas comme une grille, rejeter les territoires conquis parce qu’il n’existe pas de conquête, chaque jour ramène le même levant dont la clarté s’efface progressivement), penser l’union contre le morcellement et le morcellement contre l’union mais jamais l’un sans l’autre, revenir à la fragilité, protéger la lenteur qui seule donne sens à l’exaltation de la rapidité. ré-ingénier le tout-monde. savoir que ne pas participer c’est aussi vivre.