…
soleil pourtant, soleil de fin
d’été, la chaleur baigne
le petit matin
tu tiens la porte du véhicule
statique et tu attends, tout droit, le métal te brûle sans doute mais pas un de tes doigts
ne bouge, ne provoque la fixité de ton regard, le temps s’arrête, le temps que Malé
descende, je ne vois que son voile
dans le vent, son voile léger, en étoffe grise mais claire, opalescente
ou sont-ce ses cheveux qui brillent, l’image s’efface comme la mémoire, invente des arabesques
dansantes mais je vois son calme
tranquille, ses yeux où se lit l’attente d’après l’exil, l’attente qui ne change jamais, chaque pas l’éloigne de ce qui était
avant, vos vies dans l’innocence de la rencontre, de la maternité par adoption, des jours à son bureau, les plans de villes, de squares, de routes qu’elle trace, un urbanisme/paysagisme qui tourne autour des formes, des ruines, qui les reconstruit, entasse les pierres, l’histoire,
des millénaires,
Assad et la modernité s’imposent ?
alors qu’elle parle de encore de son adolescence dans un garage de bord de mer, le ferraillage, les entassements de calandres, de pneus, l’odeur d’essence qui imprègne tout, les heures abandonnées, entre les cours, entre les classes, les mois de vacances sur place
pourquoi suis-je là, derrière la fenêtre, le volet ouvert en pleine journée sur les platanes au bord du Rhône, l’incertitude du deuil, du vide sans doute, des notes à prendre pour la mission du ministère, une autre,
je devrais me souvenir mais non, ma tête est vide quand je convoque l’image, les souvenirs,
je sens tes yeux qui passent sur moi, de loin, tu ne me vois pas, ou pas vraiment mais je perçois
ton regard, périphérie
qu’englobe l’esprit sans la concevoir, la formuler, tu dois
sentir que je suis là, au-dessus, sur les remparts du Moyen-Âge devenus maison d’habitation, un matin bleu azur, bleu pâle comme à l’automne, la fenêtre entre les arbres,
ton regard qui fuit vers moi : une graine qui tombe
en terre, salie déjà, la boue l’enserre et la
féconde, l’entraîne
vers l’entre-deux,
le gouffre chaud, brûlure qui monte
de l’intérieur,
Thaddée,
où germe l’amour